Acta fabula
ISSN 2115-8037

2025
Novembre 2025 (volume 26, numéro 10)
titre article
Martin Dupuy

La légende et les simulacres : les mémoires et les films de Josef von Sternberg

Legend and illusions: the memoirs and films of Josef von Sternberg
Jean Pavans, Les Démons et les rêves de Josef von Sternberg, Paris : Seuil, 2024,272 p., EAN : 9782021560350.

1 Certains cinéastes de l’âge classique ont, par-delà leurs œuvres, par-delà les studios qui produisaient leurs films, travaillé à bâtir leur propre légende. Ils ont cultivé une image, une posture d’auteur, parfois écrit pour indiquer ce qu’il fallait retenir de leur vie — ce qu’il fallait y lire, dans le sens premier de « légende ». Erich von Stroheim et Orson Welles en sont sans doute les meilleurs exemples hollywoodiens. Josef von Sternberg, qui va jusqu’à emprunter la particule du premier pour l’ajouter à son nom de naissance, a marché dans leurs pas, notamment à travers ses mémoires, élément à part entière de son œuvre — Fun in a Chinese Laundry paru en 1965, et en 1966 en français, sous le titre Souvenirs d’un montreur d’ombres —, et à travers ses entretiens ou ses cours à l’Université de Californie, de 1959 à 1963. Le cinéaste américain s’est en effet forgé une image de « cinéaste maudit », de « poète de la caméra »1, comme un complément à sa filmographie, elle-même marquée par les indices autobiographiques mêlés aux motifs — la femme fatale, l’« underworld », l’eau, etc. — et aux tropes — les jeux expressionnistes d’ombre et de lumière — qui fondent l’unité de son œuvre. Et c’est précisément l’ambition du récent essai de Jean Pavans, Les Démons et les rêves de Josef von Sternberg de 2024, que de prendre à la fois au sérieux et avec distance cette posture, en la plaçant systématiquement face aux détails des films. Jean Pavans, traducteur de profession, entre autres de Henry James, sans prétention scientifique objective, en amateur et au fil d’une « entreprise […] subjective » assumée (p. 33), propose ainsi une lecture suivie des mémoires de Sternberg, un commentaire de son œuvre au fil de sa filmographie et de sa biographie, s’autorisant les digressions, les anecdotes et les hypothèses personnelles pour explorer les thèmes de l’imaginaire sternbergien, « les démons et les rêves », leur « contexte » de création et de réception. « L’essai, plus que tout autre genre, impose une démarche tortueuse, qui s’adapte à son objet »2 écrivent Pierre Glaudes et Jean-François Louette : en ce sens, Jean Pavans, auteur déjà d’une biographie de Marlene Dietrich3, actrice fétiche de Sternberg, s’adapte au réalisateur de l’Ange bleu, 1930, cinéaste du mystère et de la ligne courbe.

