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L'insuccès littéraire. Faire et défaire (Nancy)

L'insuccès littéraire. Faire et défaire (Nancy)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Pascale Mougeolle)

L’insuccès littéraire. Faire et défaire

Colloque international – Université de LORRAINE, Nancy – EA 7305 LIS

04 juin et 05 juin 2020

 

 

Appel à communications

L’ambition de ces tables rondes est d’accueillir des analyses tournées vers l’insuccès du texte littéraire qui en expliciteraient les causes. Il s’agirait d’examiner à la lumière des théories de la réception les raisons pour lesquelles une œuvre littéraire ne rencontre pas, ou plus, le public escompté, alors même que sa qualité littéraire ne serait pas la principale motivation de ce rejet[1]. Cela sous-entend de définir l’insuccès, de distinguer ses degrés et ses formes, d’observer le rôle de la censure et/ou des choix éditoriaux, de replacer le texte dans des problématiques sociales, historiques et littéraires ou éditoriales.

Les études critiques se préoccupent de la fortune d’une œuvre, s’attachent à démontrer sa valeur et son originalité esthétique, explicitent des modes de fonctionnement générique, comparent des démarches et des stratégies d’écriture, observent des postures. Elles délaissent plus souvent des auteurs de la « marge » que l’histoire générique a déclassés, que les différents lectorats ont mis à « l’index ». Or il y a dans l’insuccès littéraire, lorsqu’il n’est pas motivé et légitimé par la valeur intrinsèque de l’œuvre examinée, des facteurs qui peuvent surprendre le chercheur et qui tiennent à la place de cette œuvre singulière dans l’histoire littéraire.

On peut observer l’influence déterminante de phénomènes normatifs, qu’ils tiennent aux codes génériques, à la surreprésentation du chef d’œuvre qui requalifie ces textes mis à l’écart[2], ou à un contexte littéraire qui se prête peu au champ d’action de l’œuvre même. C’est ainsi la stratégie d’écriture qui est mise à mal par des facteurs externes.

La relation établie entre l’auteur et son public paraît parfois interdire le faire efficace et obliger au défaire. Elle est en effet tributaire de l’horizon d’attente du lecteur et ne peut s’abstraire de cette contrainte qu’elle délaisse pourtant, et souvent malgré elle : le texte est arrivé à un moment inopportun en quelque sorte, trop tôt ou trop tard, et il a été dépassé, oblitéré par la gloire de ses successeurs qui ont pu profiter, au passage, de ces innovations, ce qui se lit de Tassoni à Gide. Parallèlement, certains textes ont pu être démotivés par la distance et comme le montre Dantzig, perdre de leur force initiale, à l’image du Grand Cyrus de Madeleine de Scudéry qui, après avoir régné sur le grand siècle, a peu à peu été délaissé.

Le positionnement de l’œuvre dans l’histoire littéraire n’est pas suffisamment affirmé pour éviter que l’œuvre ne soit considérée comme une fausse route. Cette fois, l’auteur a commis l’erreur, par exemple, de ne pas choisir le genre littéraire qui conviendrait à sa démonstration esthétique et argumentative. La Henriade de Voltaire en serait l’illustration car elle défend des convictions politiques et sociales qui s’accordent mal du genre qui les reçoit. Plus que le positionnement littéraire, c’est parfois la légitimité de l’auteur qui paraît faire défaut. Autrement dit, à côté de la littérature de dépit qu’illustrent Des Réputations littéraires de Paul Stapfer, qui rencensent les raisons de la mise à l’index, se trouve une littérature opprimée par des potentats locaux ou par des lois opaques et subjectives qui parasitent sa possible ascension, en opérant une sélection arbitraire.

Ce colloque aurait donc comme ambition de démonter les mécanismes d’un insuccès en le reliant à l’horizon d’attente d’un public déterminé, à la fusion des horizons également. Il est ouvert à des études en littératures française, comparée ou étrangère, sans limites de siècles ou de pays.

Pour cette raison, les orientations du travail pourraient être celles-ci :

Déterminer des lois qui agissent contre la liberté de l’œuvre littéraire : lois sociales, culturelles, esthétiques ; rivalités, pressions politiques, contraintes génériques, éditoriales etc. 

S’interroger sur la relation auteur-public : les auteurs mal aimés ; les différents publics en diachronie et synchronie ; la réhabilitation ou l’oubli ; la reprise ou refonte du texte.

Repérer les ambiguïtés du positionnement des œuvres, dans une tradition, une école de pensée, qui les placent d’emblée dans ce qui peut être considéré par le lecteur comme une erreur, au sens étymologique. Chemin de l’écart, double voie, trajet rétrograde.

Quatre tables rondes seront organisées sur les problématiques suivantes

Institutions et insuccès littéraires : index, censure de toute nature, désherbage, financement délicat

Réception et insuccès : rencontre public lecteur, modes, traditions.

Horizon d’attente et insuccès : temporalité, vieillissement.

Voies de l’écart : erreurs, marges, exceptions, cas, contre-exemples et insuccès.

L’approche d’une telle question n’étant pas exclusivement littéraire, on recevra des propositions liées à la fortune d’un texte, aux réputations, aux modalités éditoriales qui gouvernent succès et insuccès, aux conséquences de l’échec artistique.

Les communications, dont la durée est limitée à 10 mn, aborderont l’une des thématiques au choix et elles seront suivies d’un débat ouvert également à la salle. Dans ce cadre, des professionnels du livre invités à ce colloque pourront contribuer à élargir les perspectives d’étude.

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Comité d’organisation :

Sylvie Camet, Pascale Mougeolle

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Comité scientifique :

Claire Badiou-Monferran, Sylvie Camet, Florence Fix, Alain Génetiot, Rachel Monteil, Pascale Mougeolle, Florence Naugrette, Francine Wild, Enrica Zanin.

EA 7305 LIS Littératures, Imaginaire, Sociétés, axe« SCILEX ».

Lieu : Université de Lorraine, Nancy, CLSH

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Soumission des propositions :

Les propositions de communication (35000 signes espaces comprises) seront assorties de quelques éléments bibliographiques, d’une brève notice biographique de leur auteur(e) et envoyées avant le 15 novembre 2019  aux deux adresses suivantes :

sylvie.camet@univ-lorraine.fr

pascale.mougeolle@univ-lorraine.fr

Le colloque donnera lieu à la publication d’actes et le débat, à une mise en ligne.

 

 

 

 

 

[1] Voir Comment améliorer les œuvres ratées, Pierre Bayard, Éd. Minuit, coll. Paradoxe, 20009, 172 p. L’auteur y examine les causes principales des échecs scripturaux, à la lumière de cinq textes de grands auteurs ; elles tiennent principalement à un projet initial défaillant, au choix d’un genre mal adapté à son auteur, au rythme de l’œuvre et au moment de la carrière.

[2] À propos des chefs d’œuvre, Charles Dantzig, Grasset, Paris 2012, 275 p. Le chef d’œuvre ne répond à aucun critère et pour cette raison, ne peut être reproduit. C’est l’irruption d’une sorte d’absolu.