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Séminaire GeFeM (Genre, Femmes, Méditérannée) 2012-2013, axe 1 Marginalités, conflictualités, criminalités

Séminaire GeFeM (Genre, Femmes, Méditérannée) 2012-2013, axe 1 Marginalités, conflictualités, criminalités

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Vannina Olivesi)

Si l’analyse sociologique ou historique montre comment les bouleversements vécus par des sociétés données font évoluer voire redéfinissent les liens sociaux, l’étude des marginalités permet quant à elle de repérer les marges et les failles des systèmes normatifs. Celles-ci offrent – différemment selon les sexes – la possibilité de contourner le carcan des règles instituées et produisent des figures féminines que l’on retrouve avec une certaine constance sur le temps long : femmes divorcées, adultères, prostituées, filles-mères, brigandes, émeutières, contrebandières, vagabondes, mais aussi artistes, créatrices en général, militantes féministes… Mais ces profils incarnés de la transgression n’en sont pas moins des « figures de la norme » si l’on tient compte des interactions avec l’entourage et des solidarités en jeu. De ce fait, la norme nécessite une attention renouvelée qui ne se contente pas de la définir comme oppressante, mais qui prenne aussi en compte son utilisation dans les trajectoires et les réalisations des unes et des autres.

Nous nous attacherons ainsi à comprendre la combinaison des différents registres de normes. Par une approche microsociologique, nous analyserons les ressources mobilisées par les femmes pour s’imposer sur les scènes économique, politique ou sociale en l’absence de droits reconnus, les résistances auxquelles elles se heurtent et leur manière de négocier avec les normes institutionnelles et les normes de genre qui les cantonnent dans des sphères restreintes. Ici seront questionnées les interactions entre le droit, les cultures et les pratiques transgressives avec un intérêt tout particulier apporté aux contraintes, aux conventions et aux « règles du jeu » qui encadrent les actions des hommes et des femmes. Quelles sont les lois et les normes qui font sens pour les acteurs (qu’ils s’y conforment ou cherchent à y échapper) ? Quelles sont au contraire celles pour lesquelles toute répression de la transgression leur paraît illégitime ? Pour une époque donnée, les normes s’imposent-elles de manière variable selon les générations ? L'objectif n'est pas seulement de proposer ici une description de formes transgressives liées au genre mais bien plutôt d'interroger ce qui est conçu par les individus et les groupes comme des transgressions des normes de genre et d'explorer parallèlement comment ces transgressions sont produites, négociées et vécues individuellement et collectivement.

On abordera les pratiques transgressives et les discours qui les qualifient en posant la question des trajectoires personnelles, des parcours, des mobiles, de l'inscription de ces pratiques dans des stratégies occasionnelles/ durables. Dans cette perspective, il sera utile d'interroger les reconfigurations des normes de genre éventuellement induites par ces pratiques individuelles transgressives. D'une part, comment elles participent à l'élaboration, à la négociation, à la reformulation des normes de genre ? Mais aussi, comment les pratiques transgressives participent de la re-création de nouveaux rapports à la norme pour l'ensemble des acteurs sociaux ?

Nous nous proposons de travailler sur les écarts entre les normes et les pratiques mais aussi sur la mise en oeuvre, plus difficile à cerner, de conventions tacites relevant de l’infra-institutionnel et sur les rapports entre conflits et institutionnalité (par exemple en interrogeant le concept de déviance et les définitions changeantes des notions de crime économique, crimes d’honneur, crimes sexuels). Dans cette optique, nous tenterons également de détecter les passages et gradations possibles entre le monde du licite et celui de l’illicite. Nous questionnerons le rapport aux normes des individus en prenant en compte les espaces de transmission (ou socialisation), de consolidation voire de contestation de ces mêmes normes, à savoir les familles mais aussi d’autres échelles et espaces de fabrication des individus tels que la ville, l’école, le travail, le cinéma par exemple. Ces espaces sociaux pourvoyeurs d’opportunités et de représentations où s’enchevêtrent quotidiennement différents univers de références mettent à mal les normes dominantes, notamment celles régissant les rôles sociaux de sexe et les rapports de genre. Dans ce contexte, les féminités et masculinités se maintiennent ou se modifient sur fond de tensions et de conflits quotidiens. Nous nous attacherons en définitive à interroger la manière dont les pratiques transgressives contribuent à la production d’espaces sociaux spécifiques. Enfin, nous questionnerons le traitement par la postérité des pratiques transgressives entre banalisation, condamnation, occultation  et valorisation.