Les indices autobiographiques

2 L’essai de Jean Pavans s’efforce de concentrer la biographie de Sternberg, et pour cela de résumer les biographies déjà existantes4 et de les recouper avec les mots mêmes du cinéaste, ceux de ses entretiens ou de ses mémoires, retraduits par fragments et souvent cités. Les « repères chronologiques » (p. 239-249) placés à la fin de l’ouvrage retracent efficacement les lignes de force de la vie du cinéaste, né à Vienne en 1894, de l’Autriche au Japon. D’abord son enfance dans une famille de Juifs pauvres, de la capitale autrichienne à New York, où il s’installe définitivement avec ses parents en 1908 pour échapper à la pauvreté. C’est là qu’il se met à flâner, à observer de près la grande ville, qu’il découvre l’art moderne — à l’occasion de l’Armory Show de février 1913 par exemple (p. 196-197) — et surtout qu’il fait la rencontre du fils d’un technicien chargé de nettoyer les pellicules de films. Fasciné, le jeune Sternberg devient son assistant et travaille comme livreur de pellicules avant de devenir à son tour chef du service de réparation de la World Film Corporation en 1914. « Il était inévitable que, tôt ou tard, je jette un regard non plus seulement à la surface maculée de la pellicule, mais aussi à son contenu »5, écrit rétrospectivement Sternberg dans ses mémoires. Sa promotion progressive dans l’industrie cinématographique et dans le système des studios, notamment grâce à son « emploi singulier et magistral du savoir technique de Hollywood » (p. 25), correspond bien à ce trajet, de l’artisanat à l’art, de la réparation à l’invention dans « l’exercice du métier » (p. 39). Jean Pavans suit ainsi de près la carrière de « Jo », des films muets — The Salvation Hunters, 1925 ; Les Nuits de Chicago, 1927 ; Les Damnés de l’Océan, 1928, entre autres — aux grands succès des années 1930, avec Marlene Dietrich — sept films, de L’Ange bleu, 1930 à La Femme et le pantin, 1935 — sans laisser de côté les films moins connus comme Une tragédie américaine, 1931 et les films qui n’ont jamais pu exister tels que I, Claudius, en 1937. Il décrit la carrière d’un cinéaste voyageur qui est souvent revenu en Europe, à Berlin pour tourner L’Ange bleu, son premier film avec Marlene Dietrich, ou à Londres pour préparer une adaptation de Germinal finalement abandonnée, et qui a découvert le Japon en 1936, avant d’y revenir en août 1952 pour tourner à Kyoto son dernier film, Anatahan. Sternberg était aussi amateur de littérature — ses mémoires, où foisonnent l’érudition et les citations, en témoignent —, traducteur de l’allemand à l’anglais, notamment en 1922, traduisant le roman du Viennois Karl Adolph, Töchter et l’« un des plus importants collectionneurs d’art contemporain à Hollywood » (p. 197), qui comptait notamment La Gommeuse, 1901, de Picasso dans sa collection personnelle. Jean Pavans retrace ainsi la biographie de Sternberg, de New York à Hollywood, de Vienne à Kyoto, par une lecture serrée de Fun in a Chinese Laundry. Mais c’est surtout les rapports entre la vie et les films de Sternberg qui intéressent l’auteur, décelant les indices autobiographiques, pour cerner davantage celui qu’il considère comme un « créateur paradoxal de quelques chefs-d’œuvre intimes et commerciaux » (p. 11).

3Sternberg a en effet glissé dans son œuvre, dans les scénarios qui pouvaient lui être imposés (il reprend ainsi le scénario déjà existant d’Une Tragédie américaine en 1931, d’abord confié à Eisenstein), de multiples détails autobiographiques qui tiennent parfois de l’autoportrait. Sternberg, nous le rappelions dans notre introduction, a cultivé tout au long de sa vie une image de dandy. Les photos inédites proposées au cœur de l’ouvrage en donnent une idée nette : fine moustache, canne et vestes de prix, sur les plateaux comme à la ville. Et cette image travaillée a bien souvent trouvé écho dans ses films, à travers un certain nombre de doubles masculins de l’auteur. C’est le cas de La Bessière dans Morocco, 1930, par exemple, personnage de Français élégant, ou encore du personnage d’Alexei Razumovsky dans L’Impératrice rouge, 1934, selon l’hypothèse de Jean Pavans : « Sternberg, c’est le séduisant Alexeï Razumovsky (John Lodge) qui attire la jeune princesse allemande à la cour de Russie, comme la Berlinoise Marlene à Hollywood » (p. 156). Et c’est au-delà, la relation entre Josef von Sternberg et Marlene Dietrich qui se trouve comme mise en abyme, la « métamorphose professionnelle » de celle-ci étant ainsi redoublée dans la mise en scène des sept films du duo : « le plus simple toutefois, est de se dire que chaque film de Sternberg avec Marlene a traité d’un moment de mutation individuelle » (p. 169). Les films de Sternberg, perméables aux anecdotes autobiographiques, en cela films « intimes », se font aussi l’écho des enjeux commerciaux de leur époque, ancrés dans le champ cinématographique hollywoodien et dans les concurrences entre Majors — la Paramount contre la MGM, Marlene Dietrich contre Greta Garbo, à l’échelle du star-system. C’est à la lumière de ces concurrences et enjeux commerciaux que Jean Pavans propose par exemple l’analyse d’une séquence célèbre de Blonde Venus, 1932, où Marlene Dietrich, déguisée sur scène en grand singe avant d’abandonner son costume, chante son « Hot Voodoo » devant un public amusé et inquiet :

