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Le poète à l'âge des révolutions : figures, statuts, représentations (1780-1830)

Le poète à l'âge des révolutions : figures, statuts, représentations (1780-1830)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Stéphane Zékian)

LE POÈTE À L'ÂGE DES RÉVOLUTIONS :

FIGURES, STATUTS, REPRÉSENTATIONS (1780-1830)

Samedi 8 juin 2013

 

Journée d’études organisée à l’Université Paris I- Panthéon-Sorbonne par

 Jean-Luc CHAPPEY (Université Paris I Panthéon-Sorbonne-Ea 127 – Institut d’histoire de la Révolution française), Corinne LEGOY (Université d’Orléans-Polen)  et Stéphane ZÉKIAN (CNRS – UMR 5611 LIRE)

 

Centre Panthéon – salle 216/ 12, place du Panthéon (2e étage)

 

La charnière des XVIIIe et XIXe siècles est traditionnellement considérée comme un tournant majeur dans l’histoire de la poésie. Pratique longtemps subdivisée en différents genres, elle commence alors à devenir un genre en elle-même. Comme le résume Michel Delon, on écrivait jusqu’alors tel ou tel genre de poésie, on écrira désormais « de la poésie ». De quelles mutations cette reconfiguration discursive est-elle l’indice ? Afin de mieux comprendre la logique des diverses révolutions qui infléchissent la pratique poétique au point, peut-être, d’en redéfinir la nature, l’objectif de cette Journée d’études sera de l’envisager sous les angles complémentaires de sa très fluctuante valorisation sociale, de ses différents usages politiques, mais aussi de ses nouveaux avatars formels et matériels. On s’interrogera plus précisément sur le statut du poète et ses transformations à l’âge des révolutions.

Dès le dernier tiers du XVIIIe siècle, le crédit symbolique dont jouissent encore les poètes devient sujet à caution. en même temps que se déploie un vaste discours, ironique, sur la manie poétique qui s’emparerait de tous. Si l’on en croit Paul Bénichou, la Révolution française n’honore les poètes que dans la mesure où ils subordonnent leur art aux nécessités du jour : la dignification passe alors par l’instrumentalisation et l’évaluation d’une rentabilité politique immédiate. À partir du Directoire et jusque sous l’Empire, certains hommes de lettres s’inquiètent à grand bruit d’une supposée démonétisation sociale de la poésie. + d’un asservissement des poètes, réduits au rang de vils flatteurs. La nouvelle organisation de la sociabilité académique ne pouvait d’ailleurs qu’alimenter de telles craintes. Fondé en 1795, l’Institut, fleuron de l’épistémologie directoriale, reçoit dans un premier temps peu de poètes. Ceux qu’il accueille sont relégués dans une étroite section de la dernière de ses trois Classes. Sur un plan au moins symbolique, cette situation est parfois interprétée comme un signe funeste des temps nouveaux. Le déclin de la poésie semble alors faire écho à la décadence politique, sociale et culturelle.

On se gardera toutefois de croire sur parole les Cassandre de tous bords. Il n’est en effet pas certain qu’une observation attentive de l’espace public corrobore cette vision alarmiste qui, particulièrement présente sous la Consulat et l’Empire, tend à disparaître sous la Restauration qui semble annoncer voit une revalorisation autant de la figure du poète que du genre poétique. Tandis que se multiplient, notamment dans les rangs contre-révolutionnaires, les déplorations sur la désaffection de la poésie et la suprématie symbolique des sciences de la nature, quelle place les journaux accordent-ils réellement aux productions poétiques ? Quel succès rencontrent les périodiques spécialement dédiés à la poésie comme L’Almanach des muses ou Les Veillées des muses ? Outre la question de leur visibilité sociale, un bon indicateur de la situation faite aux poètes pourrait encore être fourni par l’étude des pensions et autres gratifications qui leur sont octroyées par les pouvoirs successifs ou par la visibilité éditoriale conférée à la poésie dans les journaux, les dictionnaires ou les recueils d’ouvrages.

