Relationnalité langagière et culturelle au Québec et au Canada : nouveaux enjeux esthétiques, politiques et épistémologiques de la création et de la traduction littéraires (revue @analyses )
Appel à propositions d’article (résumé et biobibliographie)
Relationnalité langagière et culturelle au Québec et au Canada :
nouveaux enjeux esthétiques, politiques et épistémologiques de la création et de la traduction littéraires
Numéro dirigé par Dominique Hétu et Eftihia Mihelakis
@analyses : revue des littératures franco-canadiennes et québécoise
Publication prévue pour le vol. 19, no. 2 (été 2025)
Cherchant à éviter l’isolationnisme d’un modèle perpétuant le mythe des deux solitudes issues d’un héritage colonial, ce dossier s’intéresse aux im/possibilités de la relationnalité langagière et culturelle dans la création et la traduction littéraires de l’extrême contemporain. Comme le mentionne Felwine Sarr à propos de la crise de la relationnalité du monde, les rapports issus des milieux marginalisés sont « de plus en plus fondés sur la solidarité et la réciprocité », mais nous vivons dans des sociétés où règnent « la lutte et [...] la prédation » (2017). Entre les politiques protectionnistes sur la langue française au Québec et les stéréotypes francophobes dans les discours médiatiques et politiques au Canada, il semble, en effet, y avoir un réel décalage entre « le langage des gouvernements » (Sarr, 2017), lequel est concerné par l’application d’une pensée binaire de la langue et de la culture, et celui de la littérature, dont l’émergence d’une hybridité linguistique dans la création et la traduction littéraires depuis la dernière décennie donne à lire d’autres formes d’habitabilité, au confluent d’héritages et de cultures qui subvertissent cette notion de binarisme issue de l’héritage colonial.
En plus d’un renouvellement de l’intérêt pour la littérature anglophone en français au Québec, comme l’ont montré le dossier « Écrire en anglais au Québec » paru dans la revue Lettres Québécoises en 2019, on constate l’augmentation marquée des traductions de textes d’auteurs.trices autochtones anglophones en français, notamment chez Mémoire d’encrier. On remarque, par ailleurs, tout le travail de traduction d’auteurices noir.e.s par des écrivaines et traductrices noires francophones, tel que celui entamé par Stéphane Martelly et Chloé Savoie-Bernard avec la collection « Martiales » chez Remue-ménage, ou encore la traduction de Martelly du recueil Magnetic Equator de Kaie Kellough, voire même leurs poèmes traduits ensemble sur la plateforme littéraire sx salon, sans oublier les traductions de textes issus de minorités ethniques et linguistiques, comme ceux de Toula Drimonis ou de Dimitri Nasrallah. De plus, il y a un accueil populaire et critique chaleureux pour des œuvres faisant état d’un multilinguisme vécu au quotidien et agissant directement dans et par la création, ainsi que le montre un texte hybride comme Désormais ma demeure, de Nicholas Dawson. Cette réflexion sur l’hybridité linguistique en création et en traduction littéraires se dessine comme un horizon d’attente qui dévie notre regard des notions de nostalgie d’une origine perdue, voire d’une confrontation ou d’une juxtaposition de la différence linguistique et culturelle.
Il s’agit donc, avec ce dossier, de mieux examiner tant la part d’entrave que d’éclatement que permet cette relationnalité marquée par différentes dynamiques esthétiques, politiques et épistémologiques dans la production littéraire multilingue au Québec et au Canada. Ces espaces sont pour nous des lieux de savoir sensible où les langues se mélangent et se façonnent entre elles, si bien qu’elles réactualisent les savoirs sur la pratique plurilingue et la médiation interculturelle dans la création littéraire.
En ce sens, ce dossier cherche à penser l’apport des littératures de l’extrême contemporain où se rencontrent les langues et à y interroger le travail de re/définition politique, affectif et esthétique que cela implique. Nous souhaitons penser aussi avec les pratiques actuelles en création et/ou traduction, comme le montre, entre autres, les œuvres d’Amber O’Reilly, Nicola Campbell, Dawn Dumont, Mishka Lavigne, Chloé Savoie-Bernard, Karine Rosso, Cherie Dimaline, Shayne Michael, Felix Perkins, Catherine Hernandez et Daniel Grenier, entre autres. L’on pense aussi aux milieux éditoriaux qui, tel que le magazine en ligne Font, créé par Linda Leith et dirigé par Rachel McCrumb, cherchent à rendre compte de la diversité et de la richesse de l’activité littéraire en anglais et issus d’autres langues minoritaires au Québec1. Ce ne sont ici que quelques exemples parmi tant d’autres que nous espérons accueillir dans le cadre de ce dossier.
