
Après La Faute au roman : littérature et morale (Vrin), dont Eloïse Bidegorry a récemment rendu compte pour Acta fabula sous le titre : "Penser et encadrer le « tournant éthique »", Paolo Tortonese publie un essai sobrement intitulé Remords (Hermann), qui montre comment, à l’époque du darwinisme, de la sociologie naissante, de la neurologie psychiatrique et de la criminologie, le remords est au centre d’un renouveau romanesque et d’une controverse philosophique. Ce concept aussi ancien que la morale jure avec l’eudémonisme moderne et semble apporter un démenti à Sade au profit d’un retour en force de la culpabilité. Mais ce ne sont pas toujours des spiritualistes qui le relancent : dans Thérèse Raquin, Zola remet au goût du jour une expérience douloureuse de la faute et tente de l’expliquer avec des arguments matérialistes. Puis il revient sur la psychopathologie du criminel dans La Bête humaine. Dans l’intervalle entre ces deux romans, Crime et châtiment est traduit en français et soulève une controverse philosophique dans lequel les chrétiens, les darwinistes, les kantiens et les schopenhaueriens se battent, chacun voulant démontrer que le roman de Dostoïevski leur donne raison. Centré sur un moment précis du débat moderne autour du crime, le livre remonte, pour l’éclairer, à la tradition doctrinaire du remords chrétien, que les "nouveaux remords" antispiritualistes cherchent à remplacer. La longue durée de ce débat fait signe également vers les enjeux de la faute, de la responsabilité et de la réparation dans les sociétés d’aujourd’hui. Fabula donne à lire l'introduction du volume…