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Inscriptions en situations. Approches intermédiales et interdisciplinaires (Aix-en-Provence & Toulouse)

Inscriptions en situations. Approches intermédiales et interdisciplinaires (Aix-en-Provence & Toulouse)

Publié le par Marc Escola (Source : Claire Gheerardyn )

 Inscriptions en situations. Approches intermédiales et interdisciplinaires

Colloque international  7-9 octobre 2026

Aix-Marseille Université avec l’Université Toulouse II Jean-Jaurès

Appel à communication (date de tombée : le 28 février 2026)

Peut-on considérer qu’« écrire » et « inscrire » constituent des actes différents[1] ? Nous en faisons le pari dans ce colloque où nous proposons de nous intéresser collectivement aux inscriptions et à leurs mises en situation, en croisant des pratiques, des disciplines et des domaines artistiques variés.

Sans doute, parler d’« écriture » pousse-t-il à abstraire les mots de leur matérialité, tandis que parler d’« inscription » engage au contraire à considérer les mots dans leur actualisation concrète. Mais l’écart séparant les actes d’« écrire » et d’« inscrire » ne réside pas seulement là. Une inscription repose sur des interactions entre un texte, le support de celui-ci, des matières, des médiums, un contexte, un site et un paysage, une époque, et le comportement de ceux que l’on peut nommer les acteurs de l’inscription : les auteurs qui en composent les textes ; les artisans ou artistes qui leur donnent existence concrète ; les regardeurs-déchiffreurs enfin. C’est de la rencontre de tous ces différents paramètres que les inscriptions tirent très largement leur sens. En d’autres termes, les inscriptions sont indissociables des situations dans lesquelles on les produit ou dans lesquelles on les trouve.

Il existe des ouvrages remarquables sur l’inscription portant sur des périodes et des contextes précis, jetant un éclairage sur les époques antiques ou médiévales, la Renaissance, l’âge classique, le XVIIIe siècle, etc. En revanche, en dehors du travail pionnier d’Armando Petrucci[2], il existe peu d’approches diachroniques, traversant les siècles. Pourtant, le récent renouveau de l’art de l’inscription (depuis les années 1970, et plus encore, les années 1990) rend nécessaire de considérer les pratiques de l’inscription à travers le temps long. Si la poésie et l’art contemporains recourent si fréquemment à l’inscription, comme cela semble être le cas, est-ce parce que nos rapports à l’écriture ont changé ? Est-ce lié à la remise en question, par le numérique ainsi que par les techniques de communication vocale, de la place des livres de papier comme le lieu hébergeant naturellement l’écriture ?

En conséquent, ce colloque encourage à se pencher sur des exemples de toute époque. Ceci pourra permettre de dégager quelques jalons de l’histoire de l’inscription, et de prendre en compte la création et la réception des arts, l’évolution des traditions à travers le temps long, leurs ruptures et leur reviviscence. Nous invitons les participants à d’étudier des situations diverses (sites, objets et architectures portant des inscriptions ; inscriptions relevées in situ et apparaissant in libro ; mises en situation décrites ou imaginées par la littérature ou le cinéma), sans restriction géographique. Nous espérons tout particulièrement que seront abordés, au-delà de l’alphabet grec ou latin, des exemples relevant d’autres systèmes de signes. Selon les aires et les périodes, ce sont des corpus de textes inscrits extrêmement variés qui pourront être examinés : inscriptions religieuses, funéraires, légales, écritures d’apparat, expression du pouvoir et de son autorité, textes destinés aux monuments, formules mémorielles et didactiques, messages politiques, écritures protestataires, graffitis de prisonniers, textes poétiques destinés aux jardins et aux paysages, et depuis le dernier tiers du XXe siècle, œuvres d’art prenant la forme de textes brefs ou longs, placés in situ, dans les villes et hors de celles-ci.

Pistes de réflexion non exhaustives :

- Comment fonctionne la fabrique de l’inscription ? Il s’agit d’observer l’inscription en train de se faire, que celle-ci relève d’un cadre institutionnel, qu’elle réponde à une commande, ou qu’elle soit l’expression d’une colère, d’une protestation, voir même qu’elle apparaisse illégalement pour remettre en cause l’ordre établi. 

