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La photographie numérique à l’ère de l’Intelligence Artificielle : Rupture épistémologique, mutations esthétiques et nouveaux paradigmes de la création visuelle

La photographie numérique à l’ère de l’Intelligence Artificielle : Rupture épistémologique, mutations esthétiques et nouveaux paradigmes de la création visuelle

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Wafa DAMMAK)

                                                                   
L'institut supérieur d'informatique et de multimédia de Sfax

En collaboration avec

 

Université de Sfax

Office des œuvres universitaires pour le sud

Laboratoire de recherche Langage et Traitement Automatique

L'axe de recherche des arts visuels, du design et des nouvelles technologies 

Délégation régionale aux affaires culturelles de Sfax

L'institut supérieur des Beaux-arts de Tunis 

L’école doctorale art et culture de Tunis

 

Organisent :

Des journées scientifiques

La photographie numérique à l’ère de l’Intelligence Artificielle :

Rupture épistémologique, mutations esthétiques et nouveaux paradigmes de la création visuelle

 

A l’Institut Supérieur d’Informatique et du Multimédia de Sfax

Du 15 au 17 avril 2026

 

 Argumentaire

               I.          Introduction

L’avènement de l’Intelligence Artificielle (IA) dans la photographie numérique et, plus largement, dans les arts visuels, ne relève pas d’une simple évolution technologique. Il s’agit d’une rupture épistémologique majeure. L’IA reconfigure profondément la production des images, leur diffusion, leur interprétation et leur légitimation. Elle interroge les fondements mêmes de la photographie : le rapport au réel, à la vérité, à l’auteur, à la mémoire. Cette transformation est comparable, par son ampleur, à deux moments fondateurs : l’invention de la photographie au XIXᵉ siècle et la numérisation de l’image à la fin du XXᵉ siècle.

À chaque fois, le même déplacement : outils nouveaux, régimes de vérité déplacés, statuts redéfinis. Aujourd’hui, l’IA agit de la même manière. Elle reconfigure les conditions de production des images, mais aussi leur diffusion, leur interprétation et leur légitimation. Elle touche plus loin encore le rapport au réel, à la vérité, à l’auteur, à la mémoire.

Depuis ses origines, la photographie se pense comme empreinte. Empreinte lumineuse. Empreinte physique. La lumière touche le monde, le monde touche la surface sensible. De cette relation naît l’image. Roland Barthes parlait alors du « ça-a-été » : garantie ontologique, preuve d’existence du référent. Or, l’IA générative rompt ce lien. L’image peut désormais apparaître sans capture, sans référent, sans événement préalable. Production sans trace. Image sans monde.

Le passage est décisif : de l’image-trace à l’image-simulacre. Une image calculée, probabiliste, synthétique, non plus issue d’un enregistrement, mais d’un modèle ; non plus mémoire du réel, mais projection statistique de possibles.

Ces journées internationales prennent acte de cette mutation. Elles en proposent l’exploration. Approche pluridisciplinaire, nécessairement : Théorie de l’image et pratiques artistiques, sciences de l’ingénieur et cadres juridiques, éthique et patrimoine.

L’enjeu est double : penser les opportunités créatives ouvertes par l’IA, sans éluder les défis fondamentaux qu’elle impose aujourd’hui à la photographie numérique contemporaine.

 

             II.          L’IA comme catalyseur créatif 

1.    Des algorithmes, à la création

Les modèles d’Intelligence Artificielle appliqués à l’image transforment profondément la photographie. Réseaux antagonistes génératifs, modèles de diffusion, systèmes de vision par ordinateur : mêmes logiques, fonctions différentes, effets convergents. Conçus d’abord pour analyser automatiquement les images, ces systèmes changent de rôle. Ils deviennent des outils de création. Ils génèrent, transforment, restaurent, augmentent avec une précision nouvelle et une plasticité inédite. L’image numérique, rappelle Edmond Couchot, n’est plus seulement à voir. Elle est à calculer. L’IA pousse ce principe à son extrême. Elle installe une esthétique de la probabilité, de la statistique, de l’apprentissage. Les données visuelles deviennent centrales, immenses ensembles, matrices d’exemples. Le modèle apprend, il infère et produit.

