Questions de société

éditos

Voir les aveugles

Voir les aveugles

Au cœur de la pratique et de la théorie de l'art, les yeux fonctionnent comme des outils de perception et d'évaluation, d'enregistrement et d'appréciation. Ils sont les instruments indispensables pour comprendre, déchiffrer, assimiler les réalités du monde et sont tout aussi indispensables pour en produire une interprétation dans ce que l'on nomme justement les arts visuels. Or, paradoxalement, une image hante toute l'histoire de l'art : celle de l'aveugle, de l'individu atteint de cécité. Dans Aveuglements. Les artistes et la cécité (Les Presses du Réel), Maurice Fréchuret propose une histoire de la représentation de la cécité et du regard porté sur les aveugles dans l'art, de Brueghel à Louise Bourgeois. Fabula vous invite à en découvrir quelques pages sur le site de l'éditeur…

(Illustr. : L'aveugle quelquesfois a consolé le voyant, Georges Rouault, 1914)

Brûler Pouchkine ?

Brûler Pouchkine ?

Statues déboulonnées, artistes russes dé-programmés, œuvres mises au ban : après le déclenchement de la guerre à grande échelle en Ukraine en 2022, les objets culturels russes se sont parfois retrouvés sur la sellette, accusés d'avoir été un maillon dans la généalogie de la violence. Que penser des suppressions des livres d'auteurs russes des bibliothèques ukrainiennes ? Après Portraits de l’écrivain romantique en conteur nocturne et Maître Tolstoï. L’instituteur dont vous ne voulez pas, Victoire Feuillebois publie Faut-il brûler Pouchkine ? aux éditions du CNRS, sur le site desquelles la page dédiée au livre demeure inaccessible sans que nul ne s'en émeuve. L'ouvrage cherche à comprendre pourquoi, dans le contexte de la guerre, la culture s'est retrouvée en première ligne. Comment se fait-il que l'art semble tout d'un coup l'ombre portée du pouvoir ? Pourquoi soupçonner que la " grande littérature russe " pourrait être chargée d'un message idéologique ? Que nous révèle la guerre en Ukraine sur la construction et la valorisation des fonctions sociale, politique ou existentielle de ces œuvres ? Rappelons qu'on peut lire au sommaire d'un récent Colloque en ligne de Fabula, "Le XIXe s. actuel ou intempestif", les prolégomènes de la réflexion de Victoire Feuillebois : "Regarde Pouchkine tomber : le phénomène du « Pouchkinopad » dans le contexte de la guerre à grande échelle en Ukraine". Et saluons aussi au passage le Dictionnaire amoureux de Pouchkine d'André Markowicz ?

(Le buste d'Alexandre Pouchkine est retiré de son socle, dans le centre d'Oujhorod en Ukraine, le 7 avril 2022)

Comment parler de l'Ukraine en guerre ?

Comment parler de l'Ukraine en guerre ?

Comment parler de l’Ukraine en guerre ? L’ouvrage supervisé aux Presses Universitaires de Vincennes par Pierre Bayard, Jean-Louis Fournel, Constantin Sigov et sous-titré Informer, raconter, résister interroge les discours suscités par la guerre en Ukraine dans différentes disciplines (philosophie, droit, histoire, science politique, journalisme, littérature, art…), ainsi que leurs effets, entre régimes de vérités et discours de résistance. Réflexions sur les multiples pratiques de discours suscitées par la guerre en Ukraine, leurs régimes de vérité comme leurs limites. Le mélange des voix ici réunies, françaises et ukrainiennes – venues de la philosophie, du droit, de l’histoire, de la science politique, du journalisme, de la littérature, de l’art… –, rend manifeste la manière dont sont concernés tous les domaines du langage. Dire et penser ces événements est un acte de résistance. Fabula vous invite à lire l'introduction sur le site de l'éditeur…

(La ville de Bakhmout, complètement détruite, le 27 février 2023)