Mais un succès sans précédent s’annonce dans un autre studio, la RKO. Le film est en cours de tournage. La vedette féminine est Fay Wray, qui s’est fait connaître trois ans plus tôt dans Thunderbolt, premier film parlant de Jo. Quant à la vedette masculine, c’est un gorille gigantesque. Eh bien : « Just watch ! » Dietrich, star suprême, va démontrer qu’elle est capable d’être tout à la fois Ann Darrow, alias Fay Wray, et King Kong. (p. 148)

4Dans ce « gag » chanté, c’est tout un « contexte » de production qui semble en effet résonner, mis à distance par Sternberg, pour s’amuser des exigences commerciales et affirmer son indépendance d’artiste.

« Jo » et son contexte : Sternberg et le système des studios

5 Jean Pavans prend ainsi soin de situer Sternberg dans un cadre, dans un champ plus vaste, et s’écarte en cela des seuls mémoires du cinéaste, de ses axiomes qui rythment Fun in a Chinese Laundry, véritable « guide thématique » pour Jean Pavans qui cependant le prend avec prudence :

D’abord le réalisateur, et puis l’histoire, et enfin les acteurs, tel est le b-a-ba. Sans doute. Mais il faut pour cela soit se trouver associé à un directeur de production comme Schulberg, qui a laissé les mains libres à Sternberg durant huit années ; soit être soi-même son propre acteur, financier, producteur et distributeur, comme l’a été Chaplin à la faveur de la puissance singulière de son génie. (p. 183)

6C’est alors toute une galerie de professionnels que Jean Pavans a le mérite de citer et de faire exister dans son essai autour de Sternberg — au risque d’un name dropping fastidieux. On y retrouve ainsi Schulberg, qui engage Sternberg à la Paramount en 1927, Emil Jannings, son acteur dans Crépuscule de Gloire, 1928 et dans L’Ange bleu, 1930, ou encore Ernst Lubitsch, réalisateur et chef de production, un temps adversaire et rival de Sternberg. Lubitsch écarta Sternberg de la Paramount en 1935 : « N’attendez jamais d’un artiste devenu patron qu’il soutienne l’œuvre d’un artiste plus singulier, c’est-à-dire plus grand, que lui ! » (p. 40) avance Jean Pavans. Les nombreuses anecdotes racontées par l’auteur, au-delà du plaisir de lecture qu’elles peuvent procurer, s’avèrent ainsi fécondes pour déployer un monde souvent méconnu, celui des scénaristes comme Ben Hecht qui s’inspire de faits divers pour écrire Underworld — l’évasion du gangster « Terrible Tommy » en 1921 (p. 45) —, ou celui des studios rivaux que Jean Pavans compare aux écoles de la Renaissance italienne6 :

Cependant, en cette fin des années vingt, les films muets hollywoodiens étaient parvenus à un sommet de maîtrise technique. Comme tous les génies singuliers de toutes les époques et dans tous les domaines, Sternberg a germé et surgi dans un terreau exceptionnellement fertile, la Paramount à Hollywood pouvant, de ce point de vue, être tant bien que mal rapprochée des ateliers de la Florence du Rinascimento, la MGM relevant parallèlement de Rome, à ceci près qu’il s’agissait non pas de la renaissance, mais de l’apparition d’un art. (p. 41)

7Jean Pavans donne toute sa place à ce « terreau exceptionnellement fertile » du Hollywood des années 20 et 30, début de l’ère classique : tout au long de l’essai, Sternberg est situé dans ce système des studios, compris dans un réseau de commandes, de rivalités et de réceptions critiques. C’est notamment le cas dans le dernier chapitre, « Épilogue français », où Jean Pavans revient, longues citations à l’appui, sur la réception inédite de l’œuvre de Sternberg en France, depuis sa redécouverte en 1962, avec une rétrospective organisée à la Cinémathèque de Chaillot par Henri Langlois (p. 15 et p. 234).