Dans ce contexte, le geste change. L’artiste, le photographe, n’agit plus seulement sur la lumière, ni sur le cadre. Il agit sur des paramètres algorithmiques : jeux de données, modèles computationnels. La création se déplace du dispositif optique vers l’architecture du calcul.

De là émergent de nouvelles esthétiques hybrides entre photographie et illustration, entre cinéma, peinture et visualisation de données. Les frontières se brouillent. Les médiums se contaminent. L’image devient alors un lieu, un espace de négociation : intention humaine d’un côté, calcul machinique de l’autre. Entre les deux, une forme instable, productive, contemporaine.

 2.    Automatisation des workflows

L’intégration de l’IA dans la production photographique transforme les chaînes de travail : automatisation massive, correction automatique des couleurs, retouche intelligente, reconnaissance des visages, segmentation des images, montage automatisé. Les étapes s’enchaînent, les gestes se réduisent, le temps gagné est réel, l’efficacité augmente, des compétences autrefois techniques deviennent accessibles. Public élargi. Usage démocratisé. Cette automatisation interroge. Elle pose la question centrale de l’uniformisation. Les styles visuels, d’abord. Les modèles d’IA s’appuient sur des bases de données standardisées. Ils apprennent des normes esthétiques dominantes souvent situées culturellement, ou implicites, et les reproduisent. Le risque apparaît alors clairement : une photographie certes optimisée, fluide, performante, séduisante, mais symboliquement et culturellement appauvrie. L’image fonctionne, elle circule et perd, parfois sa capacité critique et sa singularité.

 

           III.          Éthique, droit et société

1.    Authenticité, vérité et crise de confiance dans l’image

La photographie s’est longtemps définie par le témoignage, par la preuve. Susan Sontag le rappelait : toute photographie interprète toujours le réel. Avec l’IA, cette ambiguïté change d’échelle : elle devient critique. Les images générées ou manipulées par algorithmes brouillent la frontière : vrai et faux se confondent radicalement. Deepfakes, images synthétiques hyperréalistes, reconstitutions automatisées, même dynamique, même effet. Une crise de confiance s’installe. Elle touche l’image photographique au cœur. Dans un contexte de post-vérité, la photographie ne garantit plus la réalité, elle suscite le doute permanent. Face à cette situation, une exigence urgente s’impose : redéfinir les critères par la véracité des images, la traçabilité des processus, la responsabilité des producteurs. Sans cela, l’image circule, persuade et ne fait plus preuve.

 

2.    Droit d’auteur et propriété intellectuelle : qui est l’auteur ?

L’IA soulève des défis juridiques majeurs. D’abord une question centrale : l’auteur. D’une image générée par algorithme, qui répond ? Le programmeur, l’utilisateur, l’artiste, la machine elle-même ? Le droit d’auteur hésite. Il repose sur l’originalité, sur l’intention humaine. Or ces images naissent d’un processus mixte : co-création humain et machine imbriqués.

Les cadres juridiques actuels montrent leurs limites. Ils peinent à réguler ces pratiques nouvelles trop rapides, trop hybrides. Une réflexion approfondie devient nécessaire. : repenser la propriété intellectuelle à l’ère des systèmes autonomes et semi-autonomes. Sans cela, le droit suit mal. L’image, elle, continue d’évoluer.

