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Objets, œuvres, et mondes virtuels : problèmes esthétiques (Nancy)

Objets, œuvres, et mondes virtuels : problèmes esthétiques (Nancy)

Publié le par Marc Escola (Source : Vincent Granata)

Les Archives Poincaré et l'Université de Lorraine organisent une conférence autour de la question

du virtuel dans le champ de l’esthétique.

La manifestation se tiendra à Nancy les 29 et 30 janvier 2020.

Organisation :

Alexis Anne-Braun (Académie de Strasbourg), Alexandre Declos (Collège de France)

et Vincent Granata (Université de Lorraine)

 

Conférenciers invités :

  • Laure Blanc-Benon (Université Paris-Sorbonne)
  • Pierre Saint-Germier (IRCAM, Paris)
  • Sebastien Genvo (Université de Lorraine)
  • Manuel Rebuschi (Université de Lorraine)
  • Mathieu Triclot (Université de technologie de Belfort-Montbéliard)

 

Argumentaire :

Dans son acception première, le « virtuel » désigne ce qui existe en puissance ou potentiellement, plutôt qu’actuellement. Avec le développement et l’utilisation grandissante des technologies informatiques, le terme s’est trouvé employé en un sens différent, pour désigner les différentes formes de représentations rendues possibles par une interface informatique ou numérique. Ainsi, il est devenu fréquent de parler d’« objets virtuels » voire « de mondes virtuels » pour référer aux items qui peuplent les logiciels informatiques, les applications mobiles, les jeux vidéo, les simulations, ou les sites internet, par exemple. Plus récemment, la technologie de « réalité virtuelle » a permis de produire des environnements simulés et interactifs qui prétendent à un caractère toujours plus immersif, laissant même augurer la promesse future d’une réalité virtuelle entièrement réaliste et convaincante.

Ces développements technologiques n’ont pas été sans conséquence sur les arts. Ils ne sont pas, non plus, sans poser de problèmes esthétiques particuliers. Il semble en effet que des formes d’arts entières aient rapport au virtuel. Ainsi est-il par exemple des jeux vidéo, de la musique produite par des logiciels informatiques, du dessin assisté par ordinateur, « de l’art en ligne » et de nombreuses formes artistiques rangées sous la catégorie inclusive d’«art numérique» (digital art). Tous les médias artistiques, de fait, semblent pouvoir s’accommoder d’une utilisation d’éléments virtuels. Le virtuel, dans le domaine des arts, semble donc être entendu tantôt comme un mode de production (une technique particulière de production d’images), tantôt comme un mode particulier de symbolisation ou de représentation, un potentiel inédit de création, et même, un type particulier de « réalité ».

Ce colloque proposera de revenir sur les différents problèmes philosophiques posés par le virtuel, en insistant tout particulièrement sur ses enjeux et implications esthétiques. Nous invitons tout particulièrement des communications orientées autour d’un ou de plusieurs des axes suivants :

       1/ Le concept de « virtuel ». En tout premier lieu, il convient de caractériser plus précisément la notion même de « virtualité ». Si l’on peut, certes, définir comme « virtuelle » toute représentation qui en passe par un medium informatique, cette proposition doit être affinée. Il conviendrait avant tout de plus précisément distinguer cette notion de celles, potentiellement apparentées, « d’objet numérique », de « cyberespace », d’« objet interactif » ou de « simulation ». La notion de « virtualité » semble également entretenir des liens avec bien d’autres notions cruciales en esthétique, comme celles de fiction, de représentation, d’interactivité, d’immersion, et d’imagination. Comment, alors, quadriller cette notion ? Qu’est-ce que sa polysémie nous apprend?

       2/ Virtualité et réalité. Il semble assez naturel de croire que les entités virtuelles ne sont pas entièrement, voire pas du tout, réelles. Leur statut se ramènerait à celui de « fictions », « d’imaginations », voire « d’illusions ». Certains, toutefois, ont pu mettre en doute cette idée, pour défendre un véritable « réalisme numérique » à propos des virtualia (Chalmers, 2017).  Sur le plan ontologique, cela suppose d’examiner de plus près la prétention à la réalité des entités virtuelles, en spécifiant leurs conditions d’individuation et d’identité, et en considérant les relations causales que les entités virtuelles entretiennent avec des entités réelles. Parmi ces relations causales, il conviendrait peut-être d’inclure l’économie de production et de diffusion des objets et des œuvres d’art virtuels.

       3/ Virtualité et référence. Nous concevons ces journées d’étude, tout autant, comme une invitation à préciser le rôle symbolique et représentationnel des objets virtuels. Pour le dire en termes goodmaniens : comment la référence se construit-elle via la virtualité ? La référence emprunte-t-elle une voie dénotative ou exemplificationnelle ? S’agit-il d’une référence fictionnelle ? Une autre hypothèse consiste à démontrer que les objets virtuels ne se réfèrent à rien, étant non-sémiotique par définition. Seraient-ils, dans ce cas, un accomplissement inattendu de l’essence de l’image ? (Wiesing, 2010) Cette absence de visée représentationnelle a-t-elle des conséquences esthétiques remarquables ? Les objets virtuels (images, musiques, jeux-vidéos) pourraient encore représenter la réalité d’une façon inédite. Une opportunité nous serait alors offerte pour enrichir les voies déjà balisées de la référence. Ces questions doivent bien sûr être rapportées à des préoccupations épistémologiques. Le medium virtuel est-il susceptible d’apporter une contribution sui generis à la connaissance ou à la compréhension ? La réalité virtuelle est-elle un modèle pour penser le monde réel ? Que serait, sur le plan épistémologique, une réalité virtuelle parfaitement convaincante ?