Notre projet, résolument comparatiste, explorera sur le temps long (XVIe-XXIe siècles) différents espaces de l’aire euro-méditerranéenne.

Du point de vue méthodologique, nous privilégierons une approche résolument anti-systémique et praxéologique par l’exploitation des apports de la microstoria et des case studies tout en jouant sur les variations d’échelles. Nous tenterons de cheminer au plus près de certains parcours individuels d’hommes et de femmes replacés dans leur environnement social et « suivis à la trace ». Cette démarche constitue le préalable indispensable à un travail de repérage des solidarités et des réseaux en même temps qu’à une réflexion sur la notion même de stratégies – individuelles ou collectives.

Notre projet se déclinera en 3 axes de recherches :

1. Marginalités, conflictualités, criminalités

2. Marginalités et transgressions

3. Représentations et « self representation »

 

Cette année, nous explorons le premier axe : "Marginalités, conflictualités, criminalités".

Dans les situations de remise en cause des systèmes normatifs, notamment en période de crise, les femmes des catégories populaires accèdent à la visibilité sur les scènes sociale, politique et économique dont elles sont, en principe, exclues. Transgression des normes ou recherche d’un dialogue avec le(s) pouvoir(s), la conflictualité, la violence, l’adoption de comportements « déviants » ou marginaux  constituent pour les femmes un moyen d’investir la sphère publique. En ce sens, ils sont à envisager comme des éléments structurants, voire productifs, de la société, en même temps que comme des observatoires privilégiés des modalités de la construction des identités de sexe. On s'intéressera également à la manière dont les acteurs de pratiques transgressives peuvent se constituer en entrepreneurs de norme: soit en revendiquant le caractère désirable et généralisable de leurs conceptions et de leurs postures à l'ensemble de la société, soit en imposant à l'intérieur même du cadre marginal où ils évoluent un certain nombre de règles et de normes de comportement.

 

 

15 novembre : Francesca Arena (TELEMME), « La folie puerpérale au prisme du genre entre XVIIème et XXème siècle. Les  transgressions de la maternité: marginalité et conflictualité ».

 

13 décembre : Marie-Joseph Bertini (Université de Nice), « Transgresser, disent-ils. Une approche philosophique et communicationnelle de la transgression ».

 

17 janvier : Actualité éditoriale du GeFeM.

Nicole Cadène, Mon énigme éternel, PUP, 2012.

Geneviève Dermenjian, Jacques Guilhaumou, Karine Lambert (dir.), La place des femmes dans la cité, PUP, 2012.

Renée Dray-Bensoussan (et al.), Dictionnaire des Marseillaises, Gaussen, 2012.

Karine Lambert, Itinéraires féminins de la déviance : Provence 1750-1850, PUP, 2012.

« Agency, un concept opératoire dans les études de genre ? »,Rives, n° 41, 2011.

 

14 février : Martine Lapied (TELEMME), « La conflictualité comme moyen d'expression politique pour les femmes, de l'Ancien Régime à la Révolution : des pratiques "normales" vues comme transgressives ? »

 

20 mars : Journée d’études « Genre et marginalités : regards croisés »

 

11 avril : Karine Lambert et Anne Montenach (TELEMME), « Genre et criminalités, XVIIIe-XIXe siècles »

 

16 mai : Laura TALAMANTE (California State University), « Ce n’est pas le genre mais les politiques: Les transgressions des femmes pendant la Révolution à Marseille »

 

20 juin : Caroline Mackenzie (TELEMME), « Devenir ‘hors-la-loi’ pour survivre: stratégies, transgressions et représentations des femmes latino-américaines (1950-2010) »