 

          IV.          L’artiste et la machine 

1.    Co-création humain-machine : complémentarité ou substitution ?

L’IA ne remplace pas nécessairement l’artiste. Elle transforme son rôle. Le geste créatif se déplace de la prise de vue vers le processus : conception des chaînes, choix des données, interprétation des résultats. Le centre de gravité change. L’artiste devient médiateur. Chef d’orchestre de systèmes complexes, il articule l’intuition esthétique et la logique computationnelle sensible et calcul, décision humaine, exécution machinique, ensemble. Cette co-création ouvre des perspectives nouvelles fertiles, mais elle inquiète aussi : déqualification possible de certaines pratiques professionnelles, métiers de l’image à redéfinir, statuts incertains. L’enjeu n’est pas seulement technique, il est culturel et social.

 2.    De la capture à la diffusion : une pratique photographique augmentée

La photographie contemporaine dépasse l’instant de la capture. Elle ne s’y limite plus. Elle s’inscrit dans un écosystème élargi : post-production algorithmique, circulation numérique, plateformes, réseaux sociaux, chaque niveau compte. L’IA intervient partout, à chaque étape du processus. Elle modifie les images, conditionne leur diffusion, influence leur réception. La photographie devient alors autre chose : un processus continu, évolutif, interactif, plus un objet figé, mais un flux.

 

            V.          IA, photographie numérique et patrimoine

1.    Numérisation intelligente et mémoire visuelle

L’intégration de l’IA dans la documentation photographique du patrimoine constitue un enjeu stratégique majeur : patrimoine matériel, patrimoine immatériel, même exigence. Les technologies mobilisées sont multiples : reconnaissance d’images, reconstruction 3D, restauration automatisée, indexation intelligente. Elles ouvrent de nouvelles possibilités : préserver, analyser, valoriser.

Dans le contexte tunisien, plus précisément sfaxien, la photographie numérique augmentée par l’IA prend une dimension particulière. Elle peut devenir un outil de mémoire active capable de suivre les transformations urbaines, de documenter les pratiques artisanales, de rendre visibles les identités locales. L’image n’archive plus seulement, elle accompagne, interprète et transmet.

 2.    Photographie, IA et projection culturelle

La compétition photographique proposée autour du thème « La mémoire vers le future » s’inscrit dans cette perspective prospective. Il s’agit d’interroger l’identité tunisienne non seulement comme héritage, mais comme projection, en mobilisant l’IA comme outil d’analyse, de création et de spéculation visuelle.

 

          VI.          Conclusion : Au-delà de la technique

L’Intelligence Artificielle ne signe pas la fin de la photographie, elle en transforme profondément le positionnement, impose une révision des cadres théoriques, des pratiques artistiques, des responsabilités éthiques. La photographie numérique, augmentée par l’IA, devient un terrain d’expérimentation critique, lieu où se croisent humain et machine, mémoire et avenir.

Ces journées internationales visent à créer un espace de dialogue fécond entre chercheurs, artistes et professionnels. Objectif : penser collectivement les enjeux esthétiques, épistémologiques et sociétaux de l’image à l’ère de l’IA. Une rencontre de perspectives pour comprendre et agir sur la photographie contemporaine.

 

Références bibliographiques (sélection francophone)

•             Azoulai, A. La photographie, l’image et la société. Paris, CNRS Éditions, 2015.

•             Barthes, R. La Chambre claire. Paris, Gallimard, 1980.

•             Couchot, E. La technologie dans l’art. De la photographie à la réalité virtuelle. Nîmes, Jacqueline Chambon, 1998.

•             Couchot, E., Hillaire, N. L’art numérique. Paris, Flammarion, 2003.

•             Dubois, P. L’acte photographique. Bruxelles, Labor, 1990.

•             Flusser, V. Pour une philosophie de la photographie. Paris, Circé, 2004.

•             Manovich, L. Le langage des nouveaux médias. Dijon, Les Presses du réel, 2010.

•             Rouvroy, A., Berns, T. Gouvernementalité algorithmique. Réseaux, 2013.

•             Sontag, S. Sur la photographie. Paris, Christian Bourgois, 1979.