Les bouleversements politiques qui ponctuent le tournant des Lumières et participent à « l’invention du XIXe siècle » ne restent évidemment pas sans incidence sur la pratique poétique. On a souvent souligné que les formes traditionnelles, mises à mal tout au long du XVIIIe siècle, avaient cédé du terrain pour finalement laisser place à l’épanchement public d’une intériorité décomplexée. Cette évolution soulève des questions encore insuffisamment éclaircies et sur lesquelles il sera utile de revenir. La part prépondérante faite à l’inventivité subjective aux dépens des cadres hérités relève-t-elle seulement de l’histoire des formes et des genres ? Comment penser, au fil de l’événement révolutionnaire, la relation entre poésie et régime des émotions ? Peut-on tracer un lien entre l’affirmation du sujet politique et l’émergence de formes poétiques inédites ? Bientôt revendiquée par certains romantiques, l’analogie entre la nouvelle impulsion lyrique et l’émancipation du sujet démocratique est-elle déjà formulée à la fin du XVIIIe siècle ? Si oui, l’est-elle en bonne ou en mauvaise part ? Pourquoi l’histoire littéraire a-t-elle si longtemps négligé les poètes qui, à l’image d’un Michel Cubières, furent à la fois politiquement progressistes et littérairement anticlassiques ? Cette Journée d’études sera l’occasion d’explorer les angles morts d’une historiographie plus attentive au néoclassicisme progressiste et aux contre-révolutionnaires (qu’ils soient classiques ou romantiques) qu’aux tentatives d’émancipation simultanément politique et littéraire L’idée selon laquelle la sacralisation du Poète procède nécessairement d’une « révision » de la foi révolutionnaire (selon le mot de Bénichou) pourra être réexaminée à l’appui d’une œuvre comme celle de Bonneville.

Cette Journée d’études devrait en effet permettre de revenir sur la thèse, bien connue, d’un sacre de l’écrivain dans la France du XIXe siècle naissant. Quelles sont au juste les instances de reconnaissance et de légitimation du poète (quel rôle, par exemple, jouèrent les journaux et les dictionnaires historiques dans ce processus) ? Qui consacre quelle poésie ? Afin de ne pas relayer une représentation littéraire de la littérature (et, en l’occurrence, une appréciation des poètes par eux-mêmes), on s’emploiera à élargir la gamme des sources mises à contribution. Dans un contexte général de transformations profondes des savoirs, on s’interrogera particulièrement sur les instances de consécration du poète. Dans ces lieux de reconnaissance par excellence que sont l’Institut et les Académies, comment se répartissent les places et comment sont arbitrées les éventuelles luttes de préséance entre les poètes et les savants ? Au-delà des questions de reconnaissance sociale, le rapport des poètes aux sciences de leur temps remet en question le périmètre même de l’activité poétique.

En 1808, Marie-Joseph Chénier peut ainsi consacrer à la poésie didactique un chapitre à part entière de son Rapport sur l’état des Lettres. En elle-même incontestable, la grande vogue de la poésie scientifique ne suffit pourtant pas à faire oublier les contestations qu’elle suscite : en se donnant pour charge de populariser les dernières découvertes des savants, en traduisant agréablement des vérités conquises hors de leur juridiction, les poètes ne se condamnent-ils pas à un rôle secondaire ?

La question des supports appellera aussi plusieurs développements. On sait qu’à l’issue d’un XVIIIe siècle au cours duquel les succès poétiques se remportaient davantage en société qu’en librairie, l’ère nouvelle vit se banaliser une production écrite propice au développement d’un véritable marché poétique. Il n’en demeure pas moins que la poésie reste une pratique sociale encore massive au début du XIXe siècle. Pratique encore largement méconnue et qu’il conviendra ici de remettre en lumière en prenant en considération les transformations profondes qui caractérisent autant le monde de l’imprimé que celui des institutions intellectuelles entre 1789 et 1830. Cette rencontre entre historiens et littéraires doit permettre d’approfondir l’étude des relations entre mouvements politiques et dynamiques intellectuelles.

 

PROGRAMME

 

Matinée

09h00 – Accueil des participants

09h15 : Introduction par les organisateurs

09h45 : Philippe BOURDIN (Clermont-Ferrand), « Les poètes de la Révolution en recueil. Essai d’approche sérielle »

10h15 : Stéphanie GENAND (Rouen / IUF) : « Le silence poétique de Coppet : autopsie d'un genre invalide chez G. de Staël et B. Constant ».

10h45 : Discussions/Pause

11h30 : Guillaume PEUREUX (Paris Ouest) et Jean-Luc CHAPPEY (Paris I) : « Poètes en quête de sacre ? La poésie dans les concours académiques sous l’Empire » 

12h00 : Gérard GENGEMBRE (Caen) : « De la révolution politique à la révolution poétique».

12h30 : Discussions

Après-midi

 

14h30 : Catriona SETH (Nancy II) : « Immortel ! Parny et/à l'Institut »

15h00 : Nicolas WANLIN (Arras) : « Le statut du poète didactique entre 1780 et 1830 »

15h30 : Jean SALVAT (Clermont-Ferrand), « Le Parnasse des bibliothèques des nobles émigrés. Remarques sur la consécration domestique du poète à l’âge des révolutions (1780-1830) ».

16h00 : Éric AVOCAT, « De Figaro à Pinto. Comment naissent les révolutions ».

16h30 : Discussions

17h15 : Table ronde avec Michel DELON (Paris IV), Pierre SERNA (Paris I) & Alain VAILLANT (Paris Ouest)