Actualité
Appels à contributions
Pour une poétique du rap (Montréal)

Pour une poétique du rap (Montréal)

Publié le par Marc Escola (Source : Sarah Abd El-Salam)

Appel à communications

Colloque Pour une poétique du rap

7 et 8 septembre 2017

Centre de recherches interdisciplinaires en études montréalaises (CRIEM), Université McGill et Université de Montréal

 

Né aux États-Unis au début des années 1970 et résonnant déjà à travers le monde à partir des années 1980 et 1990, le rap est la manifestation discursive, certains diront poétique, de la culture hip-hop. S’inscrivant dans un long héritage afro-américain (du griot africain au Black Arts Movement en passant par la Renaissance d’Harlem), le hip-hop émerge dans les ghettos étatsuniens en réponse à un contexte sociopolitique précaire caractérisé par la discrimination raciale. La visée contestataire et dénonciatrice du mouvement marque ainsi profondément le rap, qui devient rapidement l’expression par excellence de l’injustice inhérente aux ghettos. Le genre gagne alors une notoriété internationale et, partout où il est exporté, il connaît des mutations pour s’adapter à certaines préoccupations locales. En France, par exemple, il interroge notamment l'héritage postcolonial et les disparités socioéconomiques qui se manifestent dans les banlieues. Au Québec, encore – où il se déploie surtout dans les centres urbains, principalement dans la grande région de Montréal et dans la ville de Québec –, le rap tend traditionnellement à explorer les questions linguistique et identitaire.

Ces enjeux sociopolitiques du genre, certes de taille, occupent une place centrale dans le champ critique consacré au rap, où les approches sociologique et culturelle dominent encore (on pensera notamment aux travaux de Tricia Rose, d’Imani Perry, de Murray Forman, de bell hooks, de Cheryl L. Keyes ou encore d’Henri Louis Gates Jr.). Majoritairement anglophones, d’une part, et escamotant souvent, d’autre part, la composante textuelle du rap, les ouvrages critiques récents offrent peu de dispositifs véritablement opérants pour l’analyse poétique du rap, qui plus est du rap de langue française. Cet état du champ rend difficile la réflexion sur la spécificité poétique du rap et sur la singularité de ses diverses manifestations régionales, en l'occurrence au Québec et à Montréal ; c’est précisément ce déficit critique que le présent colloque tâchera de pallier.

Partant du principe que le rap se compose certes d’une musique, mais aussi (et peut-être surtout) d’un texte que la critique se contente souvent d’effleurer, ce colloque visera à interroger le texte rappé comme une manifestation discursive à part entière, productrice de signifiance. Selon Henri Meschonnic, la signifiance se définit comme « l’organisation des marques par lesquelles les signifiants, linguistiques et extralinguistiques […] produisent une sémantique spécifique, distincte du sens lexical […] : c’est-à-dire les valeurs, propres à un discours » (Critique du rythme, p. 216-217). Envisagé comme une organisation signifiante, le texte rappé pourrait échapper aux analyses thématiques, souvent réductrices, et se doter d'une véritable poétique. En ce sens, ce colloque tâchera d’articuler la poétique, entendue comme la « recherche de la spécificité de la littérature », et des poétiques particulières, sondant les éléments qui contribuent au « système interne d’une œuvre, [qui font] sa cohérence et sa différence » (G. Dessons, Introduction à la poétique, p. 7-8). En somme, il s'agira non seulement de dégager une poétique plus générale du rap à partir de poétiques particulières, mais également de réfléchir aux enjeux (littéraires, poétiques, épistémologiques, voire éthiques) que pose l’élaboration même d’une telle poétique.

Nous invitons les participants à formuler leurs réflexions autour des axes suivants :

- Peut-on parler d’une spécificité du discours rappé (par rapport à la poésie ou à d’autres formes semblables comme la chanson ou le slam) ?

- De quelle manière cette spécificité (le cas échéant) permet-elle de repenser la poésie, voire la littérature en général ?

- Dans quelle mesure le texte est-il autonome (par rapport à la musique et à la performance) ? 

- Quelle place la voix et la performance occupent-elles dans une poétique du rap ?

- De quelle façon les outils d’autres approches (linguistique, pragmatique, sociologique, féministe, etc.) peuvent-ils éclairer une poétique du rap ?

- Quelles pourraient être les limites d’une approche poétique du rap ?

En quoi l'examen de poétiques particulières (qui s'intéressent au système interne d'œuvres singulières) peut-il contribuer à l'élaboration d'une poétique générale du rap ?

- En l’occurrence, comment l’analyse du rap montréalais, voire québécois contribue-t-elle de manière particulièrement fertile à la conception d’une poétique ? (étant donné le statut singulier du rap montréalais/québécois, au confluent du Canada, des États-Unis et de la France, ainsi qu’à la croisée de l’anglais et du français)

- Sur quels éléments une poétique particulière peut-elle se fonder (par exemple, l’hétérolinguisme, l’oralité,  les configurations rythmiques et sonores, etc.) ?

***

Nous vous invitons à soumettre, au plus tard le 17 juillet 2017, une proposition de communication (250-300 mots) accompagnée d’une brève notice biobibliographique à l’adresse courriel suivante : colloque.poetiquedurap@gmail.com

Veuillez noter que le colloque se déroulera à Montréal et que les communications, d’une durée de 20 minutes, devront être présentées en français.

Organisateurs : Sarah Abd El-Salam (Université de Montréal) et Xavier Phaneuf-Jolicoeur (Université McGill)

Comité de lecture : Sarah Abd El-Salam (doctorante, Université de Montréal), Catherine Leclerc (professeure agrégée, Université McGill) et Xavier Phaneuf-Jolicoeur (doctorant, Université McGill)