 

Consignes de présentation : 

La présentation au cours de ces journées, pourra être de la pratique individuelle ou collective d’un ou plusieurs artistes chercheurs, ou d’un théoricien et d’un artiste professionnel associés dans la recherche portant sur la création de la photographie numérique à l’ère de l’IA, ou encore d’un chercheur explorant le monde des visuels numériques en rapport avec le domaine de l’IA, mettant en valeur la créativité humaine face à la co-production de la machine.

 Calendrier :

Les journées scientifiques auront lieu à Sfax (Tunisie), le 15, 16 et 17 avril 2026

  • 05/02/2026 : soumission des résumés des Interventions (environ 800 mots, accompagnés d’une bibliographie et d’une brève biographie). L’intervenant doit préciser s’il vise présenter un article court (7500 signes, espaces compris) ou un article long (30 000 signes, espaces compris).
  • 05/02/2026 : Inscription des Participants dans les compétitionset les expositions. Le formulaire d'inscription sera bientôt disponible sur notre site.
  •  15/02/2026 : Notification aux auteurs des résultats de l’évaluation.

Les actes de ces journées seront publiés dans un ouvrage scientifique collectif après une évaluation et sélection scientifique.


Modalités de soumission :

Le résumé d’une communication ne doit pas dépasser les 800 mots. Chaque résumé comporte : l’axe d’intervention, le titre, le nom et le prénom, l’affiliation, 5 mots-clés, une bibliographie et une brève biographie (500 caractères).

- Langues de soumission : Arabe, Français, Anglais.

- Deadline d’envoi des résumés : 05 février 2026.

- Les résumés doivent être envoyés au format Word (.docx)  
- Adresse électronique d’envoi :  jpnia.contact@gmail.com

Responsables des Comités

     - Idée présentée par KOLSI Rania : MA. Université de Gabes

 ·         Responsable de la coordination générale

o   DAMMAK Wafa : Maitre-assistante, Université de Sfax.

 ·         Responsables du comité scientifique  

o   GARGOURI Faïez : Professeur d’enseignement supérieur, Université de Sfax.

o   TURKI Ramzi : MC-HDR, Université de Sfax.

 ·         Responsable du comité de lecture

o   GHARSALLAH Wissem : Maitre-assistant, Université de Tunis.

 ·         Responsable du comité d’organisation

o   KOLSI Rania :  Maitre-assistante, Université de Gabes

 

Membres des Comités

·         Membres du comité scientifique : 

o   ABDELKEFI Hédia : Professeur émérite d’enseignement supérieur, Université de Tunis.

o   BEN AMEUR Fetah : Professeur des Universités, Université de Sfax.

o   GARGOURI Faïez : Professeur d’enseignement supérieur, Université de Sfax.

o   HADRICH BELGHITH Lamia : Professeur des Universités, Université de Sfax.

o   LOUMI Hatem : MC-HDR, Université de Sfax.

o   MAHDI Walid, Professeur des Universités, Université de Sfax.

o   SAFTA Moez : Professeur d’enseignement supérieur, Université de Tunis.

o   TURKI Ramzi : MC-HDR, Université de Sfax.

o   WELI Ali : MC-HDR, Université de Sfax.

o   ZAGHDEN Yosra : MC-HDR, Université de Sfax.

 ·         Membres du comité d’organisation :

 o   BEN HAMOUDA Kamel : Maitre-assistant, Université de Gabes.

o   CHAIBI Zakaria : Maitre-assistante, Université de Sousse.

o   HADHRI Yassmine : Maitre-assistante, Université de Sfax.

o   KHARRAT Ahmed : Maitre-assistant, Université de Sfax.

o   MAALEJ Donia : Docteur, Université de Sfax.

o   OUERGHI Emna : Docteur, Université de Jandouba.

o   SMARI Dalel : Maitre-assistante, Université de Gabes.

o   ZLITNI Tarek : Maitre-assistant, Université de Sfax.