Le séminaire « Avant/Après Derrida », qui se tient à l'ENS tous les premiers mardi du mois, organise une journée d'étude le lundi 8 juin pour clore son année, autour du thème :
« Derrida hors-texte ».
Si en 1967 « Il n'y a pas de hors-texte », que fait Derrida lorsqu’il discute d'images, d’œuvres ou encore de processus politiques ? Nous souhaiterions interroger le sens du texte, la possibilité ou non de son extériorité et, plus précisément, ce que fait Derrida lorsqu'il ne lit pas, à proprement parler. Bien sûr, le hors-texte au sens strict, « littéraire », est encore « texte général », en tant que système de renvois signifiants. Comme le dit Derrida à propos des œuvres d'arts,
« […] même s’il n’y a pas de discours, l’effet de l’espacement implique toujours déjà une textualisation. Pour cette raison, l’élargissement du concept de texte est ici stratégiquement décisif. Ainsi, les œuvres d’art dont le silence est le plus accablant ne peuvent éviter de se laisser prendre dans un réseau de différences et de références qui leur donnent une structure textuelle »[1]
Pour autant, ne peut-on pas s'attarder sur cette différence ? Que se passe-t-il quand le philosophe s'intéresse à l'art, le pratique, le matériel, à tout ce qui ne semble pas être strictement un texte comme articulation de symboles portant un sens ? Autrement dit : y a-t-il une ou plusieurs déconstructions ? Une déconstruction du hors-texte est-elle seulement possible ? Et puis, n'y a-t-il que de la déconstruction chez Derrida ? Ne faudrait-il pas au contraire admettre une reproblématisation radicale de ce que signifie la déconstruction lorsqu'elle s'intéresse à ce qui ne se déploie pas dans le langage ? Si déjà, peut-être, la grammatologie ouvrait à tous les autres traits que scripturaux, trouvait dans le trait scriptural tous les autres traits trahissant le sens, comme traction vers la « transparence de la signification pure » [2] – l’art traversant ainsi l'écriture, la transperçant – nous aimerions poser, quand même, la question d’un hors-texte.
L'objectif de cette journée est d'interroger les marges de Derrida, et à le questionner en l'approchant par ses problèmes limites ou par ses frontières, c'est-à-dire ce qui interroge la pratique de la philosophie même. Sont bienvenues les propositions sur
- Le rapport entre texte « littéraire » et texte « général »
- La pluralité ou non des modes de la déconstruction chez Derrida - ainsi que ses potentiels doutes, ajustements, voire auto-critiques dans l’œuvre de Derrida
- L'art chez Derrida
- Les thèmes biographiques ou autobiographiques (l'intention de l'auteur, le contexte d'écriture), c'est-à-dire le hors-texte du texte littéraire
- La place de l'évènement (historique, politique, scientifique, etc.)
- La possibilité d'un sens hors de la médiation du langage
- Le problème du caractère tautologique de la pratique philosophique derridienne, qui passe avant tout par des commentaires de textes
On cherche à s'interroger sur les façons dont Derrida prend en charge ce qui paraît extérieur à la philosophie.
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Les propositions de communication, de 300 mots maximum, accompagnées d'un titre et d'une brève biographie de l'intervenant ou intervenante, sont à envoyer avant le 28 février à : seminaire.avant.apres.derrida@gmail.com.
Les interventions seront d'une durée de 20 à 30 minutes, suivies de 10 à 15 minutes de questions.
Les réponses seront communiquées mi-mars, et la journée se tiendra le 8 juin 2026 à l'ENS (45 rue d'Ulm, Paris). La journée aura lieu exclusivement en présentiel. Cet évènement est d'abord à destination des jeunes chercheurs et chercheuses.
Pour toute question complémentaire, vous pouvez écrire à seminaire.avant.apres.derrida@gmail.com.
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[1] DERRIDA J., « The Spatial Arts: An Interview with Jacques Derrida, with Peter Brunette and David Wills », texte repris et traduit dans DERRIDA J., Penser à ne pas voir. Les arts du visible 1979-2004, Paris, SNELA La Différence, 2013, p. 25-26).
[2] NANCY J.-L., « Ouverture. Éloquentes rayures », dans JDEY A. (dir), Derrida et la question de l’art. Déconstructions de l’esthétique, Nantes, Cécile Defaut, 2011, p. p. 20.