Acta fabula
ISSN 2115-8037

DOSSIER CRITIQUE n°88

2025Juillet-août 2025 (volume 26, numéro 7)
titre du numéro

25 ans d'Acta fabula. Un Cabinet de lectures

Dir. Marc Escola, Maxime Berges et Matthieu Vernet

Les revues littéraires ne sont pas si nombreuses à pouvoir fêter leurs vingt-cinq années d’exercice, a fortiori parmi les périodiques nés dans l’effervescence qui accompagna les débuts du web. Plus rares encore celles qui peuvent s’offrir le luxe de fêter cet anniversaire avec un an de retard. L’histoire littéraire a ses défauts, mais elle sait attendre, disait quelque part Gérard Genette — la théorie n’est pas davantage pressée.

Un quart de siècle d’existence, à raison de onze numéros par an, ce sont plus de 4000 articles qui constituent aujourd’hui un considérable « gisement de ressources », ou plus justement : une impressionnante archive des recherches sur la littérature — si Acta fabula est francophone, elle traite bien, comme le site Fabula, de la littérature au singulier, c’est-à-dire dans le pluriel de ses langues.

Un quart de siècle d’existence, ce sont aussi plusieurs générations de chercheurs qui ont trouvé dans la revue une chambre d’échos pour leurs lectures les plus vives, et un laboratoire pour l’incubation de leurs propres intuitions — car les collaborateurs d’Acta les plus précieux ont été constamment les tout jeunes chercheurs (passé un certain âge, les plus chanceux se voient dans l’obligation de délaisser l’exercice vivifiant du compte rendu pour la pratique ingrate du rapport de thèse) ; à cet égard, il faut voir mieux qu’un symbole dans le fait que le présent éditorial puisse être signé par les trois directeurs successifs de la revue : pour toute institution, le passage de relais entre générations est le meilleur gage, et au vrai : la seule condition, de la longévité.

La revue a donc maintenant une histoire, scandée par quelques innovations, dont on rappellera ici les plus heureuses :

— l’affichage d’une liste des « ouvrages en attente de rédacteur » actualisée de semaine en semaine, où tout lecteur de bonne volonté est invité à choisir librement un titre qui résonne avec ses préoccupations du moment pour en proposer la recension.

— l’instauration d’une rubrique d’« essais critiques » pour encourager le débat sur les enjeux théoriques, qui reste l’ambition première de la revue, ainsi que l’ouverture des sommaires à des comptes rendus portant sur le travail proprement éditorial : éditions, rééditions, traductions et retraduction, sans lesquelles la littérature serait sans histoire.

— l’institution des « dossiers critiques » à dater de février 2009 (le présent sommaire anniversaire est le 88e), dont la fréquence s’est si bien accrue qu’Acta fabula est désormais à la fois un hebdomadaire, avec trois ou quatre comptes rendus ordinaires, et un mensuel qui propose d’éclairer de mois en mois les recherches en cours dans un champ précis des études littéraires et plus largement des sciences humaines — rien de ce qui s’écrit sur l’homme et la société ne peut rester étranger à qui s’occupe de littérature, la revue accompagnant à cet égard le travail de veille effectué jour après jour au sein de la rubrique « Questions de société » du site Fabula.

— la création de la série « Acta enVO » pour rendre compte de la théorie littéraire, fondatrice ou actuelle, qui s’écrit en dehors du monde francophone et qui accueille principalement des numéros élaborés au sein d’un séminaire dédié, rassemblant une équipe de doctorants autour d’une thématique commune — nous proposions cet hiver de découvrir quelques écrivains-traducteurs, venus d’Allemagne, de Chine, d’Espagne, de Grèce, d’Italie et de Pologne : « Pratiques de la traduction ».

— et tout récemment, dans le sommaire de juin, l’inauguration d’une rubrique qui accueille des « premières lectures », soit : des chroniques traitant de la création littéraire immédiatement contemporaine, alors même que la revue se voue depuis sa naissance à la seule littérature seconde. Cette rubrique deviendra régulière à compter du numéro de septembre prochain, et tout un chacun peut d’ores-et-déjà y contribuer.

Sous le titre « Le cabinet de lectures », le numéro anniversaire offre une série de chroniques personnelles qui sont autant de lectures au long cours et pour la plupart intempestives, qu’il s’agisse de rendre compte d’ouvrages passés sous les radars ou auxquels la revue n’a pas su donner la place qu’ils méritaient à leur date de parution (les travaux de Marie-José Mondzain, Jordan Stump, Rachel Mesch), de rouvrir des volumes antérieurs à l’existence d’Acta fabula pour en dire l’importance et l’actualité (les maîtres-livres d’Erich Auerbach, Michel Butor, Michel Charles, Nicole Loraux), ou de dire l’influence qu’un livre a joué sur sa propre recherche, fût-ce à contretemps (les essais de Pascale Casanova, Gilles Philippe & Julien Piat, Bernadette Bensaude-Vincent, ou plus près de nous : Arnaud Bernadet et François Hartog). En classant les articles selon la date de parution des ouvrages, le sommaire ne sépare pas ces trois perspectives : ce sont autant de façons de dire une dette personnelle et scientifique à l’égard d’un ouvrage ou d’un auteur singulier, et de signifier que la recherche n’a pas d’autre moteur que les vraies rencontres intellectuelles.

Il est bien d’autres dettes qu’Acta fabula doit acquitter, accumulées sur un quart de siècle : que soit ici individuellement remercié chacun des auteurs qui ont signé un ou plusieurs articles au fil de ce quart de siècle d’existence, tout comme chacun des membres actuels ou honoraires des comités de rédaction et de lecture qui font vivre la revue en donnant de leur temps sans compter, ainsi que tous les éditeurs qui, année après année, nous honorent de leur confiance.

Acta est fabula !, l’adage latin n’est pas ici le mot de la fin : l’aventure continue.

Maxime Berges, Marc Escola, Matthieu Vernet

Paris & Lausanne, 12 juillet 2025