Questions de société

éditos

Où trouver l'opinion publique ?

Où trouver l'opinion publique ?

Notion faussement familière, "l'opinion publique" est utilisée au quotidien par les journalistes, les acteurs politiques, et invoquée via un outil comme le sondage. Elle laisse penser qu'il serait possible d'accéder à une vision globale, même floue, des attentes d'un peuple. Mais dans nos sociétés contemporaines individualistes, peut-on encore parler d'une opinion publique ? Est-elle la somme des opinions individuelles ? Si tel est le cas, comment les recenser ? Et pourquoi saisir l'opinion : pour l'écouter, la contrôler, l'assagir ? L'essai publié par Thomas Frinault, Pierre Karila-Cohen et Érik Neveu sous le titre Qu'est-ce que l'opinion publique ? (Folio Essais) vient utilement le rappeler : derrière l'opinion publique se cache donc la question du droit à parler et à être écouté dans l'espace public, question intimement liée aux aspirations démocratiques des sociétés. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…

Rappelons la récente traduction l'un des tout derniers livres de Jürgen Habermas, Espace public et démocratie délibérative : un tournant (Gallimard), qui souligne combien les réseaux sociaux effacent pour certains de leurs utilisateurs la délimitation constitutive entre sphère privée et sphère publique : chacun peut parler individuellement comme auteur d’une parole publique. Si dans l’espace public traditionnel, il fallait, pour devenir un tel auteur, se soumettre à la médiation des médias qui mesuraient la vérité, la rationalité et la cohérence logique de la parole, avec les réseaux sociaux la position d’auteur est immédiatement acquise pour chacun. Cette publicité immédiate de la parole intime et privée conduit à l’érosion des critères de rationalité. "Maintenir une structure médiatique permettant à l’espace public de rester un espace inclusif et permettant à la formation de l’opinion et de la volonté publiques de conserver son caractère délibératif ne relève donc absolument pas du simple choix politique : il s’agit d’un impératif proprement constitutionnel." Fabula donne à lire un extrait de cet essai…

Et si les méchants avaient raison ?

Et si les méchants avaient raison ?

La voie du sens

La voie du sens

Denis Guénoun vient nous le rappeler : "L’encouragement n’est pas du même ordre que le courage. Celui-ci se préoccupe de faire face à la peur : il se dresse contre le négatif, le danger, la menace. Alors que l’encouragement veut donner du cœur à l’ouvrage, porter à l’amélioration, aider au perfectionnement". Sous le titre Du sens et le sous-titre Exercices d'encouragement, le recueil d'essais du philosophe et dramaturge qui paraît aux éditions Manucius, montre qu'il est bien utile de s’y exercer aujourd’hui. L'ouvrage fera l'objet d'une présentation-rencontre, le jeudi 1er juin 2023 à la Librairie l'Acacia à Paris.

Rappelons le récent cahier consacré à Denis Guénoun par la revue Europe, mais aussi qu'un colloque est naguère venu réunir à Lausanne et Genève lecteurs et spectateurs de Denis Guénoun sur une même scène — celle où la littérature, la philosophie, la politique, la théologie, la morale même acceptent de se soumettre à une inédite distribution pour mieux se donner la réplique. On peut en trouver les actes dans le volume paru sous le titre Avec Denis Guénoun. Hypothèses sur la politique,le théâtre, l'Europe, la philosophie (MétisPresses), à l'initiative d'Éric Eigenmann, Marc Escola et Martin Rueff. On peut lire sur Fabula l'introduction du volume, et retrouver à l'entrée "Théâtre" de l'Atelier de théorie littéraire quatre essais de Denis Guénoun : Sur les deux sens de la répétition au théâtreThéâtre et poésie. PropositionsL'adresse au sans visage. Remarques sur le jeu de l'acteur, et Oran, Camus et La Peste.

Penser avec le cinéma

Penser avec le cinéma

Dans la nouvelle collection Épures des Presses Universitaire de Rennes déjà saluée par Fabula, Jiri Benovsky fait paraître Philo fiction. Penser avec le cinéma, enté sur ce paradoxe patent : René Descartes fut véritable scénariste de Matrix. Mais sait-on que le même Descartes avait également beaucoup de points communs avec Tom Cruise ? les films de cinéma et les séries télévisées débordent de philosophie, que ce soit Kant ou Nietzsche qui jouent des rôles de premier plan dans Star Trek ou encore John Locke qui inspire les créateurs d’Avatar Le dilemme du prisonnier donne vie au scénario de Batman, les questionnements sur la nature de l’esprit et de la conscience animent les réalisateurs de Terminator et de Robocop, la possibilité de voyage dans le temps ou le débat concernant la liberté et le déterminisme perturbent la vie de Marty McFly dans Retour vers le futur. Fabula vous invite à lire l'introduction de l'ouvrage… et à parcourir sa table des matières…

Rappelons au passage la deuxième livraison de Fabula-LhT qui se demandait en 2006 (déjà) "Ce que le cinéma fait à la littérature (et réciproquement)", à l'initiative de Jean-Louis Jeannelle et Margaret Flinn.

