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La partie et le tout. Les moments de la lecture romanesque sous l'Ancien Régime (volet vénitien).

La partie et le tout. Les moments de la lecture romanesque sous l'Ancien Régime (volet vénitien).

Publié le par Marc Escola (Source : L. Omacini)

La partie et le tout


L'atelier du roman de l'âge baroque au tournant des Lumières


Colloque international organisé par

Dipartimento di studi europei e postcoloniali: sezione di francesistica - Università Ca'Foscari Venezia

Seminario di Filologia francese

Scuola di dottorato in Lingue, cultura e società

Paris III-Sorbonne Nouvelle

et l'Université de Paris VIII

KU-Leuven


Venise 27-28 novembre 2008

Auditorium Santa Margherita


(Ce programme vénitien fait suite au colloque de Paris des 10, 11 & 12 sept. 2008 (coordonné par M. Escola & J.-P. Sermain, Paris 3, Paris 8, Fabula à l'ENS) et à la manifestation bruxelloise organisée les 10 & 11 octobre 2008 sur les mêmes questions par Jan Herman (KU-Leuven).



Jeudi 27 novembre 2008


14.30h: Ouverture par le doyen de la Faculté, Prof. Alide CAGIDEMETRIO

et Prof. Franco FIORENTINO (Presidente del Seminario di Filologia francese)


15h: Lucia OMACINI: Introduction au Colloque


15.30h: Jean-Paul SERMAIN, Marc ESCOLA, Jan HERMAN: Des Colloques de Paris et de Bruxelles au Colloque de Venise.


Presidence : Franco FIORENTINO (Université de Bari)


17h Benedetta PAPASOGLI (LUMSA-Roma): La "fin" de la nouvelle classique

17.30h Magda CAMPANINI (Université de Venise) : Fragmentation et unité du récit: autour de la genèse du roman par lettres


Vendredi 28 novembre 2008


Présidence : Jean-Paul Sermain (Paris 3)


9.30 Alberto CASTOLDI : « Qu'il est facile de faire des contes » : les enjeux du roman.

10 heures : René DEMORIS : Questions de partition chez Marivaux et Mouhy


11h : Chetro DE CAROLIS (Université de Rome La Sapienza): Entre la partie et le tout: le double statut de Manon Lescaut

11.30 h : Gianni IOTTI (Université de Pise): Les Lettres persanes et la fiction à rebours


Vendredi 29 novembre 2008


Présidence : Francesco Orlando (Université de Pise) :


15h : Michel DELON (PARIS 4): Quelques totalisations romanesques au tournant des lumières

15.30h Lina ZECCHI (Université de Venise) : Fables dialogiques et corps éloquents: des récits sans fin aux fins du récit. Autour de quelques formes de narration diderotienne


16.30h : Vittorio FORTUNATI (Université de Pavie): Échos du roman baroque au tournant des Lumières: les récits rétrospectifs dans L'Émigré de Sénac de Meilhan ;

17h: François ROSSET (Université de Lausanne): Journées, décamérons et romans du Manuscrit trouvé à Saragosse


18h Conclusions par Francesco Orlando


Comitato scientifico:


Marc Escola (Paris 8)

Giorgetto Giorgi (Université de Pavie)

Lucia Omacini (Université de Venise)

Arnaldo Pizzorusso (Université de Florence)

Jean-Paul Sermain (Paris 3)

Gabriella Violato (Université de Rome La Sapienza)

Abstracts:

Alberto Castoldi : « Qu'il est facile de faire des contes » : les enjeux du roman. Au début du XVIIIème siècle le roman est sans doute à considérer comme l'expression littéraire la plus innovatrice de l'époque, une véritable littérature d'avant-garde, émanation d'une nouvelle configuration sociale, qui implique un public beaucoup plus vaste et moins élitiste par rapport au passé. Tout d'abord désireux de témoigner des immenses ressources de ses nouveaux moyens d'expression, le roman privilégie l'agglomération des récits par l'emploi de la parataxe, d'où son souci, de plus en plus pressant, de parvenir à se donner une structure. Si la Princesse de Clèves constitue le résultat le plus important de cette " quête de la forme ", il appartient au XVIIIème siècle de donner les réponses les plus complexes et révolutionnaires, en déstructurant les modèles de la tradition littéraire tout en adoptant de nouveaux regards : la structure réticulaire du " roman par lettres " et la " perspective flamande " où les objets l'emportent sur l'espace.

