Questions de société

éditos

Politiques de vérité et esthétique d'investigation

Politiques de vérité et esthétique d'investigation

Un nombre croissant d'artistes contemporains opte pour le mode de l'enquête. Plutôt que de "faire œuvre", ces artistes se soucient avant tout de documenter la violence d'État, l'effet des technologies répressives ou la destruction de l'environnement. En parallèle, des journalistes, des avocats et des activistes ont de plus en plus recours à des pratiques de visualisation issues du domaine de l'art. En croisant vidéos amateurs, images satellites et témoignages, des contre-enquêtes voient le jour dont la dimension visuelle et esthétique a d'autant plus d'impact. Le livre signé par Matthew Fuller, Eyal Weizman aux Presses du Réel sous le titre  L'art de la contre-enquête – Esthétiques de l'investigation – Politiques de vérité donne à voir toute l'ampleur de cette nouvelle "esthétique d'investigation" : en mobilisant des stratégies éprouvées en art ou en architecture, il s'agit de montrer les torts subis et de faire émerger une vérité souvent inconfortable. Il vient révéler le travail mené depuis désormais de longues années par Forensic Architecture rejoint d'autres pratiques de contre-analyse citoyenne, afin de briser les monopoles d'État sur les technologies de surveillance et de contredire les récits officiels. Que ce soit dans l'atelier ou le laboratoire, la salle d'audience ou la galerie, en ligne ou dans la rue, cet art de la contre-enquête replace la vérité au cœur d'un souci partagé et tisse les liens d'un nouveau "sens commun". Fabula vous invite à lire quelques pages sur le site de l'éditeur…

(Illustr. : Forensic Architecture, The Architectural-Image-Complex, Rafah: Black Friday, 2015)

Archéologie des sciences humaines

Archéologie des sciences humaines

En 1965, Michel Foucault fait son premier séjour au Brésil à l'invitation de Gérard Lebrun, et présente pour la première fois à un public étranger ses recherches et la méthode "archéologique" qu’il met en œuvre depuis sa thèse sur l’Histoire de la folie (1961). Archéologie des sciences humaines. Cours à l'université de São Paulo qui paraît ces jours-ci constitue une introduction originale à l’ouvrage qui devait paraître en mai 1966 sous le titre Les Mots et les choses. De séance en séance, les différents chapitres de ce livre sont réécrits pour donner lieu à une suite de leçons consacrées au déploiement du savoir occidental ressaisi à partir de la trame historique des discours sur la vie, le travail et le langage. S’enchaîne ainsi au fil de ces leçons la présentation de grandes époques du savoir (Renaissance, âge classique, modernité), rapportée chacune à un certain régime des signes. Cette présentation s’adosse elle- même à une thèse originale sur l’apparition relativement récente dans l’ordre du savoir de l’homme vivant, travaillant et parlant, et sur le rôle que lui font jouer les sciences humaines.

Philofictions

Philofictions

Et si les œuvres de fiction étaient l’une des réponses au sentiment de blocage face aux enjeux du réchauffement climatique ou aux leurres des régressions identitaires ? Une philofiction n’est pas une fuite hors du réel. Elle interroge tout au contraire le caractère inéluctable des futurs qui nous semblent promis. Elle nous redonne le goût du possible. Dans Philofictions. Des imaginaires alternatifs pour la planète (MF éd.), Ariel Kyrou montre à travers l’analyse des œuvres de Becky Chambers, Octavia E. Butler, Philip K. Dick, Li-Cam ou Kim Stanley Robinson, comment la fiction, en dessinant des imaginaires alternatifs, transforme notre être-au-monde et notre relation aux altérités humaines et non-humaines. La philofiction est plus qu’un récit, elle est une action qui nous enjoint à vivre et à penser autrement. Fabula donne à lire un extrait de l'ouvrage… La revue Noesis se propose de son côté de revenir sur la force heuristique des fictions dans un prochain numéro "Philosopher avec et comme fiction" ; l'appel à contributions court jusqu'au 15 juillet.

