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Stratégies d’un polygraphe dans les lettres luso-espagnoles: Manuel de Faria e Sousa (1590‑1649)

Stratégies d’un polygraphe dans les lettres luso-espagnoles: Manuel de Faria e Sousa (1590‑1649)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Aude Plagnard)

Stratégies d’un polygraphe dans les lettres luso-espagnoles:

Manuel de Faria e Sousa (1590‑1649)

 

Lorsque, dans ses Lusiades commentées en castillan (1639), Manuel de Faria e Sousa affiche son portrait au côté de celui de Luís de Camões, auteur de la plus grande épopée portugaise, il est au faîte de sa carrière d’écrivain et déploie un vaste dispositif destiné à promouvoir son œuvre. Fécondité, variété des genres et patriotisme portugais sont les maîtres-mots d’un discours qui poursuit inlassablement l’objectif d’inscrire son auteur au premier plan de la République des Lettres luso-espagnoles de son temps.

Fécondité, puisque Faria e Sousa signa de son vivant onze ouvrages imprimés contenant chacun plusieurs tomes et laissa assez de manuscrits inédits pour permettre à son fils, Pedro, d’en tirer ensuite la publication ou réédition d’une dizaine de titres. Au total, d’après son biographe et ami Francisco Moreno Porcel, cinquante tomes, que l’on peut quantifier, provisoirement et approximativement, autour de six mille folios. L’excès est donc, pour Faria, une gageure qui s’entend dans un contexte d’émulation : faire plus que ses prédécesseurs et ses contemporains, à l’image de son ami et mentor Lope de Vega, ce dramaturge, « monstre de la nature » auquel on n’hésite pas à attribuer, non sans exagération, plus de mille pièces de théâtre.

La variété des formes pratiquées par Faria dans sa production lyrique n’a d’égal que celle des genres dans lesquels il s’illustra : genres poétiques d’abord (poésie pétrarquiste, pastorale, narrative, roman de chevalerie), histoire ensuite (chroniques, vies, mémoires généalogiques), enfin, paralittérature savante (commentaires littéraires et ouvrages d’érudition variée) ; tout en multipliant les contacts avec les dramaturges de son époque. Cette stratégie de polygraphe, destinée à la construction de sa figure auctoriale, s’efforce de prendre le pas sur la pratique professionnelle de l’écriture pour celui qui exerça toute sa vie, – quoiqu’à contrecœur – l’office de secrétaire au service de divers aristocrates : une forme d’écriture grise rarement étudiée, par laquelle il contribua à la vie de la noblesse, de la cour et des lettrés de son temps.

Patriotisme enfin parce que Faria e Sousa, Lusitanien d’origine, exerça le secrétariat auprès de nobles portugais qui servaient les Habsbourg d’Espagne. Sa profession le mena même plusieurs années en Italie et auprès de la curie romaine, en qualité de secrétaire de l’ambassadeur Manuel de Moura e Corte‑Real. Il est, à ce titre, un passeur au sein de la République des Lettres luso-castillane et, en accord avec cette position, s’érige en défenseur de la primauté du Portugal parmi tous les royaumes des Espagnes. Le bilinguisme de sa poésie en est l’un des signes, de même que le réseau de lettrés qu’il mobilise au service de la promotion de ses propres œuvres, en s’appuyant à la fois sur l’influente faction des élites portugaises réunies à Madrid et sur des auteurs et patrons influents des deux côtés de la frontière.

Dans le cadre de ce travail collectif, on se propose d’observer la stratégie de Faria e Sousa, à la fois singulière et représentative des pratiques littéraires de son temps, dont elle fournit, par le travail d’amplification caractéristique de sa personnalité, le miroir grossissant.

 

PROGRAMME

9h15 / salle Carlos Serrano    Accueil du public et petit déjeuner

9h30 – 9h45         Présentation du projet  — Introduction à la journée d’études
Aude Plagnard (Université Paul Valéry)
Joseph Roussiès (Paris 3 – Sorbonne Nouvelle)

9h45 – 11h           LA CONSTRUCTION D’UNE FIGURE LITTÉRAIRE

Modération :  Mercedes Blanco (Sorbonne Université)
Valentín Nuñez Rivera (Universidad de Huelva) : « Faria e Sousa: escrituras del yo y carrera literaria »
Simon Park (St Anne's College, University of Oxford) : « Autorrepresentação na Fuente de Aganipe »

11h15 – 12h30           ÉCRITS AUTOGRAPHES

Modération :  Roland Béhar (ENS Ulm)
Joseph Roussiès (Paris 3  — Université de Lorraine) : « La elaboración del proyecto de las Rimas varias (1623 1648): el caso de los madrigales »
Aude Plagnard (Université Paul Valéry) : « Os Lusíadas comentados e o tempo longo da história manuscrita »

14h30 – 15h45 / salle Delpy       MANUEL DE FARIA E SOUSA EN RÉSEAU

Modération :  Jean-Frédéric Schaub (EHESS)
Hélio J. S. Alves (University of Macau) : « “La poesía pintada”: as gravuras de Pedro de Villafranca e o escólio impresso de Faria e Sousa a Os Lusíadas »
Ilda Mendes dos Santos (Paris 3 – Sorbonne Nouvelle) : « Vies “bibliographiques” : itinéraires croisés de quelques lettrés portugais entre Monarchie ibérique et Restauração »

16h – 17h           Table ronde, biscuits et conclusions

 

http://poligrafaria.hypotheses.org/files/2019/03/Poligrafaria1_programme.pdf