- Quelles ambivalences pour l’inscription ? Nombre d’inscriptions se définissent par leur rapport au temps. Elles aspirent à se faire pérennes alors même qu’elles subissent l’effacement. Le terme même d’« inscription » en français possède une double acception, renvoyant tantôt à l’action d’inscrire, tantôt au résultat de cette dernière. Cette ambivalence qui se manifeste notamment dans le rapport à l’espace (mobilité du geste vs fixité du mot ; mot apparaissant dans l’épaisseur de la matière ou perçus comme étalés à la surface). Comment aborder alors l’inscription dans ses différentes modalités ? 

- Quels sont les temps et contretemps de l’inscription ? Le plus souvent, lorsque la littérature ou les arts rapportent la découverte d’une inscription, cette dernière se présente comme un texte anonyme, surgissant soudain par surprise et offrant l’énigme de son ancienneté dans un milieu qui lui est devenu étranger. L’inscription forme un objet anachronique, affleurant en un temps qui n’est plus le sien. Elle entraîne de nouveaux processus de lecture, imprévisibles au moment où elle fut installée. Comment alors comprendre une inscription quand celle-ci a perdu sa situation d’origine ? Quelles fictions herméneutiques l’inscription permet-elle de développer ? Et surtout, à quels malentendus la découverte de l’inscription mène-t-elle ?

- Quelles scènes de déchiffrements ? Si « écrire n’est pas inscrire », « lire » n’est peut-être pas le terme non plus le plus juste pour désigner les différentes actions que l’inscription suscite. On ne lit pas simplement l’inscription : on la rencontre, on la découvre, on la dégage de la terre, on s’y confronte, on la reconstitue, on la relève et la transcrit, on en fait un calque ou un estampage, on la documente, on la déchiffre, on la traduit, on la déforme, on y sème des erreurs, on la réemploie, on la fait circuler, on la lit à voix haute, on la commente, etc. 

À quels types de lecteurs une inscription donnée cherche-t-elle à s’adresser ? Comment son dispositif concret modèle-t-il l’acte de lecture ? Doit-on la lire à voix haute ? Seul ou en collectivité ? La lecture est-elle ritualisée ? Quelles postures le corps des lecteurs adopte-t-il ? Peut-on mettre en regard les lectures idéales, prévues par le dispositif, avec des lectures réelles, et si oui, comment approcher et connaître ces lectures réelles ? Comment la réception d’une même inscription évolue-t-elle à travers le temps, à mesure qu’elle s’érode et que son paysage se transforme ?

- Comment fonctionnent les transcriptions in libro ? Quelles stratégies le livre invente-t-il pour mettre en situation l’inscription quand celle-ci est transférée sur le papier ? Comment passer de supports en trois dimensions à des surfaces planes ? Comment suggérer, en dépit des contraintes, la matière, la taille, la forme des caractères et leur disposition ? La typographie, les ornements, les images et la mise en page du livre peuvent-ils permettre de créer de nouvelles situations ? Et surtout, quelles conventions inventer pour transcrire et parvenir à restituer quelque chose de l’expérience suscitée par les mots gravés ? Et réciproquement, de quels autres déplacements témoignent les inscriptions qui sont des citations, tirées des livres ? 

- Un âge contemporain de l’inscription ? Contrairement à ce que l’on pourrait peut-être croire, l’art de l’inscription demeure actuellement très vivant, notamment qu’un certain nombre d’artistes conceptuels prennent le langage et le texte pour médiums et pour matériaux. Des mots sont inscrits, dans des paysages parfois difficiles d’accès, en milieux ruraux, ou au cœur des villes. Des inscriptions de toutes sortes gardent ainsi la mémoire d’événements, d’êtres et de choses ; elles suscitent la surprise, elles se font  porteuses de signification, de colère et d’espoir, elle réinvente les lieux et permettent de se les réapproprier. 

- Certaines interventions pourront être consacrées au déroulement du travail concret nécessaire à l’étude de l’inscription en situation et aux retours de terrain. Nous espérons qu’y seront abordées les manières de relever, de documenter, de photographier, de transcrire et de comprendre tant les inscriptions que leurs situations. Nous invitons à intervenir des archéologues, des spécialistes de l’épigraphie et différents chercheurs pratiquant le travail de terrain, comme des sociologues s’intéressant aux rôles de l’inscription éphémère dans la protestation sociale. Parallèlement une autre question se pose : comment utiliser les archives pour comprendre les inscriptions en situation ?

