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Kaddish des mouches : jeudi en résidence avec Olivia Tapiero

Kaddish des mouches : jeudi en résidence avec Olivia Tapiero

Publié le par Mihai Duma (Source : Fondation Jan Michalski)

Le 9 octobre 2023, le Ministre de la défense israélien Yoav Gallant affirme que le peuple palestinien est constitué d’« animaux humains » qu’il s’agirait de traiter comme tels, entamant l’accélération d’un génocide. Dans le cas de la Palestine, la comparaison avec des insectes, « poux » ou « moustiques », est récurrente. Ces parallèles, rouages d’une structure discursive et militaire meurtrière ancienne, se rapprochent notamment de la propagande du Troisième Reich, où régnait la rhétorique de la vermine à l’égard du peuple juif.

Car contrairement aux mammifères, les insectes sont, dans l’imaginaire collectif, indifférenciés : ils n’ont pas de personnalités propres, pas de visages. Ils forment une masse anonyme, terrifiante et pullulante, qui risque d’envahir le corps de la nation. Si l’animalisation, constitutive d’une forme d’impérialisme racial, précède la déshumanisation qui permet la conquête et l’esclavage, l’insectification est un stade dernier d’animalisation, un stade qui précède la mise à mort.

Avec le projet Kaddish des mouches, Olivia Tapiero, écrivaine juive et arabe née sur le territoire non cédé de Tiohtià:ke (Montréal), se penche sur la manière dont le fascisme affecte le langage, lui coupe son souffle. En puisant des syntaxes dans les discours politiques contemporains et passés, ainsi que dans des études entomologiques datant du XIXe siècle (époque où le racisme scientifique se coagule), elle rédige une prière pour les morts en même temps qu’une méditation sur le fait d’en être témoin. Le Kaddish des mouches est aussi un monologue incantatoire, dont la syntaxe se brise pour devenir rythme et mouvement sonore, la musicalité étant elle-même l’« insecte » de la littérature, ramenant le sens au son, donnant matière à la raison tout en menaçant ses contours.

Olivia Tapiero est une écrivaine, traductrice et musicienne, vivant entre Marseille et Montréal. Rédactrice en chef de la revue de création littéraire québécoise Moebius, elle a signé plusieurs livres dont Phototaxie (2017) et Rien du tout (2021), qui lui ont valu des nominations pour des prix tels que le Grand Prix du livre de Montréal ou les Lambda Literary Awards. En 2025, elle publie Un carré de poussière aux Éditions du commun, hybride entre le témoignage et l’essai à travers lequel elle interroge les liens entre violence sexuelle et histoire de la raison.