(Illustr.: Denis Villeneuve, Arrival / Premier Contact ou L'arrivée, 2016)

L'éventail des possibles

L'éventail des possibles

Théoricien de la pensée libertaire nord-américaine, figure de proue de la gauche radicale anglo-saxonne et du mouvement Occupy Wall Street, penseur iconoclaste des "bullshit jobs" et de l'histoire de la dette, David Graeber (1961-2020) a puissamment contribué à refonder l’anthropologie politique. Plusieurs éditeurs français ont à cœur d'élargir aujourd'hui son audience. Paraissent ainsi coup sur coup plusieurs titres, dont une nouvelle édition de Possibilités. Essais sur la hiérarchie, la rébellion et le désir (Rivages), quatre essais traduits et présentés par Martin Rueff et Maxime Rovere, qui traitent de notre désarroi actuel, de l’origine du capitalisme, de la démocratie, l’anarchisme et le désir, pour ouvrir des fenêtres sur d’autres formes possibles d’existence sociale, et rappeler que les possibilités humaines sont toujours plus vastes que ce que nous imaginons. Fabula vous invite à lire le début de l'ouvrage…

Mais aussi, un recueil d'essais co-signé avec Marshall Sahlins, Sur les rois (La Tempête), qui explore ce qu’est la royauté d’un point de vue philosophique et anthropologique. Ils montrent que les rois symbolisent bien plus de choses que la seule souveraineté. En réfléchissant sur des sujets tels que la temporalité, l’altérité ou l’utopie – mais aussi au divin, à l’étrange, au sacré ou au bestial – Graeber et Sahlins explorent le rôle que les rois ont joué sur la planète, des Bakongo aux Aztèques et aux Shilluk en passant par d’autres peuples.

Signalons encore La fausse monnaie de nos rêves. Vers une théorie anthropologique de la valeur (Les Liens qui libèrent), qui se demande comment la définition de la valeur peut-elle participer à la création d’un monde meilleur ? D. Graeber montre que la polysémie du terme de valeur est précisément un atout pour qui cherche à contrecarrer le mythe de l’individu maximisateur qui semble prévaloir en ce début de XXIe siècle. En partant de la critique du capitalisme de Marx, des recherches de Mauss sur les "économies du don", mais aussi de ses propres travaux sur les Maori, les Kwakiult, les Iroquois, les hommes et les femmes de Madagascar et d’ailleurs, il élabore sa propre théorie anthropologique de la valeur. Selon lui, la valeur ne sert pas à réi er une production sociale stable ; elle nourrit, au contraire, l’imagination sociale, conflictuelle et émancipatrice, tant collective qu’individuelle. Cette conception de la valeur la transforme en moteur de vie, en déclencheur de luttes, car s’interroger sur les "conceptions du souhaitable" revient alors à dé nir ce qui nous importe vraiment.

Rappelons aussi, à peine en amont, la traduction aux Presses du Réel de L'anarchie – pour ainsi dire, un recueil de Conversations avec Mehdi Belhaj Kacem, Nika Dubrovsky et Assia Turquier-Zauberman, qui venait redéfinir les contours de ce que pourrait être une "morale anarchiste" aujourd'hui.

(Illustr. : exposition Des possibilités infinies par Shuto Todoroki, Maison de la Culture du Japon à Paris, du mardi 4 avril au mardi 16 mai 2023).

Les formes du quotidien

Les formes du quotidien

Le quotidien renvoie à une double temporalité : d’une part à celle du cadre matériel et physique de la journée, du présent ordinaire où disparaît la fulgurance de l’instant ; il est alors perçu comme prosaïque, dénué d’intérêt, de grandeur, de vertige. D’autre part, à celle de la répétition indéfinie des jours, des tâches dites « quotidiennes », des emplois du temps inscrits dans les formes historiques et sociales de la réalité physiologique et matérielle. Comment rendre compte à la fois de la continuité et de la répétition, du banal et de l’exceptionnel ? La nouvelle livraison de la revue Communications propose de saisir les formes historiques et contemporaines du quotidien dans des espaces aussi variés que l’hôpital, la ville, le logement, et sous des registres aussi divers que la contrainte, le désastre ou la liberté. Le sommaire est d'ores-et-déjà accessible en ligne via Cairn…

(Photo.: Piazza del Popolo, Roma, 1931, ©Paul Wolff,1887 - 1951)