- Approches relevant de la Recherche-création , associant directement l’étude et la pratique. Quelles créations, textuelles et de mise en situation, voire de performance ? Comment lire à voix haute des inscriptions ? Comment les réécrire, les engager dans de nouveaux textes ? Comment exposer ce qu’Armando Petrucci puis Béatrice Fraenkel nomment « écriture exposée »? Et surtout, faut-il les réinscrire dans de nouveaux contextes pour redonner vie au contenu des textes inscrits et pour les réactualiser ? 

[1] Sandrine Hériché-Pradeau et Maud Pérez-Simon (dir.), Inscriptions : une matière en toutes lettres, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2023, p. 12 : « écrire n’est pas inscrire ». 
[2] Armando Petrucci, Jeux de lettres. Formes et usages de l’inscription en Italie, 11e-20e siècles, Paris, Éd. de l’École des hautes études en sciences sociales, 1993. 

Prière de de soumettre d’ici le 28 février 2026 votre proposition (un résumé d’environ 400-500 mots, accompagnée d’une courte notice bio-bibliographique) correspondant à une communication de 30 minutes, en anglais ou en français, à l’adresse suivante : inscriptions@sciencesconf.org 

Pour consulter l'appel à communication en anglais, voir le site web du colloque :  https://inscriptions.sciencesconf.org)

Bibliographie sélective

Claudia Benthien et Norbert Gestring, Public Poetry: Lyrik Im Urbanen Raum, Berlin, De Gruyter, 2023.

Jean-Marie Bertrand (traduction et commentaire), Inscriptions historiques grecques, Paris, Les Belles Lettres, 1992.

Jean-François Billeter, L’Art chinois de l’écriture, Genève, Skira, 1989. 

Cécile Brochard et Anne Gourio (dir.), dossier « Écrit sur l’écorce, la pierre, la neige… Les supports matériels du poème (période moderne et contemporaine) », Elseneur, n°36, 2021. En ligne : https://journals.openedition.org/elseneur/315 

Zoé Carle, Poétique du slogan révolutionnaire, Presses de la Sorbonne Nouvelle, collection Littérature générale et comparée, Paris, 2019.

Francesca Caruana (dir.), Écritures et inscriptions de l’oeuvre d’art. En présence de Michel Butor, L’Harmattan, coll. « Ouverture philosophique », 2014.

Virgile Cirefice, Grégoire Le Quang  et Ariane Mak, dossier « Faire l’histoire des graffitis politiques », 20&21. Revue d’histoire, 2022/4, n° 156. 

Alison Cooley, The Afterlife of Inscriptions: Reusing, Rediscovering, Reinventing & Revitalising Ancient Inscriptions, Londres, Institute of classical studies, 2000.

Alison Cooley, The Cambridge manual of Latin Epigraphy, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.

Vincent Debiais, La Lecture des inscriptions dans la communication médiévale (XIIIe-XIVe siècles), Turnhout, Brepols, 2009. 

Dydia DeLyser and Paul F. Starrs (dir.), dossier « Doing Fieldwork », Geographical Review, vol. 91, no1-2, janvier-avril 2001. 

Béatrice Fraenkel, « Les écritures exposées », Linx, n° 31, Nanterre, 1994, p. 99-110.

Martine Furno, Une « fantaisie » sur l'antique : le goût pour l'épigraphie funéraire dans l’« Hypnerotomachia Poliphili » de Francesco Colonna, Genève, Droz, 2003. 

Claire Gheerardyn, « Lire in situ. Dispositifs poétiques et expériences de lecture au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Belgique des années 1990 à nos jours », dossier « Les mots hors du livre », dir. Cindy Gervolino et Lisa Gurini, Éclats, n°5, 2025, à paraître en ligne: https://preo.ube.fr/eclats/

Thierry Gregor et Bertrand Riba, De la trace à l’outil, Talence, Fédora, 2025.

Robert E. Harrist Jr., The Landscape of Words: Stone Inscriptions from Early and Medieval China, University of Washington Press, 2008. 

Steven Heller et Mirko Ilić, Lettering large: Art and Design of Monumental Typography, Monacelli Press, 2013.

Emmanuelle Hénin, Ceci est un bœuf : la querelle des inscriptions dans la peinture, Turnhout, Brepols, 2013.

Sandrine Hériché-Pradeau, Les inscriptions romanesques dans la prose arthurienne du XIIIe au XVe siècle : un arrière-pays des lettres, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2020. 

Sandrine Hériché-Pradeau et Maud Pérez-Simon (dir.), Inscriptions : une matière en toutes lettres, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2023. 