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Chetro de Carolis : Entrela partie et le tout: le double statut de ManonLescaut. Avec L'Histoire du Chevalier des Grieux et de ManonLescaut, Prévost s'écarte, au niveau de laforme et du contenu, des modèles du roman « grec » et« baroque », pour s'aventurer dans un type de roman plus moderne.C'est entre autres la structure qui subit des transformations: les formesnarratives longues, répétitives, riches en digressions, paraissant être lefruit du hasard font place à une narration plus succincte, concentrée, linéaireet surtout unitaire.

Cette observation n'est cependantvraie que si l'on considère Manon Lescautcomme un roman autonome, comme un « tout ». Or, même si Prévostsemble l'avoir d'abord conçu ainsi, nous savons que des faits contingents l'ontprobablement amené à publier cet ouvrage en tant que septième tome des Mémoiresd'un homme de qualité. Aussi, afin derelier Manon Lescaut aux Mémoires, Prévost imagine-t-il des rapports entre les deuxhistoires et les deux textes, met-il en oeuvre une série de stratégies visant àfaire percevoir comme un complément, comme une « partie », ce qu'ilavait sans doute pensé comme une totalité.

Toutefois, après la premièreédition, ce VIIe tome « s'émancipe » des Mémoires, et ilredevient un « tout »: Prévost décide en effet de le publierséparément, avec un titre indépendant, en tant qu'ouvrage autonome. Il nerenonce pas pour autant aux adjonctions qui le relient aux Mémoires et, de fait, en conditionnent l'interprétation touten lui imposant à jamais un statut ambigu, entre la partie et le tout.

Ces flottements nous plongent àl'intérieur de l'atelier d'un écrivain conscient des problématiquesressortissant à la structure du roman. C'est à partir de ces flottements que jetravaillerai, et de ces hésitations entre une forme romanesque plus ancienne etune forme plus moderne.

Magda Campanini : Fragmentationet unité du récit: autour de la genèse du roman par lettres. Prémisse générale sur le rapportentre la partie et le tout dans les compositions épistolaires:

- d'un côté la lettre commeélément de base et unité minimale d'interaction à l'intérieur de l'échangeépistolaire, comme maillon constitutif de la chaîne dialogique écrite;

- de l'autre, l'oeuvre épistolairecomme ensemble, comme somme d'unités qui se constitue en unité globale, entotalité pourvue d'un sens.

La tension et la dialectiqueentre unité minimale et unité globale constituent l'élément fondateur desouvrages épistolaires, des recueils aux romans, dont l'unité se fonde surl'enchaînement (de plus en plus étroit au fur et à mesure qu'on passe despremiers aux seconds) de plusieurs éléments. La présence simultanée etl'interaction des deux tendances à la fragmentation et à l'unifications'inscrit donc comme une marque distinctive caractérisant les ensemblesépistolaires.

L'assomption d'une perspectivehistorique à laquelle ces considérations peuvent s'appliquer nous permettra deposer le problème de la genèse du roman par lettres, et particulièrement del'évolution du recueil en tant que suite de lettres parfois de naturehétérogène au roman en tant que construction narrative cohérente et autonome.En étudiant les recueils de lettres amoureuses et les étapes les plussignificatives de leur transformation au cours du XVIIe siècle, on pourraessayer de vérifier les combinaisons possibles des lettres dans ces ouvragesainsi que leurs modalités de condensation, dans le but de mettre en évidenceles différents degrés d'agrégation de ces matériaux épistolaires et d'éclairerle passage de la séquence sérielle à la séquence romanesque.

La convergence progressive deséléments vers un tout qui les englobe et les fait percevoir dans une visionunitaire et accomplie se réalise également à travers la réception du lecteur,ce qui ouvre une autre perspective possible d'étude, celle de l'approche dulecteur au texte.

Ouvrages analysés:

François de Rosset, Lettresamoureuses et morales des beaux esprits de ce temps, 1609; Puget de La Serre, Le Secretaire de la Cour, ou la manière d'escrire selon le temps, 1624; [Georges de Scudéry], Lettresamoureuses de divers autheurs de ce temps,Paris, Courbé, 1641; Lettres galantes, héroïques et amoureuses de M.de Pelisseri, 1658; René Le Pays, Amitiés,amours et amourettes, 1664; Edme Boursault,Lettres de respect, d'obligation et d'amour, 1669 et éditions successives; Lettresnouvelles de Feu Monsieur Bousault, 1709.

