éditoriaux

Métahistoire

Métahistoire

Souvent alléguées mais finalement peu lues de ce côté-ci de l'Atlantique, faute jusqu'ici d'une version française, les réflexions de Hayden White sur l'écriture de l'Histoire sont surtout connues en France par l'intermédiaire de P. Ricoeur et mieux encore par les réactions, parfois nuancées (R. Chartier), parfois tranchées (C. Ginzburg), qu'ils ont suscitées chez les historiens, ou plus près de nous par le dialogue entretenu avec le théoricien américain par Françoise Lavocat dans Fait et Fiction, et d'Ivan Jablonka dans L’Histoire est une littérature contemporaine. Dans un dossier intitulé "Patates chaudes" : poétique, savoirs, politique, la 33e livraison de la revue Labyrinthe avait toutefois proposé en 2009 la traduction de la seule introduction de Metahistory (1973), le plus célèbre des ouvrages de White. Les éditions de l'EHESS en donnent aujourd'hui la version intégrale, dûment assortie de son sous-titre original L’imagination historique dans l’Europe du XIXe siècle, dans un texte établi par Jacques Dalarun et présenté par Catherine König-Pralong.

Rappelons qu'un autre essai de Hayden White, L'Histoire s'écrit, est toujours disponible aux éditions de La Sorbonne, une anthologie qui offre un large échantillon de sa production scientifique des années 1960 aux années 2010, et un parcours de principaux genres discursifs pratiqués par l’historien – l’essai, la recension, l’interview. Mais aussi, toujours efficiente, l'entrée "Historiographie" de l'Atelier de théorie littéraire, ainsi que l'article récemment signé par Brice Tabeling, "Éthique et politique de la transhistoricité littéraire", et publié en postface à la 23e livraison de Fabula-LhT, "(Trans-)historicité de la littérature".

Close reading, toujours plus près

Close reading, toujours plus près

La revue COnTEXTES a récemment diffusé un appel à contributions pour revenir sur la dichotomie entre close reading et distant reading et faire un bilan des méthodes qui intègrent la lecture distanciée dans l'espace francophone. Si depuis les travaux de Franco Moretti, ces approches quantitatives prennent de l'ampleur, la lecture de détail fait également l'objet de plusieurs parutions récentes aux États-Unis. Des ouvrages comme celui de Dan Sinykin et Johanna Winant, Close Reading for the Twenty-First Century (à paraître) ou On Close Reading de John Gillory (2025) témoignent de ce regain d'intérêt pour une pratique qu'on pense souvent à tort délaissée ou dépassée. Mentionnons également le livre paru en 2023 de Jonathan Kramnick, Criticism and Truth. On Method in Literary Studies, qui a eu un grand retentissement outre-Atlantique. Au-delà des protocoles de lecture envisagées, ces différents auteurs ont notamment à cœur de donner une portée éthique au close reading. Ces quelques publications sont loin d'être les seules à illustrer ce renouveau critique, comme on peut le constater en consultant les très riches Close Reading Archive. Rappelons enfin que la revue Fabula-LhT avait consacré l'une de ses premières livraisons aux lectures rapprochées, sous le titre : "Complications de textes : les microlectures".

Avec Shakespeare

Avec Shakespeare

Philippe Forest a fait le pari de donner une vie de Shakespeare, "par-delà la vérité", en partant du constat que "De William Shakespeare, on sait tout, c’est-à-dire à peu près rien. À moins que ce ne soit l’inverse. Car que sait-on, au fond, de la vie d’un homme ? Que peut-on en rapporter ? Comment dessiner le portrait de cet auteur, immense, quand ses traits sont ceux de tous – autant que ceux de personne ? Une vie suppose des faits et des gestes. Ils sont tous là. Une vie s’étoile de mots. Ils sont partout. Words, words, words, dit Hamlet. Dans Shakespeare. Quelqu’un, tout le monde et puis personne (Flammarion), Philippe Forest montre qu'il sait "le vertige des phrases et le mirage de l’identité, quand nous n’avons rien en propre." Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…

Rappelons son précédent essai, déjà salué, Rien n'est dit. Moderne après tout (Seuil, "Fiction & Cie", 2023), dont Fabula donne toujours à lire les premières pages…, et le "tract" diffusé par Gallimard :  Déconstruire, reconstruire. La querelle du wokeMais aussi, dans Acta fabula, le compte rendu par Morgane Kieffer sous le titre "Poétique de la mélancolie : l’écriture en deuil de Philippe Forest" du premier ouvrage collectif consacré naguère au romancier, à l'initiative de Maïté Snauwaert, Philippe Forest, la littérature à contretemps. Et dans l'Atelier de théorie littéraire l'entretien avec Philippe Forest réalisé jadis par Laurent Zimmermann : "Le roman et le réel".

Histoire de la sexualité : suite et fin

Histoire de la sexualité : suite et fin

Pavillon Flammarion

Pavillon Flammarion

La vénérable et néanmoins toujours jeune maison Flammarion fête un siècle et demi d'amour des livres et des idées. Sous le titre Flammarion, 150 ans d'édition et de librairie, un album signé par Pascal Fouché et Alban Cerisier vient rendre compte de l'histoire singulière d'une maison qui a rejoint le groupe Madrigall en 2012 et révèle la variété d’un catalogue qui, à lui seul, offre une vue imprenable sur l’histoire des livres, des idées, de la création littéraire et des mœurs. Pour l'occasion, Flammarion publie une série de titres dans une édition anniversaire, qui s'ouvre (à tout seigneur, tout honneur) sur Les étoiles et l'univers sidéral de Camille Flammarion, auquel Elsa Courant consacre par ailleurs un essai Faire rêver le monde ; celle collection fait la part belle aux sciences humaines, et accueille aussi quelques titres inattendus dont Legs de Freud de Jacques Derrida, extrait de La Carte postale.

Leçons de Wajdi Mouawad

Leçons de Wajdi Mouawad

"Pour s’avancer jusqu’au bord de son ravin, il faut des mains à tenir. Mais, de toutes les mains, la plus précieuse est celle qui nous donne le courage de lâcher. Car écrire c’est chuter, c’est le battement de son coeur qui remonte à la gorge, et qui accélère aux rafales des frayeurs." Au Collège de France, en 2025, Wajdi Mouawad a prononcé huit leçons. Chacune avait pour matière l’exploration d’un verbe : être, voir, trembler, choisir, rencontrer, consoler, aimer, mourir. Tout son parcours personnel et artistique s’y réfléchissait. On peut aujourd'hui les retrouver dans Jusqu'au bord de son ravin. Les verbes de l'écriture (Seuil).

Vies d'Irène Némirovsky

Vies d'Irène Némirovsky
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