éditoriaux

Joyeuses fêtes !

Joyeuses fêtes !

Toute l'équipe Fabula vous souhaite de lumineuses fêtes de fin d'année, et vous invite à feuilleter l'album de l'année écoulée, soit : les quelque cinq-cents billets affichés semaine après semaine sur les trois pages d'accueil que compte le site. Si vous manquez de lectures, ou d'idées de cadeaux de Noël, ce ne sera pas la faute de Fabula. L'équipe n'ayant pas davantage chômé en 2025 que les années précédentes, vous y retrouverez dûment signalés les vingt nouveaux sommaires accueillis parmi nos quatre collections de Colloques en ligne, la dizaine de dossiers critiques d'Acta fabula, dont le numéro anniversaire qui est venu saluer cet été (avec un an de retard) les 25 ans de notre revue des parutions, ainsi que les deux livraisons annuelles de la revue Fabula-LhT, aussi bien que les (trop) rares articles nouvellement versés dans l'Atelier de théorie littéraire, (toujours) en cours de refonte.

Rendez-vous dès le 5 janvier pour découvrir les essais de la seconde rentrée littéraire.

Qui a peur des bibliothèques ?

Qui a peur des bibliothèques ?

Qui a peur des bibliothèques ? On doit se poser la question, avec la dernière livraison de la NrF. Elles vivent depuis la nuit des temps à l’ombre de la censure, nous rappelle l’écrivain, traducteur et ancien directeur de la Bibliothèque nationale d’Argentine Alberto Manguel dans un éloge à ces temples du livre. Lieux de savoir à l’usage du pouvoir depuis leur création, nous rappelle, avec Ovide, le professeur au Collège de France William Marx. Lieux de fantasmes et de symboles aussi, pour l’éditeur Julien Brocard, qui échafaude la vertigineuse bibliothèque des livres qui n’ont jamais été écrits. Tandis que Vanessa de Senarclens, enseignante à l’université Humboldt de Berlin, revient sur « les pertes de guerre » des bibliothèques allemandes. Quel scénario d’avenir à l’heure de l’IA et de la numérisation des collections ? L’avenir appartient aux rats de bibliothèque, affirme dans une fiction déjantée le romancier et directeur de la Bibliothèque de littérature française et comparée de la Sorbonne, Cyrille Martinez.

Les États-Unis sont-ils en train de renouer avec les pratiques de l'autodafé ? Un second dossier donne la parole à l’ancien directeur de la bibliothèque de Harvard, Robert Darnton, qui revient sur la multiplication des interdictions de livres aux États-Unis, tandis que les écrivaines Alice Kaplan et Isabelle Jarry passent au crible deux livres-symboles de cette censure nouvelle : Les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain et 1984 de George Orwell.

Zinzin, mignon ou intéressant ?

Zinzin, mignon ou intéressant ?

On avait pu lire en les prolégomènes en français dans la revue Multittudes, mais c'est la collection "Theoria incognita" des éditions Ithaque qui en accueille la complète traduction : Sianne Ngai se penche dans son nouvel essai sur Nos catégories esthétiques, ou tout au moins sur ces trois valeurs que sont Le zinzin, le mignon et l’intéressant ; trois catégories qui saturent la culture postmoderne, façonnent son art et (ou) ses marchandises et les sentiments ambivalents que de tels objets inspirent. La chercheuse y propose donc "une théorie des catégories esthétiques que nous utilisons pour interpréter le monde du capitalisme tardif hyper-marchand, massivement médiatisé et axé sur la performance". Comme style de performance indissociable d’un intense travail émotionnel, le zinzin est couplé aux processus de production et il engage notre espièglerie autant que notre sensibilité au désespoir. L’intéressantaccompagne la circulation des discours et engendre aussi bien de l’intérêt que de l’ennui. Le mignon imprègne notre consommation et suscite simultanément de la tendresse et de l’agressivité. Au fil de ses lectures de Kant, Schlegel, Nietzsche, Adorno ou Jameson, et sur des exemples tirés de la poésie, de l’art contemporain ou des sitcoms, Sianne Ngai montre comment ces catégories du quotidien défient l’esthétique classique – et ce que leur analyse requiert d’imagination philosophique. L'essai est donc à lire comme un traité, un manifeste, un pamphlet et un manuel tout à la fois.

(Illustr. : Les sculptures géantes de Monsieur Rose signées par Philippe Katerine pour l'exposition Mignonisme au Bon Marché, février 2022)

Penser queer en français

Penser queer en français

Littératures sauvages : le surréalisme hors du livre

Littératures sauvages : le surréalisme hors du livre

Récurrente au fil du temps, l’exploration des alternatives au livre s’intensifie au début du XXe siècle, en devenant une constante des mouvements modernistes et avant-gardistes. Le surréalisme n’y échappe pas, créant même en ce domaine une position originale, mais non dépourvue d’ambiguïtés : porté par le désir d’une poésie exprimée dans la vie même ou, en Belgique, par le refus de toute forme d’institutionnalisation, ce mouvement exploitera assidument les possibilités offertes par les littératures sauvages, ces productions élaborées hors du circuit traditionnel de l’édition, le plus souvent sur des supports de fortune ; mais il apparaîtra également, en France à tout le moins, comme la plus livresque des avant-gardes. La journée d’étude « Le surréalisme hors du livre », qui s’est tenue le 20 juin 2023 à l’université de Namur, déplie les tensions au cœur des usages surréalistes de la littérature hors du livre à partir des surréalismes français et belge, sans exhaustivité mais avec le souci d’interroger les points les plus représentatifs de l’histoire de ce mouvement. Les Colloques en ligne de Fabula en accueille les actes, réunis par Manon Houtart et David Vrydaghs.

