Web littéraire | Archives des éditos 2022
Le long voyage de Léna : à travers les disciplines

Issu d’une Master-class organisée par le Groupe d’étude sur la bande dessinée (GrEBD) de l'Université de Lausanne, le cinquième dossier de la revue en lige Transpositio propose un modèle d’étude des récits graphiques, souvent qualifiés de forme hybride ou inclassable. Sous le titre "Le Long Voyage de Léna : regards croisés sur une bande dessinée", il fait suite et complète le dossier Enseigner la bande dessinée comme (de la) littérature qui visait à aborder l’enseignement de la bande dessinée en s’interrogeant sur les conditions nécessaires pour une scolarisation de cet objet particulier. Le Long Voyage de Léna d’André Juillard et Pierre Christin est pris en charge par cinq contributions qui se fondent sur de riches archives inédites et varient les angles de lecture selon la discipline propre à chaque auteur : Raphaël Baroni (École de français langue étrangère), Alain Boillat (Section d’histoire et esthétique du cinéma), Danielle Chaperon (Section de français), Alain Corbellari (Section de français), Philippe Kaenel (Section d’histoire de l’art). Les études en question montrent ce qu’une approche interdisciplinaire peut apporter à l’enseignement de la bande dessinée. L’enjeu de ces essais croisés est de ne laisser dans l’ombre aucune des spécificités de cette forme d’expression mixte, inventée et théorisée par un écrivain, dramaturge et artiste genevois, Rodolphe Töpffer. Ni littérature graphique, ni storyboard proto-filmique, ni théâtre en estampes, ni récit enluminé, ni architecture narrative, la bande dessinée est un peu tout cela en même temps.
Impostures et impropriétés

En 2018, Maxime Decout consacrait aux Pouvoirs de l'imposture un authentique essai, dont Irina De Herdt avait rendu compte tout aussi sérieusement pour Acta fabula : "De l’imposture dissimulée à la simulation d’enquête". Le même essayiste récidivait trois ans plus tard, en s'associant à Caroline Julliot et Cassie Bérard pour entraîner la revue Littérature à se pencher sur l'"Imposture du roman", dans un sommaire dont Eleonora Norcini avait proposé la recension : "Le plaisir paradoxal de l’imposture romanesque".
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Emmanuel Bouju, Loïse Lelevé et Mazarine Pingeot s'emparent à leur tour de la question, pour un numéro de Raison publique intitulé "Titres d’impropriété. Dette, imposture, désappropriation", qui vient parachever le projet "Propriétés du propre et de l’impropre", inscrit dans le programme "Littérature à crédit. Roman européen contemporain et paradigme fiduciaire" d’Emmanuel Bouju à l’Institut Universitaire de France. Ce riche programme de recherches avait donné lieu à deux séminaires, 'La propriété du propre. Dettes et appartenance" en 2018 et "La propriété de l’impropre. Faux et appropriation" en 2019, à la Villa Finaly de Florence. Les deux séminaires, interdisciplinaires, ont réuni chercheurs et écrivains autour de tables rondes, de lectures et de communications portant sur les notions de propriété et d’appartenance examinées au prisme de celles de crédit, de confiance et de dette, aussi bien dans la littérature et les arts contemporains qu’en sociologie, en philosophie ou en économie. Fabula vous propose de découvrir l'Introduction de ce riche sommaire, intégralement accessible en ligne via Cairn…
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Rappelons au passage le volume édité naguère dans la collection "La République des Lettres" (Hermann) par Nathalie Kremer avec Jean-Paul Sermain et Yen-Mai Tran-Gervat : Imposture et fiction dans les récits d’Ancien Régime, qui recensait quelques imposteurs célèbres, de Renart à Diderot. Les études portent sur l’imposture dans la fiction en analysant les ruses et procédés des imposteurs selon une perspective topique ; mais c’est aussi l’imposture de la fiction qui est examinée, pour autant que le roman s’affuble volontiers du masque de l’illusion vraisemblable pour créer une réalité trompeuse. Quand y a-t-il imposture et comment peut-on la reconnaître ? L'Atelier de théorie littéraire offre un extrait de l'introduction au volume : Petite phénoménologie de l'imposture, par Nathalie Kremer…
Les billets proustiens de Jacques Dubois

Le 4 décembre 2019, Jacques Dubois se lançait à l'invitation du site Diacritik.com dans une grande entreprise de relecture (dia)critique de la Recherche, par « arrêts sur images » et scènes du grand roman proustien. La série s’achèvait un an plus tard, le 18 décembre 2020, après soixante billets proustiens. À l'occasion de l'inscription du Temps retrouvé au programme de l'Agrégation de lettres 2023, Diacritik.com redonne à lire les billets proustiens de Jacques Dubois, désormais commodément rassemblés sur trois pages…
Une saison de poétique

On l'attend désormais au milieu du printemps : la première des deux livraisons annuelles de la revue Poétique supervisée par M. Charles vient nous offrir un essai sur "Michel Foucault et la littérature" (Ph. Jousset), des réflexions sur les "terrains de l'auctorialité" (A. Louis), une méditation sur "mémoire et histoire dans Bruges-la-Morte" (J.-F. Perrin), une enquête sur Lourdes de Zola (G. McNeil Arteau), et d'effficaces mises au point sur l'invention du vers libre en 1854 (G. Prunelle), les narrations en nous (A. Brügger) et le récit dans le récit (F. Wagner). Rappelons que chaque livraison paraît désormais simultanément en librairie et en ligne via le portail Cairn, mais aussi que la revue est encore et toujours proposée par abonnement.
Longs formats

