Colloques en ligne

Christine Noille et Sophie Rabau

Construire le contexte : une expérience de lecture

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(Illustr.: Giorgio De Chirico, Il trovatore stanco, 1950)

2L’expérience de pensée commence ainsi : nous prendrons un texte sans contexte, et nous le lirons.

3Voilà qui ne va pas de soi. Un texte sans support d’un métatexte critique et historique n’est-il pas fondamentalement à venir ? Sans doute, mais supposons un monde possible, où l’artifice d’une telle décontextualisation serait en quelque façon vraisemblable : comme pour Le Page disgracié, dont l’identité ne semble devoir être précisée que par le nom d’auteur et une date (Tristan L’Hermite, 1643).

4Telle est alors notre proposition : saisir l’occasion qui nous est offerte de travailler sur un texte qu’il est possible, méthodiquement et sans trop d’artifice, de délier du contexte historique (celui des pratiques comme celui des modèles), pour interroger nos propres pratiques de théorisation et de critique et réfléchir aux modalités et aux fonctions des contextualisations — de celle qui a été suspendue comme de celles qui seront forcément opérées — dès lors qu’on fait de l’analyse de texte.

5Le Page disgracié sera le nom de cette expérience collective, offerte à tous ceux qui liront l’œuvre hors du temps ou d’un autre temps, théoriciens, comparatistes, herméneutes… et même historiens, en tant qu’ils mobilisent dans leurs travaux des outillages et des concepts anachroniques.

6Où l’on en passera donc par la lecture d’un petit roman sans bibliothèque « obligée » pour poser quelques questions à la méthodologie de nos lectures : et l’on distinguera alors deux grands ensembles de questions, sur le contexte qu’est la lecture d’une part, sur le contexte qu’est la textualité d’autre part.

7La première contextualisation semble bien en effet devoir être celle de ma lecture : faut-il le rappeler, tout texte lu s’insère dans un savoir-lire et une encyclopédie lectoriale ; tout texte prend place dans ma bibliothèque intime. La lecture est le contexte du texte, ce qui revient à dire que ni la description ni l’interprétation ni la reprise qu’on en fait ne sont des opérations blanches, et qu’une réflexion sur l’analyse de texte, quelle qu’elle soit, gagnerait – méthodiquement – à prendre en charge une réflexion sur les conditions de la lisibilité. Autrement dit, que puis-je lire du Page disgracié – et que puis-je en faire ? Ai-je besoin d’une histoire pour le lire, pour le décrire, pour l’interpréter, et si oui, de laquelle ?

8Mais il est également possible, en sens inverse, d’investir de la fonction de contextualisation l’autre pôle de la relation lectoriale et de revenir sur ce dont le texte peut être le contexte. Car les textes ont aussi cette propension à devenir le contexte de nos théories et à servir de terrain habituel aux catégories transtextuelles que nous élaborons. On pourra alors se demander comment s’exerce cette conjointure entre théorisation actuelle et critique ; mais on pourra se demander également si la théorie en situation d’analyse textuelle est un exercice d’application, de modulation, d’expérimentation – ou bien cesse d’être de la théorie. Autrement dit : que peut faire un texte comme Le Page disgracié à la théorie ? Qu’est-ce qu’un texte qui résiste ? Et qu’est-ce qui, du texte ou de notre lecture, sert de contexte de validation aux outils que nous théorisons ? Un texte suffit-il à démonter un système ?

9Bref, à lire — ensemble — « un texte tout seul », nous faisons le pari qu’il en résultera quelques malentendus créateurs.

   

10Se lire dans Le Page

Jean-Louis Jeannelle et Sophie Rabau : « Pour une “lecture intéressée” du Page disgracié »

11Le contexte de ma bibliothèque (ou comment lire dans Le Page les livres que j’ai déjà lus)

Julia Peslier : « “Pessoa n’a pas lu L’Hermite qui n’a pas lu Pessoa. Et pourtant.” Une étude de non-réception »

Yves Citton :
« Lectures à l’arraché et lectures de cheminement »

Nicolas Garayalde :
« La non-lecture, le con(tre)texte »

12Les petits chapitres (nos outils et leurs mots)

Lise Charles : « Le Page disgracié, un roman morcelé pour un lecteur paresseux »

François-Ronan Dubois :
« It’s not Literature, It’s HBO : Le Page disgracié comme série télévisée »

13Faire varier les contextes (construire l’expérience)

Florian Pennanech et Arnaud Welfringer : « Contribution à l’étude du contexte du Page disgracié »

14De la résistance des contextes (invalider l’expérience)

Mathilde Bombart et Alain Cantillon : « Éditions, remarques et clé : la construction du lieu d'énonciation du Page disgracié »

15L’envol des pages (oser l’interprétation)

Véronique Adam : « La question des lieux. Le Page disgracié après le Spatial Turn »   

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