
Appel à communications
"Du postmodernisme au posthumanisme. Littérature et cinéma latino-américains"
Colloque international organisé par
l'Université de Paris (Diderot-Paris 7)
En partenariat avec :
Association Image et Parole
4 et 5 juin 2020
Université Paris Diderot-Paris 7 (5 rue Thomas Mann, 75013)
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Responsable :
Carlos Tello
CERILAC, Université Paris Diderot-Paris 7
Université Paris-Est Créteil
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Comité scientifique (par ordre alphabétique)
Karim Benmiloud, professeur en Littérature latino-américaine, Université Paul Valéry, Montpellier 3 - Recteur de l’Académie de Clermont-Ferrand
Catherine Coquio, professeure en Littérature comparée, Université Paris Diderot-Paris 7
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Appel à communications :
Suite à la journée d’étude « Le Temps du posthumain ? » qui s’est tenue à l’Université Paris Diderot-Paris 7 et à Bétonsalon – Centre d’art et de recherche le 2 juin 2017, il s’agit de poursuivre la réflexion autour du posthumanisme et ses représentations littéraires et cinématographiques, cette fois-ci en Amérique latine.
I.
Le posthumanisme prend forme à travers une sorte de système de discours – développés principalement à partir des années 1950 – de types et genres différents, idéologique, technoscientifique, politique et littéraire, qu’il faut tenter de différencier et articuler pour comprendre les implications de son entrée dans le champ épistémologique. Il est possible de distinguer six de ces discours, qui se croisent parfois ou se superposent :
Transhumanisme : idéologie qui annonce une « amélioration » physique et psychique de l’être humain par la technologie, voire la suppression du corps et la fin de la mort.
Singularité : discours qui annonce un développement de l’intelligence artificielle et son dépassement de l’intelligence humaine.
Cyberpunk : sous-genre de la science-fiction qui représente un dystopie sociale, politique et technologique dans un futur proche.
Transgression des frontières : entre l’humain et l’animal, entre l’humain et la machine, de la perception du réel et du virtuel, ou bien mise en question de l’identité et du rôle de l’être humain dans sa relation avec l’autre non-humain.
Abhumanisme, antihumanisme hiérarchique, antihumanisme pessimiste : discours critiques de l’humanisme qui proposent : abhumanisme, une communauté élargie et non-hiérarchique entre humains et non-humains (le véganisme, l’écologisme radical, etc.) ; antihumanisme hiérarchique, l’égalité politique et matérielle au sein de la communauté humaine par la critique d’un humanisme euro-centré et masculin (discours antiracistes, post-colonialistes, féministes, etc.) ; antihumanisme pessimiste, qui oppose à l’espoir et la foi humanistes le pessimisme comme alternative critique (voir, par exemple, la Lettre sur l’humanisme de Martin Heidegger, ou la critique d’un « humanisme de la marchandise » de Guy Debord dans « Le Déclin et la chute de l’économie spectaculaire-marchande »).
Post-apocalypse : discours sur la possibilité d’un « après » à la fin de l’humanité comme espèce qui vit sur Terre (par la destruction du monde due à des causes religieuses, surnaturelles, des accidents ou des erreurs humaines), ou bien à « la fin de l’homme » ou d’un humanisme comme modèle d’organisation sociale.
Ces discours interrogent une sorte d’état actuel de l’humanité à l’horizon de ce qu’elle pourrait devenir – où est en train de devenir – en conséquence, d’une part, des transformations produites par les avancées technoscientifiques, mais également, d’autre part, des mouvances sociales et politiques.
II.
Selon la périodisation de la narrative latino-américaine proposée par Donald L. Shaw (Nueva narrativa hispanoamericana), la période du Boom des années 1960 et 1970 (Julio Cortázar, Carlos Fuentes, Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa) aurait été suivie par celle du posboom, développée pendant les années 1980 (Isabelle Allende, Antonio Skármeta, Ángeles Mastretta, etc.) en se différenciant significativement du Boom. Puis, une période postmoderne aurait eu lieu, à partir des années 1990 (Salvador Elizondo, Ricardo Piglia, Severo Sarduy, etc.), à laquelle on pourrait associer, paradoxalement, une intensification parfois radicale de certaines tendances anti-réalistes ou anti-mimétiques déjà présentes dans le Boom.
Vis-à-vis de cette périodisation, deux éléments sont à considérer. Le premier : si le posboom est un phénomène strictement latino-américain et littéraire, car il répond à un phénomène également latino-américain et littéraire (le Boom), la période postmoderne quant à elle signifie une sorte d’inscription et d’alignement avec les mouvances européennes et étatsuniennes, non exclusivement littéraires. Le deuxième, si comme l’affirmait en 1997 l’écrivain américain John Updike, commentant le roman Night Train de l’anglais Martin Amis, « les jeunes ne parlent plus de postmoderne mais de posthumain »[1], il semblerait pertinent d’étudier l’entrée des discours du posthumanisme et de leurs représentations dans les lettres latino-américaines à partir de cette période postmoderne.
III.
Le rôle du cinéma est indéniable dans la divulgation et assimilation par le plus grand nombre des discours et manifestations du posthumanisme.
Dans l’histoire du cinéma ces représentations datent des premiers jours du xxe siècle (Homunculus d’Otto Rippert, 1916 ; L’Uomo meccanico d’André Deed, 1921 ; Metropolis de Fritz Lang, 1927 ; Frankenstein de James Whale, 1931, etc.). Elles connaissent une apogée dans les années 1950 grâce au développement de la science-fiction aux États-Unis (The Day the Earth Stood Still de Robert Wise, 1951 ; Forbidden Planet de Fred M. Wilcox, 1953, etc.) et depuis n’ont pas cessé de se multiplier (David Cronenberg), et cela dans un intérêt qui dépasse largement le cas d’un genre précis comme celui de la science-fiction (Alphaville de Jean-Luc Godard, 1965 ; Seconds de John Frankenheimer, 1966 ; Le Sacrifice d’Andreï Tarkovski, 1986 ; Le Temps du loup de Michael Haneke, 2003 ; Le Cheval de Turin de Béla Tarr, 2011 ; Holy Motors de Leos Carax, 2012 ; Il est difficile d’être un dieu d’Alexeï Guerman, 2013 ; Sayōnara de Kōji Fukada, 2015, etc. Voir également : Carlos Tello, « Images du posthumain. Un cinéma posthumaniste »).
Il s’agit donc, au-delà d’une constatation de la présence des discours et manifestations du posthumanisme dans des films latino-américains, de considérer le posthumanisme dans sa dimension épistémologique, de le concevoir moins comme un filtre que comme un horizon de visionnage et un outil de réflexion.
On voudrait ainsi poser le problème en distinguant trois approches :
1. Représentations des discours ou des thématiques du posthumanisme dans la littérature latino-américaine à partir des années 1990.
2. Représentations des discours ou des thématiques du posthumanisme dans le cinéma latino-américain (sans période chronologique précise).
3. Rapports entre la littérature et le cinéma latino-américains à travers une perspective posthumaniste.
Les propositions de communication (500 mots max., en français), et une bio-bibliographie doivent être envoyées à l’organisateur (carlosetello@gmail.com) avant le 29 février 2020.
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[1] « Young people […] are talking no longer about the postmodern but the post-human. » John Updike, « On the Edge of the Post-human. Night Train by Martin Amis. 147 pp. Jonathan Cape, 1997 », in More Matter. Essays and criticism, London, Hamish Hamilton, 1999, p. 364-365.