Questions de société

éditos

Ne négligeons rien

Ne négligeons rien

On a tort de négliger la négligence, car elle est partout. Elle est devenue un phénomène économique majeur avec le développement des plateformes numériques par lesquelles nous accédons à toutes sortes de biens et de services. Ainsi laissons-nous courir notre abonnement à tel service de diffusion de séries que nous ne regardons plus  ; nous oublions de résilier l’assurance de cet appareil ménager qui a cessé de fonctionner  ; nous délaissons, après quelques semaines, la salle de sport à laquelle nous nous sommes abonnés pour l’année. Avec Négligences (Calmann-Lévy), Maya Bacache-Beauvallet et Françoise Benhamou décryptent le fonctionnement de cette économie de l’inattention. Elles montrent comment chaque individu, au lieu d’évaluer rationnellement les coûts et les avantages de ses décisions, privilégie ses intérêts à court terme au détriment de son bien-être futur. Les auteures pointent les menaces que fait peser la négligence sur notre environnement, voire sur notre vie démocratique. Mais la négligence n’est pas toujours un poison lent. Elle peut être aussi ce degré de liberté, de folie parfois, qui  permet, par un pas de côté, de découvrir des voies nouvelles, des  chemins de traverse. Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…

L'expressivité des formes

L'expressivité des formes

Subvertir le male gaze

Subvertir le male gaze

La toile retournée

La toile retournée

Après le philosophe Michel Foucault, l'historien de l'art Daniel Arasse et quelques autres bons esprits, Jérémie Koering mène l'Enquête sur Les Ménimes dans un essai qui paraît aux éditions Actes Sud avec une préface de Tanguy Viel et ce sous-titre : Velázquez et le regard du roi. Il lève le voile sur les mystères attachés à cette toile qui occupe une place particulière dans notre imaginaire artistique : mystère objectif, lié à notre méconnaissance du fonctionnement de la peinture du XVIIe siècle ; mystère subjectif, puisque Velázquez a tout fait pour que le regardeur se sente concerné par ce qui se donne à voir ; et mystère réflexif, celui d’une toile retournée, qui garde obstinément le secret de son sujet. L’enquête historique menée par Jérémie Koering révèle les ressorts par lesquels le peintre transforme la représentation en véritable intrigue picturale.

Paraît dans le même temps un essai de Javier Portús, Scénographie d’un chef-d’œuvre : Velázquez et la salle des Ménines au musée du Prado (Éditions 1:1) qui livre les résultats d'une tout autre enquête, menée parmi les per­sonnes ayant connu le musée du Prado avant 1978, pour recueillir les souvenirs associés à leurs visites et quels espaces ont marqué leur mémoire. Une façon de cerner le lieu où le tableau de Velázquez était alors exposé de façon in­dépendante : la "Salle des Ménimes" qui isolait la toile du reste de la collection ; le concept de « chef-d’œuvre » était, pour ainsi dire, « mis en scène » par le musée.

Le roman national

Le roman national

Après "Ennemis mortels". Représentations de l’islam et politiques "musulmanes" en France à l’époque coloniale (La Découverte), O. Le Cour Grandmaison nous ouvre les portes de La fabrique du roman national-républicain (Amsterdam). Qui sont les promoteurs du roman national ? Quels sont les mythes qui, hier et aujourd’hui encore, le soutiennent et structurent les représentations et les pratiques des élites dirigeantes, et celles de nombreux clercs devenus des scribes consciencieux ? Fabula donne à lire un extrait de l'ouvrage…

Rappelons le sommaire de la revue Rubriques accueilli par le site Utpictura18, déjà salué par Fabula : "Illustrer le roman national", sous la direction de Nicolas Bianchi et Nicolas Diassinous. Adossée à la riche base de données iconographique Utpictura18, le sommaire fait le pari de la pluridisciplinarité (études littéraires, arts de la scène, histoire et histoire de l’art, études médiatiques, didactique, etc.) pour aborder au fil d’un long XIXe siècle (1789-1918) des supports iconographiques aussi variés que possible (manuels scolaires, pièces de théâtre, affiches, peinture d’histoire, jeux de société), en leur posant quelques-unes des grandes questions que soulève cette mise en image du roman national.

Mais aussi, aux éditions Mare & Martin, l'essai de Margot Renard, Aux origines du roman national. La construction d’un mythe par les images, de Vercingétorix aux Sans-culottes (1814-1848).

(Illustr : Paris, le 16 mai 1931. Inauguration du Musée permanent des colonies, dans le cadre de l’Exposition coloniale. À gauche, V. Beauregard souhaite la bienvenue à P. Reynaud, ministre des colonies et à M. Olivier, ancien gouverneur général de Madagascar et co-organisateur de l’Exposition avec le Maréchal Hubert Lyautey, ©Agence Rol / Wikimedia)

Else von Freytag-Loringhoven à la table des grands

Else von Freytag-Loringhoven à la table des grands

Longtemps oubliée, l’artiste et écrivaine Else von Freytag-Loringhoven (1874-1927) a été redécouverte à partir des années 1980. Celle que l’avant-garde new-yorkaise surnommait "la Baronne" s’est alors vu attribuer Fontaine, le célèbre urinoir de 1917 signé R. Mutt, même s’il est désormais établi qu’elle n’en est pas l’auteure. À New York dans les années 1910, on admire cette baronne allemande sans le sou pour sa manière d’incarner Dada, dans son travail de modèle comme dans les performances qu’elle improvise hors de l’atelier. Elle écrit aussi : des poèmes, publiés par la revue d’avant-garde The Little Review avant d’être censurés pour obscénité (à côté de l’Ulysse de Joyce dont elle prit la défense), ou un récit autobiographique, qu’elle centre sur sa quête de l’orgasme en réclamant ses sex rights… Ce qui caractérise EvFL (sa signature), c’est que L’art, c’est la vie. Tel est aussi le titre de l'essai qu'Éric Fassin et Joana Masó consacre à Else von Freytag-Loringhoven critique de Marcel Duchamp (Macula). Ils font la démonstration qu'il ne suffit pas d’ajouter des artistes femmes à un panthéon de grands hommes : "L’enjeu de cette première monographie française consacrée à Else von Freytag-Loringhoven n’est pas de faire admettre une artiste méconnue à la table des grands hommes, mais de redessiner cette table". Fabula vous invite à feuilleter le livre sur le site de l'éditeur…

(Illustr. : George Grantham Bain, Baroness von Freytag-Loringhoven, circa 1922)

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