Estelle Ingrand-Varenne, Langues de bois, de pierre et de verre. Latin et français dans les inscriptions médiévales, Paris, Classiques Garnier, 2018.

Sepp Jakob et Donatus M. Leicher, Schrift-Symbol in Stein, Holz und Metall, Munich, Callwey, 1995.

Sophie Lefay, L’éloquence des pierres : Usages littéraires de l’inscription au XVIIIe siècle, Paris, Garnier, 2015.

Jean-Claude Mathieu, Écrire, inscrire. Images d’inscriptions, mirages d’écriture, Paris, José Corti, 2010.

James Mosley, The Nymph and the Grot. The Revival of the Sanserif Letter, Londres, European Friends of the St Bride Printing Library, 1999. 

John Neilson, The Inscriptions of Ralph Beyer, Londres, Lund Humphries Publishers Ltd, 2021.

David Peace, Eric Gill: The Inscriptions, Boston, David R. Godine Publisher, 1995. Réédition: Londres, Herbert Press, Bloomsbury Publishing, 2007. 

Tom Perkins, Art of Letter Carving in Stone, Ramsbury, The Crowood Press, 1997.

Armando Petrucci, Jeux de lettres. Formes et usages de l’inscription en Italie, 11e-20e siècles, Paris, Éd. de l’École des hautes études en sciences sociales, 1993 (1re éd. 1980).

Armando Petrucci, Promenades au pays de l’écriture, Bruxelles, Zones Sensibles, 2019.

Armando Petrucci, Writing the Dead. Death and Writing Strategies in the Western Tradition, trad. Michael Sullivan, Stanford University Press, 1998.

Danielle Porte (préf. et trad), Tombeaux romains. Anthologie d'épitaphes latines, Paris, Le Promeneur, 1993.

Anna Saccani, La Ville en toutes lettres. Installations typographiques, Paris, Pyramyd, 2013.

Paul Shaw, The Eternal Letter: Two Millennia of the Classical Roman Capital, The MIT Press, 2015.

Giancarlo Susini, « Le scritture esposte », dans Guglielmo Cavallo, Paolo Fedeli et Andrea Giardina (dir.), Lo spazio letterario di Roma antica, vol. II, Rome, Salerno, 1989, p. 271-305 

Benoît Tane, « Comme un Butor. Lire avec un couteau », en ligne sur le carnet de recherche Biblioclasmes, 2021: https://biblioclasm.hypotheses.org/tag/michel-butor

Kila Van der Starre, Poëzie buiten het boek. De circulatie en het gebruik van poëzie, thèse de doctorat, soutenue en 2021 à l’Université d’Utrecht, auto-publiée sous forme de livre électronique gratuit : https://dspace.library.uu.nl/handle/1874/401043

Florence Vuilleumier-Laurens, Pierre Laurens, L’âge de l'inscription : la rhétorique du monument en Europe du XVe au XVIIe siècle, Paris, Les Belles lettres, 2010.

 

 

Organisatrices et organisateurs : 

- Claire Gheerardyn (Université Toulouse Jean Jaurès / Institut Universitaire de France): claire.gheerardyn@univ-tlse2.fr

- Léa Polverini (Aix Marseille Université): lea.polverini@univ-amu.fr

- Benoît Tane (Aix-Marseille Université): benoit.tane@univ-amu.fr

- Louis Watier (Université Toulouse Jean Jaurès): louis.watier@univ-tlse2.fr

Comité scientifique : 

Marc-André Brouillette (UQàM, Québec)  

Zoé Carle (Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis, France) 

Margaux Coquelle-Roëhm (Université de Montréal, Québec) 

Claire Gheerardyn ((Université Toulouse- Jean Jaurès / IUF, France) 

Ana Mannarino (Universidade Federal do Rio de Janeiro, Brésil)

Léa Polverini (Aix-Marseille Université, France)

André Rehbinder (Université Paris Nanterre, France)

Denis Saint-Amand (Chercheur du FNRS à l’Université de Namur, Belgique)

Kirsten Stirling (Université de Lausanne, Suisse)  

Benoît Tane (Aix-Marseille Université, France)

Trung Tran (Université Toulouse - Jean Jaurès, France)  

Louis Watier  (Université Toulouse - Jean Jaurès, France)

Daniel Wendt (Université de Graz, Autriche)

Abbès Zouache (Institut français d’archéologie orientale du Caire, Égypte)