RenéDémoris : Questions de partition chez Marivaux et Mouhy. Marivaux,Prévost, Mouhy ont adopté, on le sait, un régime de publication successive pourleurs romans. On peut s'interroger chez Marivaux sur le rapport de cettepratique avec le choix de la pluralité narrative qui caractérise ses premiersromans, mais aussi ses Journaux, et quimarque un écart par rapport à l'exigence traditionnelle de l'unité de l'oeuvre,une orientation centrifuge qui tend à échapper à la tradition de l'actionunique et du personnage principal, et aux codes qu'ils mettent en jeu, dans un mouvement qui fait éclater lesfrontières d'une histoire. L'unité de l'oeuvre doit se trouver ailleurs que dansle fil narratif, ce qui se traduit par l'installation de partitions voyantes,de cloisons qu'il revient au lecteur de franchir. J'envisagerai la manière dontMarivaux a traité cette question de la partition et dont, à sa suite, lechevalier de Mouhy, dans La Mouche a élaboré un dispositif romanesqueentièrement original, qui respecte l'exigence d'unité tout en répondant audésir de surprise et d'éclatement des structures, toujours présent dans lesoeuvres de l'âge rococo. Ici et là, une contestation en action des frontièresgénériques.

Vittorio Fortunati: Échosdu roman baroque au tournant des Lumières: les récits rétrospectifs dans L'Émigré de Sénac de Meilhan. Dans le domaine du romanépistolaire, on peut appeler ‘récits rétrospectifs' ceux qui racontent desévénements qui ont eu lieu avant le début de l'histoire décrite dans le roman.Les récits ayant ces caractéristiques insérés dans L'Émigré (1797) n'ont pas uniquement la fonction de raconterles faits antérieurs. Ils élargissent le cadre spatio-temporel du roman, quiest plutôt limité, étant donné que l'action principale ne dure que quelquesmois et se déroule dans les environs de la ville allemande de Mayence. Lesrécits rétrospectifs permettent ainsi une description plus complète du contextehistorique et politique dans lequel le roman est situé: c'est grâce à eux, quel'auteur peut introduire dans son oeuvre une analyse profonde du phénomènerévolutionnaire. Sénac de Meilhan reprend donc une structure typique du romandu XVIIe siècle et l'utilise d'une façon originale et novatrice.

GianniIotti : Les Lettres persaneset la fiction à rebours. Bien que, dans les Lettres persanes, les ressorts narratifs du romanesque se situent surtout du côté de l'Orient, le protagoniste qui voyage enEurope, conçu en tant que sujet lockien qui juge par l'expérience, se trouvefinalement empêtré dans les contradictions, on ne peut plus romanesques, del'érotisme, du mensonge et de la violence. C'est-à-dire qu'il ne parvient pas àse soustraire à l'emprise de ce même univers sombre du non-sens qu'il avaitapparemment laissé derrière lui audébut du récit. Cependant, contrairement à ce qui arriverait dans un romanréaliste du XIXe siècle, le lecteur n'est pas conduit à suivre l'évolutionpsychologique d'un personnagehappé par son propre passé. Chez Montesquieu l'intrigue reflète moinsl'histoire dynamique d'une subjectivité qu'une juxtaposition mécanique entrevrai et faux, liberté et despotisme. Dans ce contexte la fictionse déclenche essentiellement à partir des dernières lettres et n'acquiert touteson importance que par un mouvement à rebours. Autrement dit, on retrouve icile topos du héros voué à l'échecà cause de ses origines à unmoment où l'économie diégétique du genre romanesque n'est pas encore projetéesur l'axe diachronique, et relève plutôt d'une opposition synchronique. En mêmetemps, ce texte capital des Lumières laisse entrevoir une conception nouvelledes relations entre structure narrative, caractérisation psychologique des personnages et idéologie.

