
"Henri Thomas, der Wanderer", par Patrice Bougon (séminaire "L'écriture de la pensée", F. Noudelmann & B. Clément)
La première séance du séminaire "L'écriture de la pensée" se tiendra le
vendredi 26 septembre 2025 de 15h à 17h
Nous accueillerons ce jour-là Patrice BOUGON, qui parlera de Henri Thomas. Cf. ci-dessous le détail de ses propositions.
Les conditions de la rencontre sont les suivantes :
- si vous souhaitez nous rejoindre physiquement, la salle est celle qui nous accueille habituellement: Sorbonne, Bibliothèque du CELLF, escalier I, 2e étage (entrée par le 14 rue Cujas ou le 17 rue de la Sorbonne). Attention, si c'est votre choix, vous devrez présenter à l'entrée une invitation personelle (à retirer aurpès de bpe.clement@gmail.com).
- si vous vous trouvez loin, ou seulement empêchée, vous pouvez malgré tout vous joindre à nous en activant ce lien Zoom : https://nyu.zoom.us/j/97425650353
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Patrice BOUGON, Henri Thomas. Du marcheur au promeneur
Henri Thomas, 1912 -1993, est un écrivain peu commenté par l’université mais salué par Maurice Blanchot, Georges Perros, J.C. Bailly et, plus longuement, par Philippe Jaccottet et Jacques Derrida.
Henri Thomas a l’intérêt de pratiquer une écriture qui a un lien implicite avec la philosophie (Premier prix du Concours général de philosophie, élève d’Alain, lecteur de Spinoza et de Husserl, notons enfin que Brice Parain, dès 1948, lui avait confié la traduction d’un Nietzsche pour la collection Pléiade). Ce rapport à la philosophie est l’une des raisons pour laquelle Derrida a consacré un long commentaire au Parjure, Gallimard 1964, roman d’abord intitulé … Hölderlin en Amérique !
Ayant déjà parlé, voici dix ans, du Parjure, j’aborderai cette fois-ci, d’autres récits et j’analyserai, la figure (double) du marcheur et du promeneur, prenant en compte que Henri Thomas est le traducteur des Grands bois et autres récits, d’Adalbert Stifter, Gallimard, 1943, et que le titre de sa préface - "Adalbert Stifter, promeneur visionnaire" - ne peut que nous orienter dans notre parcours de l’oeuvre de Thomas.
1) Marcher dans la nature
Le traducteur des Grands bois écrit que "l'œuvre de Stifter va bien au-delà de ces récits, […] ils sont au carrefour de ses hantises et de ses rêves, comme ces tables d'orientation qui donnent à rêver au promeneur" (Nous soulignons).
Marcher, décrire les paysages, c’est-à-dire aussi rêver et penser à autre chose.
Après avoir analysé brièvement en quoi le nom de Hölderlin et son rapport au motif de la marche - (Der Wanderer) - doivent être évoqués pour aborder certains récits de Henri Thomas, notre conférence proposera essentiellement d’analyser comment la marche permet une sorte de désorientation du sujet, non pas seulement topographique ou géographique, mais aussi existentielle et dans la pensée.
2) Promenades urbaines
Nous l’avons annoncé, la figure qui nous intéresse est double, il s’agit non pas seulement de l’homme qui marche dans les chemins, plus ou moins balisés, des Vosges, de la Corse, du Sussex, mais aussi de l’homme qui se promène, sans but précis, dans les villes de Londres et de Paris.
L’individu impersonnel - "Monsieur Smith"; - de La Nuit de Londres, Gallimard, 1956 est certes en filiation avec les évocations urbaines d’Edgar Poe et de Charles Baudelaire, "mais il y aussi autre chose" pour citer une expression, propre à la syntaxe du supplément de Henri Thomas, qui met en question ce qu’on croyait avoir compris.
Ce que nous aimerions montrer, c’est la manière singulière dont, dans les deux espaces opposés (celui de la Nature, mais aussi celui des deux capitales) Henri Thomas décrit ce qu’il voit et donc imagine, plus précisément, comment le visible, par son incomplétude originaire, lui donne à penser.
La Nature, par ses bosquets, ses arbres, ses montagnes, éclipse autre chose, tout comme, mais d’une autre manière, et avec d’autres effets, l’espace urbain de Londres et de Paris, par ses jeux d’ombres plus ou moins denses, transforme toute silhouette, aperçue furtivement, en une éventuelle matrice de fictions et une sollicitation à penser.
Bibliographie Henri Thomas :
Les Vosges : "L’Offensive" "Le Vosgien" "Le Prophète" Ai-je une patrie,
Gallimard, 1993.
Grande-Bretagne : "Harry" (1952), La Cible, Gallimard, 1955, p.49-94. La Nuit de
Londres, Gallimard, 1956
Corse : Les Déserteurs, Gallimard, 1951, "Histoire de Pierrot", dans Histoire de Pierrot et
quelques autres, Gallimard, 1960, p.7-50, Le Promontoire, Gallimard,1961
Paris : Le Précepteur, Gallimard, 1942, La Vie ensemble, Gallimard, 1943, La Dernière année,
Gallimard,1960
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Patrice Bougon :
Maître de conférences à l’université d’Iwate, Japon, 1997-2008. Il présente depuis trois ans des films dans divers ciné-clubs et publie régulièrement dans la revue Jeune Cinéma.
https://www.jeunecinema.fr/spip.php?article7064
Il a notamment publié :
- Une quarantaine d’études sur Jean Genet, Michel Deguy, Jacques Derrida, le cinéma, Henri Thomas.
- En préparation, recueil d’articles sur Henri Thomas, notamment : "Réticence de la parole et fenêtre sur cour", Roman 20/50, N°32, décembre 2001, p. 103-112, "L’écriture du carnet d’écrivain chez Henri Thomas", RSH, N°266-267, novembre 2002, p. 283- 297, "La lacune narrative et l’étrange familiarité des personnages dans Le Parjure", dans Henri Thomas. L’écriture du secret, Champ Vallon, 2007 volume codirigé avec Marc Dambre, p. 71-85, « Lettres de créance. Henri Thomas et Jean-Michel Rey : Spectralités », Modalités du croire : croyance, créance, crédit. Autour de l’œuvre de Jean-Michel Rey, dirigé par Christian Doumet, Bruno Clément, Denis Bertrand, Editions Hermann, 2012, pp.173-197, "Le mélange des genres et la présence spectrale de la lettre", Dossier "Henri Thomas", dirigé par Patrice Bougon, revue Europe, N°1015-1016, nov-déc. 2013, p.249-259, "Henri Thomas et l'épiphanie du visible (De la traduction de Stifter à la description d'une Corse sublime", De l'émerveillement dans les littératures poétiques et narratives des XIX et XX siècles, dirigé par Julie Anselmini et Marie-Hélène Boblet, éditions Ellug, université de Grenoble, 2017, p. 91-100.