éditoriaux

Chambres closes et ouvertures théoriques

Chambres closes et ouvertures théoriques

On s’accorde généralement sur le fait que le roman policier est né avec la publication de Double assassinat dans la rue Morgue de Poe (1841) – inaugurant au passage l’un de ses sous-genres les plus emblématiques, le mystère en chambre close, au sein duquel des auteurs comme G. K. Chesterton, J. D. Carr, P. Halter ou E. Hoch rivaliseront de virtuosité, explorant méthodiquement toutes les combinatoires offertes par le principe d’un meurtre commis dans un espace fermé à double tour, dans lequel l’assassin n’a, à première vue, eu la possibilité ni de pénétrer ni de sortir. Le premier roman à énigme reposant tout entier sur ce principe est Le Mystère de Big Bow d’Israël Zangwill (1891) ; Gaston Leroux, avec Le Mystère de la chambre jaune (1907), donne ensuite ses lettres de noblesse à cette situation insoluble qui connaîtra ensuite d’infinies variations, tant du point de vue du lieu lui-même que de son extension. Pour le colloque anniversaire de son premier lustre, qui se tiendra à Lyon les 21 & 22 novembre sous le titre "Chambres closes et ouvertures théoriques", L'Intercripol, l’Internationale de la critique policière, qui, pour mener ses contre-enquêtes, s’est forgée la spécialité de repousser les frontières méthodologiques de l’analyse des textes, propose de chercher de nouvelles clés d’interprétation pour ouvrir les locked rooms

Le peuple des livres qui manquent

Le peuple des livres qui manquent

Les livres philosophiques fantômes désignent les ouvrages qui ont existé, qui n’existent plus, mais qui hantent l’histoire de la philosophie par des citations à l’intérieur d’autres livres. Ils invitent à interroger les enjeux de la lecture philosophique et des chausse-trapes de la mémoire. Quelles incidences spécifiques génèrent les œuvres disparues au sein de l’histoire de la pensée ? Comment lire les livres qui manquent ? Parce que la citation recouvre une diversité d’intentions, le livre citateur altère, en tentant parfois de l’instrumentaliser, le fragment du livre disparu. Celui-ci exerce en retour des effets de hantise par lesquels, en "parasitant" le livre hôte, il garantit sa survivance anachronique. En traquant Les livres philosophiques fantômes (Hermann), Renaud Remond-Teissier invite à une écriture inédite de l’histoire de la philosophie : en-deçà des dialogues conscients entre œuvres et auteurs, la philosophie a affaire avec des effets de hantise inconsciente, ouvrant sur une mémoire inconsciente souterraine de la pensée. Fabula donne à lire l'introduction de l'ouvrage…

Rappelons qu'un double numéro de Fabula-LhT et Acta fabula nous invitait naguère à entrer dans "La bibliothèque des textes fantômes", et que William Marx s'était mis de son côté "À la recherche des œuvres perduesdans un séminaire au Collège de France, à retrouver parmi les podcasts de France Culture

(Illustr. : Brown lady of Raynham Hall, 1936 ©Country Life)

Christopher Tolkien, fils caché de J.R.R. ?

Christopher Tolkien, fils caché de J.R.R. ?

Christopher Tolkien aurait eu 100 ans ce 21 novembre 2024. Cette semaine, deux rencontres et un livre collectif éclairent cette figure méconnue, cachée (volontairement ?) dans l'ombre du père : à la bibliothèque Bodleian sera évoqué celui qui a étudié puis enseigné à Oxford jusqu'à l'âge de 50 ans avant de s'installer en Provence et de consacrer quatre décennies à faire paraître des textes inédits de son père, J.R.R. Tolkien (1892-1973). Pourtant, s'il se présentait comme "éditeur" ou "archéologue littéraire", Christopher Tolkien était aussi, entre autres, un écrivain et artiste à part entière, comme le montrent d'une part l'ouvrage Les Mondes de Christopher Tolkien : Hommage pour son centenaire, marquant le jour anniversaire (sous la dir. de V. Ferré, avec des textes de B. Tolkien, de l'artiste A. Lee, de son éditeur Ch. Smith, du Librarian de la Bodleian, R. Ovenden, de jeunes chercheurs et de spécialistes chevronnés... et des photographies par Christopher Tolkien) ; d'autre part, le colloque en ligne de la Tolkien Society qui réunira pendant deux jours des spécialistes de l'œuvre du père et du fils, des éditeurs, des artistes... (Photo :  François Deladerrière / © Baillie Tolkien 2020)

Les javelots de l'avant-garde

Les javelots de l'avant-garde

Laboratoire Kafka

Laboratoire Kafka

Vie et mort d'un berger

Vie et mort d'un berger

Un ouvrage inattendu d'Alain Viala paraît ces jours-ci dans la collection "Correspondances et mémoires" des Classiques Garnier et par les soins de Michel P. Schmitt : Vie et mort d’un berger. Récit historique : Émile a traversé tout le XXe s. ; ses souvenirs sont recueillis par son neveu et deux amies. Le rythme de ce récit, l’oralité, le patois et la langue savante disent la morale d’Émile, qui proclame que "la vie est ainsi faite" et témoigne pour une paysannerie qui fut le pilier séculaire du peuple français. Rappelons l'essai de théorie littéraire auquel Alain Viala se consacrait dans les derniers mois de sa vie, publié en 2022 aux éditions Le Temps des cerises : L'adhésion littéraire, dont on peut lire le compte rendu publié dans Acta fabula sous la signature de Christophe Cosker : "Testament littéraire d'Alain Viala". Mais aussi les deux volumes de l'ouvrage collectif Littéraire. Pour Alain Viala paru en 2018 (Artois Presses Université) accessible en ligne sur OpenEditionBooks.

Écrire l'impuissance

Écrire l'impuissance

Il y a exactement trente ans Yves Citton avait consacré à cette fragile question un livre de jeunesse (depuis longtemps épuisé) : Impuissances. Défaillances masculines et pouvoir politique de Montaigne à Stendhal (Aubier, 1994, puis Flammarion). Elle se trouve revigorée dans un récent volume, dont Xavier Bourdenet et Fabio Vasarri ont pris ma courageuse initiative : Écrire l’impuissance au XIXe siècle. Corps, genre, pouvoir (P.U. Rennes) : dans la France révolutionnée, les exemples se multiplient d’une virilité défaillante ; le masculin est gagné par l’impuissance, marqué par le manque et la perte de pouvoir, du domaine sexuel à ceux de la psychologie, de la politique et de la création… L'ouvrage privilégie une approche de poétique et de sociocritique en dialogue avec les études de genre, les études culturelles et les medical humanities. De la "querelle d’Olivier" sous la Restauration à la décadence, de La Comédie humaine aux Rougon-Macquart, l’impuissance est un motif fondamental pour aborder le malaise des genres dans la modernité. Elle peut, tour à tour ou à la fois, mettre en cause la masculinité et la féminité conventionnelles, illustrer la crise du couple, contester les divisions de classe et dénoncer l’oppression politique dans la France moderne en formation. Fabula donne à lire l'introduction de Xavier Bourdonet et Fabio Vasarri…

Lire aussi les éditos de la rubrique Questions de société…

Et les éditos de la rubrique Web littéraire…

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