À rebours des injonctions médiatiques de rapidité et de concision dans un contexte d’infobésité, force est de constater que le long format se porte bien dans la presse papier comme dans les médias en ligne. Le lectorat contemporain qu’on dit pressé, peu enclin à lire long, est pourtant en recherche d’une information de qualité qui saurait prendre le temps, à la fois dans le travail d’enquête et dans l’écriture. C’est précisément dans cette optique que La Croix propose depuis l’automne 2019 son magazine L’Hebdo, avec comme credo : "Rencontrer / Explorer / S’inspirer / Ralentir". Ce ralentissement préside également au projet éditorial de la revue Long Cours qui vise à « donne[r] la place (de raconter une histoire) » à des auteurs, des écrivains, des écrivains-voyageurs, et d’offrir ainsi un espace de résonance, de débat, hors des sentiers battus de la presse traditionnelle et des médias d’information enchaînés au live et au flux ininterrompu. La 16e livraison de la revue Komodo 21 traite des "Longs formats dans la presse". Le sommaire montre que, pour être en vogue dans la presse actuelle, le long format n’est pour autant pas complètement nouveau. Il s’inscrit dans l’histoire de la presse depuis ses débuts, sous forme de feuilletons en rez-de-chaussée, de périodiques modernistes ou de grands reportages, et a toujours été un support privilégié de rencontre entre le journalisme et la littérature. Longueur et littérarisation sont des caractéristiques liées dans l’histoire du journalisme littéraire, que le journalisme narratif contemporain déploie, par excellence sous la plume de Florence Aubenas aux écrits de laquelle Marie-Éve Thérenty consacre un bel essai, sous le titre "Lâcher la rampe. Configuration et mise en intrigue dans les longs formats de Florence Aubenas".
Ce que Mai 1968 a fait à la littérature

En 2020, Nelly Wolf et Matthieu Rémy (dir.), faisaient paraître Ce que Mai 68 a fait à la littérature (P.U. du Septentrion), qui réunissait les contributions d'une douzaine d'auteurs au sein d'un sommaire dont Emma Duquet avait rendu compte pour Acta Fabula. Les éditeurs reviennent aujourd'hui dans un entretien avec Alexandre Prstojevic publié par Vox Poetica sur les raisons qui ont présidé à la publication du volume, et en amont sur la tenue d'un colloque à Nancy, comme sur les acquis de cette réflexion pleinement collective : "En revenant aux auteurs et aux livres publiés de 1969 jusqu’au début des années 1980, nous avons constaté que Mai 68 n’avait abouti à aucun abandon de l’outil littéraire et avait probablement démocratisé son usage. Il nous semblait donc intéressant de participer pour notre faible part à un effort scientifique de réélaboration de l’histoire littéraire des années 70, en mettant de côté les croyances et les affects."
La mort de Dom Juan et le rire de Molière

Parce que le dramaturge est chez lui partout où l'on parle le français comme la langue de Molière, les Universités de Lausanne, Genève et Fribourg se sont associées pour une série d'initiatives fédérées au sein d'un projet "Rire avec Molière" soutenu par le FNS. Au programme, une série d'émissions de radio préparées par Marc Escola et Josefa Terribilini, diffusées sur la RTS-Espace 2 avec la complicité de Daniel Rausis et devenues des podcast, un jeu de société inspiré des Femmes savantes proposé dans les foyers des théâtres romands, des ateliers de médiation pour les publics scolaires, et bien d'autres manifestations tout au long de cette année qui marque le quatre-centième anniversaire de Molière. Le projet s'accompagne d'une série de publications, dont l'anthologie Osez (re)lire Molière établie par Claude Bourqui et Marc Escola (Flammarion/Librio), déjà saluée par Fabula, et de nouvelles éditions des Fourberies de Scapin, par Coline Piot, et du Médecin malgré lui, par Lise Michel (GF-Flammarion).
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Sous le titre "Crime et châtiment. La mort de Don Juan", les Colloques en ligne de Fabula accueillent de leur côté un sommaire réuni par Lise Michel et Gabriele Bucchi à l'initiative du Centre d'Études Théâtrales de l’Université de Lausanne : les contributions viennent interroger le dénouement de la pièce de Molière (V, 5-6) et de l’opéra de Mozart (II, 15) dans les mises en scène produites sur une longue période qui va de Marcel Bluwal (1965) aux Fondateurs (2019), en passant par celles d'Antoine Vitez, Giorgio Strehler, Matthias Langhoff, Patrice Chéreau et bien d'autres. Le sommaire offre aussi deux entretiens avec des metteurs en scène : Jean-François Sivadier et Julien Basler.
(Illustr. : Antoine Vitez et sa décoratrice Claude Lemaire devant le décor des quatre Molière, Théâtre de la Porte Saint-Martin, Festival d’automne 1979 © Charlotte Lataillade - Claude Bricage - D. G.)