8L’auteur rappelle aussi utilement le « contexte » de Marlène Dietrich en lui consacrant un chapitre entier, « Marlène et son contexte » (chapitre 5, p. 77-100), dans le prolongement de sa biographie de 2007, appuyée sur les sources du fonds Marlene Dietrich de la Stiftung Deutsche Kinemathek de Berlin. Là encore, l’évocation précise de sa vie éclaire les différentes étapes de sa carrière — élève musicienne, elle aussi grande lectrice, actrice de théâtre auprès de Max Reinhardt à Berlin en 1921 — et informe « ce qu’il faut bien appeler l’œuvre de Marlène Dietrich » (p. 90). C’est une star au travail que décrit Jean Pavans — ses recherches pour les costumes sur les films de Sternberg par exemple —, lui donnant souvent la parole en citant ses mémoires, et battant en brèche le mythe tenace du créateur et de sa créature, du Pygmalion et de sa Galatée7.

9Mais au cœur des enjeux commerciaux et économiques — les recettes de Shanghai Express en 1932 par exemple, près de quatre millions de dollars, sont une « aubaine inespérée pour la Paramount, dont les revenus ont chuté de vingt-cinq millions de dollars en 1930 à moins de neuf millions en 1931 » (p. 144) — résident les enjeux qui intéressent fondamentalement Jean Pavans, ceux de la poétique de l’auteur. Ceux-ci, et c’est sans doute l’un des axes principaux du livre, sont intimement liés aux enjeux commerciaux, dans la mesure où Sternberg parvient selon le traducteur à « manipule[r] un système commercial pour exorciser ses propres démons » (p. 130).

Le « maître du simulacre hollywoodien » : la poétique d’un auteur

10 Pour Jean Pavans, et il ne s’en cache pas, Sternberg est un « génie ». L’auteur du Scénario Baudelaire, 2020, son essai précédent, paraphrase notamment la définition baudelairienne du génie dans Le Peintre de la vie moderne, pour caractériser le regard du cinéaste et sa « mesure intérieure de magie visuelle » : « Sternberg adulte retrouvera à volonté la puissance de son regard enfantin » (p. 10). C’est ce regard qu’analyse Jean Pavans qui, s’il a parfois recours aux outils de la psychanalyse — « la voracité du regard salvateur », le phénomène de « scotomisation » (p. 9) qu’il reprend à Freud, cet aveuglement volontaire face à la laideur qui se change en pulsion vers le beau — dans ses lignes les moins convaincantes, sait aussi tout au long de l’ouvrage décrire et commenter précisément les séquences des œuvres. C’est tant le travail de la lumière artificielle, spécialité déjà largement commentée de Sternberg qui a toujours travaillé en noir et blanc, que celui de l’écriture qui intéressent Jean Pavans. Cette efficacité qu’il remarque dans sa mise en scène et la persistance des motifs qu’il repère de film en film. L’auteur met toujours en rapport les films de Sternberg, constate les permanences narratives des muets aux parlants, des Nuits de Chicago (Underworld, 1927) à Cœurs brûlés (Morocco, 1930) par exemple, commentant l’art de « l’esquive » de Sternberg et de ses « mises en place efficaces » :

Telle est la façon détournée dont ils s’avouent leur amour [dans Underworld], en une alternance de gros plans sur leurs visages nimbés d’ombre et de lumière soyeuses, et bien plus éloquents que ce qu’ils sont censés se dire en intertitre. Une esquive essentiellement similaire autour d’une même tension érotique se produit entre Marlene Dietrich et Gary Cooper, dans Morocco, quand le légionnaire Tom Brown vient retrouver dans sa chambre mademoiselle Amy Colly, qui l’y a implicitement convié. (p. 50)

