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Le monde de l’art saisi au prisme de l’indistinction : art, institution & industrie

Le monde de l’art saisi au prisme de l’indistinction : art, institution & industrie

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Aline Caillet)

Le séminaire "le mond de l'art saisi au prisme de l'indistinction : art, institution, industrie" est organisé dans le cadre du programme de recherche pluriannuel « le monde de l’art à l’âge du capitalisme culturel » porté par l’axe « Esthétique et théories critiques de la culture » de l’Institut ACTE (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et en partenariat avec le Centre National de la danse à Pantin (93) 

- Responsables scientifiques : Aline Caillet (MCF HDR, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, co- responsable de l’axe « esthétique et théories critiques de la culture »), Florian Gaité (ATER, Paris 1 Panthéon-Sorbonne). 

- Comité d’organisation : Anaïs Feyeux (MCF, Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Cassandre Langlois & Ariane Fleury, (doctorantes, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ED APESA). 

Présentation 

Ce séminaire initie une réflexion critique sur les formes et les pratiques du monde de l’art, alors que sa définition apparaît aujourd’hui de plus en plus difficile à saisir pour les humanités. Pris entre indistinction (Foster), transitivité (Cometti) ou totalisation (Jameson), le monde de l’art en effet doit désormais négocier avec la confusion de plus en plus manifeste des valeurs artistiques et économiques, institutionnelles et marchandes, selon le constat posé dès 1947 par Adorno et Horkheimer avec la notion d’« industrie culturelle » développée dans Dialektik der Aufklärung (Dialectique de la raison). Sa reprise dans l’analyse critique du postmodernisme menée par Jameson cinquante ans plus tard montre que l’industrialisation des biens culturels et symboliques s’est depuis normalisée, institutionnalisée, et a même acquis une fonction centrale à l’âge du « capitalisme tardif ». Dans un système qui fait du capital le seul mode de production du rapport social, l’industrie culturelle est ainsi promue au rang d’outil d’intégration du culturel au marchand et l’institution pensée comme un de ses relais possibles, sinon privilégié. Ce recouvrement de la logique culturelle par la logique commerciale pose donc aussi de fait la question des liens d’intérêts multiples que partagent les sphères publiques et privées, particulièrement complexes à l’endroit de l’art. La constitution des institutions muséales et du marché en premières instances de validation, de légitimation et de production de l’art renforce en effet la dépendance de ce dernier à l’égard de leurs relations économiques. Pensé par l’École de Francfort dans une extériorité critique, antagoniste, au système économique, politique et social, l’art aurait-il fini par totalement se fondre en lui et par renoncer, au moins en partie, à son statut oppositionnel ? Si l’on admet qu’il soit devenu un produit de consommation comme un autre, au point que l’on ne puisse plus l’identifier à un système de valeurs propre, comment peut-il encore faire valoir une spécificité et maintenir par là-même les conditions de son autonomie ?

Cette indétermination relative des lignes de partage entre art, institution et industrie redouble également l’effacement de la « coupure esthétique » – pour parler comme Adorno – entre « cultures populaires et savantes », tout comme celles, symboliques, entre art et loisirs, art et divertissement, art et culture, également menacées par les processus d’uniformisation et d’exclusion inhérents à cette dynamique globale. La standardisation des produits de masse et la rationalisation des techniques de distribution se prêtent en effet aisément aux stratégies de démocratisation de la culture, comme à celles qui en font l’objet d’une consommation personnalisée, des enjeux désormais communs aux industries, notamment dites « créatives », et aux institutions. Force est néanmoins de constater que l’accessibilité massive des produits culturels n’a pas ouvert la voie à une émancipation collective, ni assuré la mise en œuvre d’un projet politique qui la vise. En effet, les industries culturelles n’assoient-elles pas in fine le pouvoir économique et l’acculturation des sujets par le capitalisme, plus proches d’être des produits que des sujets à parts entières ? La culture de masse à l’âge du village global ne renvoie-t-elle pas en dernière instance à une forme d’autoritarisme esthétique, rendue compatible avec les sociétés néolibérales ? En questionner aujourd’hui les idéologies latentes tend ainsi à revivifier les termes du débat posé entre la critique institutionnelle et le cultural turn à la fin des années 1960, en le confrontant à de nouveaux modes de médiation et de politique culturelles qui, alliant le clientélisme au projet éducatif dans des cahiers des charges toujours plus contraignants, œuvrent à durablement enchâsser l’artistique dans le culturel et le marchand. 