L'usure du monde

L'usure du monde

Après l'atlas de la Vallée du silicium établi par Alain Damasio et déjà salué par Fabula, la collection Albertine des éditions du Seuil accueille un second titre : Alaska. L'usure du monde, co-signé par Charlotte Fauve et Claire Houmard. À Quinhagak, un village Yup’ik en Alaska, Charlotte Fauve et Claire Houmard ont participé un mois durant à des fouilles archéologiques « de sauvetage ». Dans ce journal d’urgence, Charlotte Fauve raconte ces journées d’excavation auxquelles participe la communauté, dans un combat contre le temps, la tourbe et les vagues. À cette plongée dans le quotidien d’une fouille et d’un village, Claire Houmard apporte son éclairage scientifique et replace chaque découverte dans l’histoire plurimillénaire du peuple Yup’ik. Il s’agit, pour les autrices, de saisir in extremis le passé – détruit en partie par la colonisation et menacé par le dérèglement climatique – avant qu’il ne soit emporté pour de bon. C’est une lutte contre la crise écologique et sociale, une lutte contre l’Usteq : l’usure du monde.

(Illustr. : Le village yupik de Newtok, en Alaska. Les terres sur lesquelles reposent le village rétrécissent et s'enfoncent en raison du réchauffement climatique, du dégel du pergélisol et de l'érosion. Newtok a été la première communauté alaskienne à amorcer cette relocalisation contrainte par le climat et de nombreux autres villages de la région devront bientôt leur emboîter le pas).

Écrire les choses

Écrire les choses

Voici quelques années Marta Caraion offrait à l'Atelier de théorie littéraire une contribution à l'entrée "Choses" avec un article programmatique intitulé "Les objets littéraire comme pensée critique", et elle donnait aussi à Acta fabula le compte rendu du Petit musée d’histoire littéraire. 1900-1950, inauguré aux Impressions nouvelles par Nadja Cohen et Anne Reverseau, sous le titre "Rematérialiser la littérature". La chercheuse a dans l'intervalle largement relevé le défi, en animant au sein de l'Université de Lausanne un projet de recherches sur la littérature et la culture matérielle. Les résultats de cette vaste enquête paraissent aujourd'hui aux éditions Champ Vallon dans un fort volume supervisé avec Sophie-Valentine Borloz et Judith Lyon-Caen : Écrire les choses vient faire l'histoire de l’élaboration d’une pensée de la culture matérielle par la littérature, depuis les années 1830, lorsque l’avènement conjoint du réalisme et de la révolution industrielle fait des choses des entités littéraires à part entière, jusqu’à la période contemporaine. Plus de quarante spécialistes signent les trente-six chapitres et quatre-vingts encarts de vulgarisation de ce panorama du monde littéraire des objets. On y trouvera des objets rares et des objets de grande consommation, des objets précieux et des objets pauvres, des machines et des reliques, des bijoux et des pots de chambre, des boîtes d’archive et des porte-plumes, du parchemin et du plastique, des objets de mélancolie et des ordinateurs ; des lectures rapprochées de grands textes littéraires, des traversées de larges corpus d’écrits techniques ou industriels, de poèmes, de romans, d’utopies, d’écrits ethnographiques, de récits de soi…

Rappelons que le 70e dossier critique d'Acta fabula était consacré à la culture matérielle, à l'initiative de Joséphine Vodoz : "Les objets, mode d'emploi. Des sciences sociales aux études littéraires", ainsi que les précédents essais de Marta Caraion : Comment la littérature pense les objets. Théorie littéraire de la culture matérielle (Champ Vallon), dont on peut lire sur Fabula un extrait de l'introduction : "Pour une lecture matérialiste des objets en littérature", et un peu plus haut dans le temps le collectif Usages de l'objet. Littérature, histoire, arts et techniques, XIXe-XXe s. (Champ Vallon toujours).

La vie des formes

La vie des formes

"Les formes de la mode ne sont pas seulement des outils de connaissance du monde et de nous-mêmes. Ce sont aussi des amulettes qui nous servent à inventer et à expérimenter de nouvelles libertés. Liberté de ressusciter des possibles. Liberté de construire des significations inédites. Liberté de choisir ce que nous voulons être." Dans La vie des formes, sous-titré Philosophie du réenchantement, le philosophe Emanuele Coccia et le styliste Alessandro Michele font converger leurs univers pour envisager la mode comme une façon de penser.

Une sociobiographie

Une sociobiographie