Politiques de vérité et esthétique d'investigation

Politiques de vérité et esthétique d'investigation

Un nombre croissant d'artistes contemporains opte pour le mode de l'enquête. Plutôt que de "faire œuvre", ces artistes se soucient avant tout de documenter la violence d'État, l'effet des technologies répressives ou la destruction de l'environnement. En parallèle, des journalistes, des avocats et des activistes ont de plus en plus recours à des pratiques de visualisation issues du domaine de l'art. En croisant vidéos amateurs, images satellites et témoignages, des contre-enquêtes voient le jour dont la dimension visuelle et esthétique a d'autant plus d'impact. Le livre signé par Matthew Fuller, Eyal Weizman aux Presses du Réel sous le titre  L'art de la contre-enquête – Esthétiques de l'investigation – Politiques de vérité donne à voir toute l'ampleur de cette nouvelle "esthétique d'investigation" : en mobilisant des stratégies éprouvées en art ou en architecture, il s'agit de montrer les torts subis et de faire émerger une vérité souvent inconfortable. Il vient révéler le travail mené depuis désormais de longues années par Forensic Architecture rejoint d'autres pratiques de contre-analyse citoyenne, afin de briser les monopoles d'État sur les technologies de surveillance et de contredire les récits officiels. Que ce soit dans l'atelier ou le laboratoire, la salle d'audience ou la galerie, en ligne ou dans la rue, cet art de la contre-enquête replace la vérité au cœur d'un souci partagé et tisse les liens d'un nouveau "sens commun". Fabula vous invite à lire quelques pages sur le site de l'éditeur…

(Illustr. : Forensic Architecture, The Architectural-Image-Complex, Rafah: Black Friday, 2015)

Relire et revoir

Relire et revoir

Faire Histoire de nos histoires

Faire Histoire de nos histoires

Auteure franco-suisse, Karelle Ménine a été reporter, notamment pour France Culture et la Radio suisse romande. Elle a plusieurs fois collaboré avec le Festival d’Avignon et son ouvrage La Pensée, la Poésie et le Politique (Les Solitaires intempestifs, 2015) a été adapté à la Comédie Française en 2020, puis repris en 2023. Parmi ses publications, deux ouvrages sont consacrés à ses interventions dans l’espace public : La phrase, une expérience de poésie urbaine et Voyage entre les langues (Gallimard). Dans Nimbe noir (Labor et Fides), elle part sur les traces de la photographe allemande Yva. Avec Bleuir l’immensité, consacré aux cahiers d’écriture d’un jeune paysan, elle a inauguré chez MētisPresses la collection "archVives", qu’elle dirige désormais. Karelle Ménine fait paraître aujourd'hui aux éditions La Baconnière La vie en zigzag. Faire Histoire des nos histoires, préfacé par Arlette Farge : dix-huit histoires de fouilles qui mettent en scène l’auteure, qui nous font plonger dans les sacs à procès des Capitouls de Toulouse, traquer les traces animales,  avancer à tâtons dans les autobiographies ou lettres d’amour d’anonymes italien.nes, découvrir le témoignage sans pareil d’Henja Frydman, juive résistante déportée, ou suivre les rebondissements de l’achat aux enchères d’un lot de documents d’Isabelle Eberhardt…

Archéologie des sciences humaines

Archéologie des sciences humaines

En 1965, Michel Foucault fait son premier séjour au Brésil à l'invitation de Gérard Lebrun, et présente pour la première fois à un public étranger ses recherches et la méthode "archéologique" qu’il met en œuvre depuis sa thèse sur l’Histoire de la folie (1961). Archéologie des sciences humaines. Cours à l'université de São Paulo qui paraît ces jours-ci constitue une introduction originale à l’ouvrage qui devait paraître en mai 1966 sous le titre Les Mots et les choses. De séance en séance, les différents chapitres de ce livre sont réécrits pour donner lieu à une suite de leçons consacrées au déploiement du savoir occidental ressaisi à partir de la trame historique des discours sur la vie, le travail et le langage. S’enchaîne ainsi au fil de ces leçons la présentation de grandes époques du savoir (Renaissance, âge classique, modernité), rapportée chacune à un certain régime des signes. Cette présentation s’adosse elle- même à une thèse originale sur l’apparition relativement récente dans l’ordre du savoir de l’homme vivant, travaillant et parlant, et sur le rôle que lui font jouer les sciences humaines.