       4/ Un cas paradigmatique : le jeu vidéo. Le jeu vidéo, en tant que medium artistique, est bien sûr un candidat de choix pour prendre la mesure de la signification esthétique du virtuel. Se posent ici nombre de questions fascinantes et difficiles, parmi les suivantes : quel rapport faut-il voir entre virtualité et activité ludique ? Quelles différences observe-t-on entre le jeu traditionnel et le jeu implémenté dans un medium virtuel ?  En quel sens les jeux-vidéo représentent-ils des « mondes virtuels » ? Qu’est-ce qu’emporte le fait d’agir et d’interagir dans un environnement virtuel ? A quel type d’appréciation esthétique donnent lieu les représentations virtuelles des jeux vidéo ? Que signifie l’assertion selon laquelle les récits vidéoludiques sont des « fictions virtuelles » (Tavinor, 2009) ?

       5/ Le virtuel et les arts : La portée du « virtuel » en esthétique ne se réduit évidemment pas au seul cas des jeux vidéo. D’autres formes d’art semblent par principe reposer sur la médiation d’une interface informatique, tandis que d’autres, au minimum, le permettent. Ce constat nous oblige à réfléchir les classifications esthétiques traditionnelles. Le « virtuel » est-il une nouvelle catégorie de l’esthétique ? Un principe classificatoire ? Un nouveau médium ? Comment est déterminée l’identité d’une œuvre d’art virtuelle ? A quelles conditions syntaxiques et sémantiques doit-elle également répondre ? Peut-il y avoir des contrefaçons d’œuvres virtuelles ? Celles-ci entrent-elles facilement dans la catégorie des arts allographiques ? Faut-il faire une différence entre une œuvre virtuelle et une copie ou contrepartie non virtuelle de celle-ci ? En exécutant avec un orchestre réel une musique virtuelle composée par un programme informatique, l’œuvre cesse-t-elle d’être virtuelle ? Inversement, peut-on produire une copie virtuelle parfaite d’une œuvre d’art ? Cette copie sert-elle des fonctions cognitives ? Peut-on visiter virtuellement un musée ? Exposer virtuellement une œuvre d’art ? Qu’implique la présence croissante du virtuel dans l’art sur le plan auctorial ?  Peut-on produire une émotion virtuellement ? Quelles sont les possibilités – et les limites – offertes par le virtuel à la création artistique ?

Modalités diverses

Nous prendrons en charge l'hébergement et les repas des conférenciers ; pour cette raison, le nombre de participants retenus sera limité. Les candidats doivent soumettre un argumentaire de 1000 mots maximum.

L'argumentaire devra comporter une description claire et concise de la thèse et des principaux arguments de l'exposé, qui durera 35 minutes suivi de 15 minutes de questions.

Les propositions doivent être anonymes. Elles feront l'objet d'une double lecture aveugle.

La date limite pour l’envoi des propositions est fixée au 15 décembre 2019.

Les réponses seront communiquées avant Noël.

Veuillez envoyer les propositions – ainsi que toute question relative à la conférence – à l’adresse suivante : vincent.granata@univ-lorraine.fr

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Bibliographie sélective

Benedikt, Michael (dir.), 1991. Cyberspace. First Steps. MIT Press.

Bogost, Ian, 2006. Unit Operations. An Approach to Videogame Criticism. Cambridge, MA : MIT Press.

Chalmers David, 2017. «The Virtual and the Real», Disputatio.

Goodman Nelson, 2011 [1968], Langages de l’Art, trad. par Jacques Morizot, Hachette. 

Grimshaw Mark(ed), 2014. The Oxford Handbook of Virtuality, Oxford University Press.

Hayles, N. Katherine, 2005. My Mother Was a Computer. Digital Subjects and Literary Texts. University of Chicago Press.

Heim, M., 2000. Virtual Realism. Oxford University Press.

Juul, J., 2005. Half-Real: Videogames between real rules and fictional worlds. MIT Press.

Lehmann Harry, 2017. La révolution digitale dans la musique, trad. par Mark Kaltenecker, Allia.

Lévy, Pierre, 1992. De la programmation considérée comme un des beaux-arts, La Découverte. Tavinor, J., 2009. The Art of Videogames. Blackwell.

Triclot, Mathieu, 2011. Philosophie des jeux vidéo, La Découverte.

Ryan, Marie-Laure, 2001. Narrative as Virtual Reality. Johns Hopkins University Press.

Wiesing Lambert, 2010. Artificial Presence. Philosophical studies in image theory, Stanford University Press.