11Sternberg se fait le maître de la « mutation délibérée de l’art du muet » (p. 214) dans ses films parlants, notamment dans Anatahan, film à la voix off omniprésente, celle de Sternberg lui-même, et aux dialogues en japonais non traduits, analysé de près par Jean Pavans qui lui consacre un chapitre complet. Après l’efficacité narrative classique, Sternberg y déploie la modernité d’un dispositif de dissociation et de décalage entre image et son :

Pour appuyer les images, la Voix parfois les devance, parfois leur succède, dans un glissement de la synchronie, en particulier quand elle double les paroles prononcées en japonais. Tantôt elle paraît guider l’action, tantôt elle semble se plier à la logique visuelle du montage. Ce décalage récurrent est pareil au va-et-vient des vagues que montrent régulièrement des plans de l’océan se fracassant sur les rochers. Ainsi, le récit, l’action se placent dans la spirale immobile d’un Temps réitéré. « Notre horizon restait vide et lointain. Nous perdions la mesure du temps […] » (p. 219)

12Au-delà de « l’univers de Sternberg fait d’insolite et d’érotisme […] purement surréaliste »8 que décrivait Ado Kyru se trouve celui du rêve, où la soute du navire de Docks of New York (1928) est filmée comme une « sorte de forge souterraine des Niebelungen. Dans une obscurité lourde de vapeurs et percée de flamboiements » (p. 64), Jean Pavans se penche donc sur la narration sternbergienne. « La magie visuelle des films les plus personnels de Josef von Sternberg incite à négliger […] leurs qualités littéraires solidement traditionnelles » (p. 193). Par l’étude des scénarios et des dialogues amplement cités, Jean Pavans parvient souvent à dépasser les apparences du rêve et de la bizarrerie des « sombres chimères » (p. 194) de Sternberg pour débusquer les effets de sens. Son analyse détaillée de la fin de The Shanghai Gesture (1941), alors que s’élèvent dans le cadre des cages qui retiennent prisonnières des femmes affolées, est à ce titre représentative. « On vend ces filles aux enchères. […] Naturellement ; c’est une pure mise en scène pour les touristes. Shanghai doit rester à la hauteur de sa réputation. Ces filles sont des simulatrices. Elles ne sont ni effrayées, ni innocentes » commentent les personnages lors du Nouvel An chinois, et avec eux Sternberg lui-même, avec l’ironie de l’auteur implicite face aux spectateurs « touristes » friands d’exotisme. Jean Pavans à son tour commente : « Le simulacre est d’autant plus efficace qu’il est avoué […]. Maître du simulacre hollywoodien, Sternberg l’emploie en le signalant, non pas pour voiler les réalités humaines, mais au contraire pour mieux les dévoiler » (p. 194). Par-delà « les démons et les rêves », Jean Pavans saisit dans le détail la poétique du simulacre de Sternberg, l’inventeur comme l’adaptateur — La Femme et le Pantin de 1935 notamment, étudié dans une approche comparatiste avec le roman de Pierre Louÿs.

13« Le fond du cinéma c’est le montage qui consiste à mettre en relation une chose avec une autre pour émettre un jugement »9, déclarait Jean-Luc Godard dans un entretien en 1995, cité par Jean Pavans. C’est ce que tente de faire, par un « montage » fragmentaire des mémoires et des scénarios, des photographies et des dialogues, l’essayiste dans Les Démons et les rêves de Josef von Sternberg. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur établit des rapports, et dépasse la simple juxtaposition de « sa vie, son œuvre ». Des rapports entre la vie de Sternberg et ses films d’abord, entre ses films et leur contexte de production et de réception ensuite, et enfin entre ses films eux-mêmes. C’est sans doute le mérite de l’essai de Jean Pavans, discontinu par essence, progressant plutôt par dérivation que par déduction — puisque précisément, il est « essai » —, que de parvenir à concentrer les lignes de force biographique et poétique de Josef von Sternberg et de ses films, « chefs-d’œuvre intimes et commerciaux » (p. 11).