Cette indétermination affecte enfin l’organisation du monde de l’art, au prise avec la logique d’entreprise, donnant raison à la mise en garde d’Adorno contre le modèle industriel de division du travail appliqué à la culture et l’assimilation de ses méthodes d’organisation. Les nombreux transferts et emprunts terminologiques opérés entre monde de l’art et industrie (« créativité », « innovation », « flexibilité », « développement de projet »...), les « pépinières d’artistes », « startups », « fablabs », « openlabs » ou autres « incubateurs de talents », ou encore les ateliers d’artistes-entrepreneurs tels que Jeff Koons ou Damien Hirst, sont révélateurs d’initiatives qui, au-delà de la seule marchandisation des produits culturels, ne se contentent pas seulement d’appliquer à la profession les techniques de management néolibéral mais trouve dans l’art un « continent modèle » pour l’innovation et la flexibilité comme l’a montré il y a déjà bientôt vingt ans Pierre-Michel Menger. Façonnant un nouvel imaginaire de la création artistique et redéfinissant les formes de la production artistique et de son économie, elles questionnent autrement la question de l’autodéfinition du monde de l’art. Le problème se pose avec d’autant plus d’insistance, mais aussi d’ambiguïté, que cet état de fait négocie en permanence avec la revendication des artistes à sécuriser juridiquement leur statut, à être en quelque sorte considérés comme des intermittents, des ouvriers, des employés ou des chefs d’entreprise, c’est-à-dire des « travailleurs de l’art » (art workers) comme les autres. 
 
Enjeux 

Rassemblant des chercheurs en philosophie, esthétique, sciences politiques ou études culturelles comme des professionnels de l’art (artiste, militants, acteurs institutionnels...), le séminaire se pense comme un temps de travail, d’exposé et de discussion qui vise à fonder et à fédérer un groupe de recherche. 

Il entend examiner, à partir d’exemples concrets, prélevés tout autant dans le champ des arts que dans celui de l’industrie culturelle, les conditions réelles dans lesquelles sont produits, diffusés et valorisés les produits dits artistiques. Sa finalité sera de dresser un état des lieux des modalités de fonctionnement du monde de l’art, d’un point de vue économique et financier (sources de financement, modes de productions et de diffusion, relations avec le marché...), institutionnel (modalités de reconnaissance des productions artistiques, critères de validation et d’exclusion, formes et conditions de soutien aux artistes comme aux structures par les différentes instances...) mais aussi idéologiques (images et discours véhiculés par le monde de l’art) à même de nourrir sur un plan empirique les concepts d’indistinction, de transitivité et de totalisation et d’en éprouver la pertinence au regard de cet état des lieux. 

Infos pratiques 

- Le séminaire a lieu les jeudi de 18 h à 20 h 30. Il est public et ouvert à tous sans inscription. 

- Les séances du 21 octobre, 18 novembre, 16 décembre 2021 et du 27 janvier 2022 se tiendront à l’École des Arts de la Sorbonne, 47 rue des bergers, Paris 15 , en salle 250. 

- Les séances du 17 février, 17 mars et 21 avril 2022 se tiendront au Centre National de la Danse, 1 rue Victor Hugo, à Pantin (93). 

Programme 

- Séance 1. 21 octobre 21 : « Théorie critique et industries culturelles ». École des arts de la Sorbonne, Paris 15e. salle 250. 

Invité :
-Sven Lutticken, Commissaire d’exposition et professeur à la VU d’Amsterdam. 

- Séance 2, 18 novembre : « Capitalisme artiste, capitalisme esthétique ». École des arts de la Sorbonne, Paris 15e. salle 250. 

Invités :
- Olivier Assouly, Philosophe, IFM, chercheur rattaché à l’Institut ACTE
- Sophie Cras, Maîtresse de conférences en histoire de l’art, Université Paris 1, HICSA. 
 
- Séance 3, 16 décembre : « Critiques et pratiques institutionnelles ». École des arts de la Sorbonne, Paris 15e. salle 250. 

Invités : 

-Julie Pellegrin, critique et commissaire d’exposition indépendante, pensionnaire de l’Académie de France à Rome–Villa Médicis 2021-22, ex-directrice du Centre d'art contemporain de la Ferme du Buisson. 

- Philippe Quesne, metteur en scène, ex-directeur du théâtre des Amandiers, Nanterre. 

- Séance 4, 27 janvier, « Financements publics/privés : quelles différences ? ». École des arts de la Sorbonne, Paris 15e. 

Invités :
- Jean-Michel Tobelem, PAST, IREST / Université Paris 1.
- Anne Monier, docteure en sciences sociales, chercheuse à l'ESSEC. 

- Séance 5, 17 février : in progress, Centre National de la Danse, Pantin.

Invités :
- En cours 

Séance 6, 17 mars : « Statut de l’artiste : autonomie et professionnalisation ». Centre National de la Danse, Pantin.
Invités : 

- Aurélien Catin (auteur) & Emilie Moutsis (artiste-chercheuse, Paris 8, AIAC), Collectif la Buse - Laurent Jeanpierre, Professeur en sociologie et sciences politiques, Université Paris 1. 

- Séance 7, 14 avril : carte blanche au Centre National de la Danse. 

In progress.