Benedetta Papasogli : La“fin” de la nouvelle classique. L'art du dénouement ou, plutôt, de la clôture chez lesauteurs des « nouvelles » classiques – historiques ou galantes – aété envisagé par la critique sous des angles très différents. La fin de lanouvelle représente, a-t-on dit, le centre dont cette forme close, ce cercle,est en quête pour assurer sa cohérence et sa densité. Mais d'autre part, lanouvelle, de par son rapport avec le continuum de l'histoire, de par sa capacité si neuve derefléter les troubles du coeur et l'indétermination du réel, se caractérise parune ouverture du sens que d'autres genres, à la même époque, ne connaissentpas. Je me propose de sonder, à partir d'un échantillon de « nouvelles »,les stratégies narratives par lesquelles les auteurs de la deuxième moitié duXVIIe siècle parviennent, à la fois, à ménager la satisfaction du lecteur et à susciter son inquiétude(parmi ces moyens, la représentation de la temporalité joue un rôle tout à faitparticulier). La « manière de bien finir », sans effacer ce goûtd'inachèvement qui est propre à la vie, s'avère être l'une des ressourcesmajeures qui déterminent l'originalité d'un genre et son apport à la poétiquedu roman moderne.

François Rosset : Potocki et la quête dutout. LeManuscrit trouvé à Sragosse a connu une histoire particulièrement complexejusqu'à la première édition de ses sources réellement originales, en 2006. Maismême à travers ses éditions les plus lacunaires, les lecteurs se sont toujoursrendu compte qu'ils avaient affaire à une composition dont le principe centralrepose sur les rapports entre des parties potentiellement autonomes et un toutproblématique. Le dernier état de notre connaissance de ce roman montre unauteur en perpétuelle recherche d'une cohérence et d'une lisibilité dansl'agencement d'un matériau narratif foisonnant jusqu'à l'excès. Le thèmeproposé pour le colloque est donc au coeur du Manuscrit trouvé à Saragosse, maisnon pas seulement dans la perspective de la construction de l'oeuvre. Il estaussi narrativisé, à tel point qu'on peut lire les multiples histoires qui s'yenchaînent comme autant de fables déclinant le rapport de la partie au tout,depuis l'acte de création jusqu'à la réception de l'oeuvre. Les enjeux qui sedessinent sont à la fois discursifs et rhétoriques, poétiques etépistémologiques, esthétiques et anthropologiques, voire métaphysiques.

Lina Zecchi : Fablesdialogiques et corps éloquents:des récits sans fin aux fins du récit. Autour de quelques formes denarration diderotienne. Le traitessentiel de toute l'oeuvre de Diderot est sa forme dialogique, qui pénètre sesécrits et rend presque impossible leur réduction aux genreslittéraires traditionnels : essais, correspondance, articles de l'Encyclopédie, drames, contes et/ou romans mettent tous en place undispositif de captation émotive du lecteur et un rapport d'entretien infinimentcapricieux, mimant une parole orale, un contact direct avec l'instance delocution. Cette instance de locution ouverte et interminable,semble l'emporter sur les effets de clôture indispensable à laconstruction de l'univers romanesque: les récits de Diderot sont presque toujours un atelier de romans possibles, de formes en perpétuellemutation, où les corps des locuteurs contredisent les mots, où lesmarques du début et de la fin d'un roman se brouillent, dans un régime denarration discontinu. À partir des Bijoux indiscrets jusqu'aux récits des dernières années, la relation ludiqueavec le lecteur constitue aussi une véritable interrogation sur le romantraditionnel, sur sa fonction, les buts qu'il poursuit, mais aussi sur sesprocédés d'écriture.

Michel DELON: Quelques totalisations romanesques au tournant des lumières. Quel est ce tout qui se cherche et s'invente à travers des "parties", lettres et histoires secondaires, livres et chapitres, tomes et volumes? - C'est une réécriture pour effacer des disparates et se mettre "à l'ordre du jour". Louvet donne l'exemple de cette réécriture qui réorganise les volumes déjà parus pour donner un sens nouveau à l'ensemble. - C'est l'affichage d'une continuité, d'un roman à l'autre, et l'unité de
création d'un romancier qui expose la liste de ses titres. - C'est la constitution éditoriale de corpus comme le Cabinet des fées ou la Bibliothèque universelle des romans, et l'hypothèse d'un imaginaire romanesque d'époque.  En d'autres termes: un roman, un romancier, un romanesque.