La Troisième République des Lettres au féminin

La Troisième République des Lettres au féminin

Depuis 2021, la collection L'Imaginaire des éditions Gallimard s’est engagée dans la réédition d’autrices parfois méconnues, à l’instar de la série "Les œuvres du matrimoine" dans la collection Librio chez Flammarion, qui propose des rééditions d’œuvres d’autrices de l’Ancien Régime jusqu’au XIXsiècle. Mais bien d'autres maisons, dont les plus précaires maisons indépendantes comme La Variation, et beaucoup d'autres mains, œuvrent à la revalorisation d'un canon féminisé. À l'initiative de Valentine Bovey, le 91e dossier critique d'Acta fabula se demande ce que signifie "Rééditer la Troisième République des lettres au féminin". Le dernier tiers du XIXe s. et les premières décennies du XXe s. ont vu en effet s'accroître le nombres de titres signés par des femmes, sur fond des premières luttes féministes, et concurremment à l’émergence d’un nouveau discours sur les sexualités — en particulier sur l’homosexualité qui, si elle est toujours très stigmatisée, devient un sujet littéraire à part entière. Le dossier s'intéresse à la réception de certaines de ces œuvres et au discours qui les accompagne, dans un péritexte repensé souvent à partir des clés d’analyse offertes par les études genre et queer. Valorisation parfois ambigüe, qui peut confiner ces œuvres dans un contre-canon, au sein de collections qui visent un public militant, en leur refusant le passage du particulier à l’universel que souhaitait Monique Wittig pour la littérature minoritaire.

(Illustr. : Caroline Dufau, vignette du journal féministe La Fronde (1897-1905), ©Gallica / Bibliothèque nationale de France)

En langue d'Oc

En langue d'Oc

En 2022, la revue canadienne Voix plurielles publiait une série d’articles sur les "Écritures de femmes d’oc, XIXe-XXIe s.", à l'initiative de Jean-François Courouau et Cécile Noilhan. Une nouvelle livraison supervisée par Cécile Noilhan vient prolonger cette réflexion avec "Femmes d’oc et engagement (XXe-XXIe s.)", un dossier regroupant cinq contributions sur la langue occitane, ses auteures, ses artistes et ses chercheuses.

Jean-François Courouau coordonne de son côté un sommaire de la revue toulousaine Littératures Classiques sur les "Vocalités d'Oc (Théâtre, chansons, poésie)", qui vient rappeler que le XVIIe siècle est un grand siècle de création artistique dans la langue d’oc, alors couramment employée par l’ensemble de la population dans le sud du royaume. Ces œuvres, pour beaucoup oubliées de nos jours, témoignent d’un dynamisme paradoxal – alors que triomphe la littérature de langue française – et d’une étonnante originalité. Une des caractéristiques les plus frappantes réside dans l’usage qui est fait, quel que soit le genre pratiqué, de la vocalité. Les paroles, les voix plurielles de tout un monde se font entendre et, tout en connaissant et en respectant les conventions tacites qui régissent la vie artistique de leur temps, les créateurs de langue occitane jouent sur le décalage, le contrepoint, l’opposition plus ou moins directe. Le théâtre, joué dans la rue, comme à Béziers, ou en Provence temps de carnaval, est le lieu d’élection de ces discordances mais on perçoit également ce primat accordé à la vocalité aussi bien dans la poésie que dans la chanson, religieuse ou profane. Une présence de la voix occitane qui se fait entendre jusque dans le Nouveau Monde. Fabula vous invite à en découvrir le sommaire…, d'ores-et-déjà accessible en ligne via Cairn.

Rappelons la publication un peu en amont d'un numéro de la même revue Littératures classiques conscacré au "théâtre provincial en France", à l'initiative de Pierre Pasquier et Bénédicte Louvat, laquelle a entrepris d'éditer Le Théâtre de Béziers Pièces historiées représentées au jour de l’Ascension (1628-1657) aux éditions Classiques Garnier, un ensemble de vingt-quatre pièces jouées le jeudi de l’Ascension à Béziers, pendant les fêtes dites des Caritats, au cours des années 1610-1650, et publié entre 1628 et 1657 par un imprimeur-libraire local, Jean Martel, sous la forme de trois recueils collectifs et de pièces isolées. On doit aux deux mêmes chercheurs une anthologie de Théâtres de Province au XVIIe s. (Classiques Garnier) qui fait également la part belle au théâtre occitan.

Et signalons le compte rendu donné par Violaine Giacomotto-Charra du livre de Jean-François Courouau, Et non autrement. Marginalisation et résistance des langues de France (xvie-xviie siècles) : "À ceste heure parle tu naturellement. (Sur)vivre dans l’ombre du français triomphant", au sein du dossier critique d'Acta fabula adossé à une livraison de la revue Fabula-LhT : "La langue française n'est pas la langue française".

Lire les éditos de la rubrique Questions de société…

Voir aussi les éditos de la rubrique Web littéraire…

Ou feuilleter l'album de l'année écoulée…

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