
Une histoire de la représentation de la cécité et du regard porté sur les aveugles dans l'art, de Brueghel à Louise Bourgeois.Au cœur de la pratique et de la théorie de l'art, les yeux fonctionnent comme des outils de perception et d'évaluation, d'enregistrement et d'appréciation. Ils sont les instruments indispensables pour comprendre, déchiffrer, assimiler les réalités du monde et sont tout aussi indispensables pour en produire une interprétation dans ce que l'on nomme justement les arts visuels. Or, paradoxalement, une image hante toute l'histoire de l'art : celle de l'aveugle, de l'individu atteint de cécité. Peintres, sculpteurs, photographes et, plus récemment, vidéastes n'ont cessé de le représenter en groupe, comme le fit si admirablement Brueghel dans sa fameuse Parabole ou isolé et en proie à la détresse, comme le fera plus tard le peintre Lovis Corinth ou le photographe Paul Strand.
Les représentations de l'individu plongé dans les ténèbres abondent et traversent les siècles et les continents. Elles disent la cruauté des supplices infligés par l'ennemi ou le despote comme l'a si bien montré Rembrandt dans Samson aveugle ou Raphaël dans L'Aveuglement d'Elymas mais aussi les sentiments d'espoir, d'empathie et de bonté qui accompagnent la guérison et le recouvrement de la vue si souvent traitée par les artistes (La Guérison de l'aveugle-né de Duccio ou Le Christ guérissant de Nicolas Poussin...).
Les artistes modernes et contemporains sont nombreux également à prendre la cécité en considération et à lui faire place dans leur œuvre. De Marcel Duchampà Brancusi, de Louise Bourgeois à Sophie Calle, de Cy Twombly à Rémy Zaugg et Giuseppe Penone, l'œil blessé, la déficience visuelle ou le « regard interdit » se donnent comme de réels sujets de réflexion et reposent la question du voir et des manières d'appréhender la réalité.
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Maurice Fréchuret est historien de l'art et conservateur en chef du patrimoine, détenteur d'un doctorat de Sociologie et d'un doctorat d'Histoire de l'Art, conservateur au musée d'Art moderne de Saint-Étienne de 1986 à 1993, puis du musée Picasso à Antibes de 1993 à 2001. Directeur du capcMusée d'Art contemporain de Bordeaux de 2001 à 2006, il est nommé conservateur des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes (2006-2014). Parallèlement à son travail de conservateur, de commissaire d'expositions et d'enseignant, Maurice Fréchuret a publié de nombreux ouvrages dont : Le Mou et ses formes (éditions ENSBA, 1993, Jacqueline Chambon, 2004) ; La Machine à peindre (Jacqueline Chambon, 1994) ;L'Envolée, L'enfouissement (Skira, RMN, 1995) ; L'art médecine (en collaboration avec Thierry Davila, RMN, 2000) ; Les Années 70, l'art en cause (RMN, 2002) ; Exils (en collaboration avec Laurence Bertrand-Dorléac, RMN, 2012).