Questions de société

éditos

Notre vie à l'écran

Notre vie à l'écran

La collection Traits et portraits (Mercure de France) accueille cet automne un nouveau titre, récompensé il y a quelques jours par le Prix Médicis essai 2025 : Au cinéma Central. Une éducation sentimentale de Fabrice Gabriel. Le Central fut bien pour l'auteur le centre du monde : "c’est à cette place que je m’installe, une place en corbeille, au deuxième rang derrière la petite rambarde de fer forgé marquant la frontière avec le parquet, dans cette salle aujourd’hui disparue. J’y ai vécu, et continue peut-être d’y vivre, l’imagination n’en étant pas morte, les moments les plus heureux de mon enfance, de mon adolescence aussi."

On se souviendra que Jean-Luc Godard avait choisi un cinéaste pour figurer l'écrivain dans À bout de souffle : Jean-Pierre Melville, affublé de lunettes noires devenues elles-mêmes mythiques (et qui ne vont pas mal à Tom Novembre dans le récent Nouvelle vague de Richard Linklater). Ce qui suffit à faire de ce film une date décisive de l'histoire de la littérature. Et comme il n'y a jamais de vraie raison de quitter une salle de cinéma, et de sortir d'un film de Melville, on se plongera dans le récent essai de Bernard Stora, Dans Le Cercle Rouge. Le tournage du film de Jean-Pierre Melville au jour le jour (Denoël). En attendant la toute prochaine rediffusion, le vendredi 28 novembre (black friday) de L'armée des ombres adapté du roman de Joseph Kessel, à l'occasion de la soirée exceptionnelle que France 5 consacre à l'écrivain.

Rappelons aussi, parmi les Colloques en ligne de Fabula, l'article de Marie Blaise, "Melville, l’homme-confiance et le faiseur de nœuds", au sein d'un sommaire intitulé "Le coup de la panne. Ratés et dysfonctionnements textuels" (2018), ainsi que l'essai de Pierre-Olivier Toulza, "Un millefeuille sonore : la bande-son des films policiers de Jean-Pierre Melville, entre stylisation et nostalgie générique", dans le sommaire "Styles du roman policier" (2024)

(Illustr. Jean-Pierre Melville, archives de Rémy Grumbach)

Des sciences et des fictions

Des sciences et des fictions

Face à des sciences qui ont le privilège de découvrir de nouveauxfaits, la philosophie est-elle condamnée à interpréter interminablementle réel, ou bien à s’adonner sans frein à une métaphysique déconnectée des percées de la connaissance positive ? Certains considèrent que le temps est venu pour elle de dire adieu aux faits, qui ne lui appartiennent pas ; et qu'elle doit désormais embrasser résolument les puissances de la fiction. Sous le titre "Des sciences et des fictions", la nouvelle livraison de la revue Critique vient plaider pour une philosophie qui sache maintenir une réflexivité critique. "Aucun instrument théorique ne saurait constituer une panacée universelle. Même la prétendue méthode philosophique n’est peut-être, après tout, qu’une autre fiction utile".

Vincent Bontems s'interroge également sur les Fictions scientifiques, dans un essai sous-titré Et si Borges avait connu l'IA ?, qui constitue le premier volume d'une collection "Multiversalisme" inaugurée aux éditions des Belles Lettres : si l'écrivain argentin avait connu l’intelligence artificielle, aurait-il eu besoin d’hypothèses fantastiques pour instiller le vertige métaphysique de ses Fictions (1944). Philosophe des techniques, Vincent Bontems revisite les fictions borgésiennes à la lumière des évolutions technologiques en cours. Fabula vous invite à découvrir les premières pages de l'ouvrage…

(Dessin de Georges Méliès pour une scène de Voyage dans la lune, 1902)

Un soir à l'opéra

Un soir à l'opéra

Le style des philosophes

Le style des philosophes

Tiphaine Samoyault en faisait un jour l'observation, avec un grand sourire : chaque génération doit redécouvrir à sa façon que la littérature pense et que la philosophie s'écrit. Il ne manque pas de publications cet automne pour relancer l'invitation. À commencer par le commencement (de l'histoire de la philosophie) avec le sommaire des Cahiers philosophiques qui se penche sur "Le style de Platon", à l'initiative Stéphane Marchand. Alain Lhomme milite efficacement Pour une approche stylistique des textes philosophiques dans Le style des philosophes (Vrin). Rappelons le récent essai de Mathilde Vallespir, déjà salué par Fabula, La pensée a-t-elle un style ? Deleuze, Derrida, Lyotard (Presses Universitaires de Vincennes), dont on peut lire un extrait sur le site de l'éditeur… Et plus haut dans le temps le volume supervisé par Bruno Curatolo et Jacques Poirier, Le Style des Philosophes (Presses universitaires de Dijon, 2007), dont on peut lire le compte rendu dans Acta fabula : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement » : la philosophie peut-elle avoir du style ?, Maud Gouttefangeas. On peut aussi se repolonger sans nostalgie dans la toute première livraison Fabula-LhT, voici presque vingt ans : "Les Philosophes lecteurs".

(Illustr. : Niccolò Machiavelli, 1894, Stefano Ussi (1832–1901)

Les universels du Louvre

Les universels du Louvre

Sur le concept de nature

Sur le concept de nature

Alain Badiou propose dans la collection Climats (Flammarion) une Méditation sur le concept de Nature : que signifie, en vérité, le mot “nature” ? Le philosophe y voit "un concept extraordinairement retors, à la fois labile et un peu insaisissable. Il court dans la pensée, un peu comme dans le jeu du furet, de telle sorte qu’il est impossible de savoir où il est exactement". Alain Badiou regarde donc le concept comme une énigme, pour nous faire parcourir l’histoire de la philosophie et ouvre des perspectives nouvelles pour penser "la nature" dans un monde qui n’en a jamais autant parlé sans préciser vraiment ce dont il s’agit. Fabula vous invite à feuilleter quelques pages de l'essai…

Le Mahomet des historiens

Le Mahomet des historiens

Figure incontournable de l’islam, Mahomet est l’un des personnages les plus marquants de l’histoire de l’humanité, façonnant l’Orient comme l’Occident. Vénéré par des myriades de fidèles, mais aussi cible de controverses, il demeure, malgré les milliers d’ouvrages à son sujet, méconnu. Si son existence historique est largement admise, le récit traditionnel de sa vie a toujours alimenté les débats. Mais une véritable révolution scientifique est désormais en marche, dont les découvertes sont restées confinées aux cercles académiques. Jusqu’à ce monument que constitue Le Mahomet des historiens (Cerf), qui a réuni autour de John Tolan et Mohammad Ali Amir-Moezzi cinquante spécialistes internationaux, offre, en deux mille pages, une synthèse complète et critique des travaux passés et des recherches présentes sur le Prophète de l’islam. Ce pont jeté entre la science et le grand public constitue une avancée décisive pour une connaissance mutuelle authentique et une paix véritable.

Paraît dans le même temps l'essai de Jacqueline Chabbi, Le Coran des Lumières. L'histoire, les concepts, le divin et le Prophète, dont Fabula vous invite à feuilleter quelques pages…

(Illustr. : Le prophète Mahomet, illustration d'un manuscrit ottoman du XVIIe siècle. ©BnF)