Les contributions aborderont les axes/questions proposé.e.s ci-dessous :
- De quelles façons les études littéraires comparées et/ou les études interculturelles et/ou les études en traduction et/ou les études décoloniales, voire postcoloniales, telles que celles d’Édouard Glissant, Lise Gauvin, Jacques Derrida, Gloria Anzaldúa et Sherry Simon, par exemple, peuvent-elles offrir une piste de réflexion fructueuse pour interroger les pensées et les œuvres qui, aujourd’hui, par le pouvoir novateur de l’hétérolinguisme, de l’hybridation et/ou de la traduction, permettent d’adresser autrement les enjeux politiques, stylistiques, voire linguistiques de l’expérience vécue d’une exiguïté particulière, interférant dans les différentes marges de la langue ?
- Quelles sont les manières dont la création littéraire de l’extrême-contemporain produite au Québec ou au Canada met-elle en scène les entraves, les pouvoirs, les possibles de l’hybridité langagière et/ou culturelle en retravaillant et en déplaçant les discours, les dispositifs et les imaginaires induits par cette dernière ? Quelles sont les entraves/les possibilités que vivent les maisons d’éditions en contexte minoritaire (francophone au Canada, anglophone au Québec) depuis la dernière décennie ? Quelles formes esthétiques, stylistiques, imaginaires sont privilégiées pour donner à lire/à diffuser (d’un point de vus local, national, international) ces derniers ?
- De quelle manière les langues, les appartenances culturelles, ethniques, raciales sont-elles pensées, déployées par rapport à leur place et leur part dans les institutions gouvernantes ?
- Comment penser la littérature de l’après loi 101 au Québec en résonnance avec la littérature francophone canadienne écrite par des écrivain.e.s dont le français n’est pas la langue maternelle, voire d’auteurs.trices francophones installés en contexte minoritaire depuis la dernière décennie ?
Sachant que toute lutte se joue sur le terrain de la langue (DesRochers, 2022), quels rapports la création et/ou la traduction littéraire entretient-elle aux luttes queers, trans, voire aux luttes pour la survivance de lieux vivables ou habitables pour les personnes délocalisées, les personnes réfugiées ou issues de la migration forcée pour qui le partage d’un langage commun avec les classes dominantes s’effrite de plus en plus dans notre société ?
- Comment les maisons d’édition ou les revues bilingues, multilingues, ou publiant des textes dans une langue autre que le français ou l’anglais (une langue autochtone, par exemple) font-elle face aujourd’hui aux pouvoirs (politique, institutionnel, culturel) dans des climats variables vis-à-vis les régimes de protections de la langue en situation minoritaire ou majoritaire ?
Calendrier de production
Remise de la proposition d’article (un résumé de 150-200 mots ainsi qu’une biobibliographie de 100-150 mots) à Eftihia Mihelakis (MihelakisE@brandonu.ca) et Dominique Hétu (HetuD@brandonu.ca) d’ici le 30 septembre 2024.
Remise de l’article complet selon le protocole (voir le lien ci-dessous) à Eftihia Mihelakis (MihelakisE@brandonu.ca) et Dominique Hétu (HetuD@brandonu.ca) d’ici le 30 mars 2025
Remise de l’article révisé par les pair.e.s prévu pour le 30 juin 2025
Le dossier part en mise en page dès le 15 juillet 2025 avec une publication en ligne prévue pour la fin de l’été 2025
Prière de respecter le protocole éditorial disponible ici : https://www.uottawa.ca/research-innovation/sites/g/files/bhrskd326/files/2022-11/analyses-protocole_redaction-2022.pdf
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Bibliographie
Font Magazine, https://fontmag.ca/about/
Lettres québécoises, « Écrire en anglais au Québec », nº 173, printemps 2019.
Spirale, « Write here. Write now. Les écritures anglo-montréalaises », nº 210, sept-oct. 2006, numéro dirigé par Martine-Emmanuelle Lapointe.
CAMPBELL, Nicola I. et Kim LA FAVE (2010). La pirogue de Shin-chi, Winnipeg, Éditions des Plaines.
CARBALLO, Lula (2018). Créatures du hasard, Montréal, Cheval d’août.
CHANCY, Myriam J.A. (2023). Voix / Éclairs / Tonnerre, traduit de l’anglais par Chloé Savoie-Bernard, Montréal, Remue-Ménage, coll. « Martiales ».
DAWSON, Nicholas (2020). Désormais, ma demeure, Montréal, Triptyque, coll. « Queer ».
DESROCHERS, Ariane (2023). Language Smugglers : Postlingual Literatures and Translation within the Canadian Context, Londres, Bloomsbury.
DESROCHERS, Ariane (2022). « La langue française est straight », À bâbord, nº 93, automne, p. 50-51.
DIMALINE, Cherie (2019). Pilleurs de rêves, traduit de l’anglais par Madeleine Stratford, Montréal, Leméac.
DUMONT, Dawn (2019). On pleure pas au bingo, Wendake, Hannenorak.
DUNNING, Norma (2023). Annie Muktuk et autres histoires, traduit de l’anglais par Daniel Grenier, Montréal, Mémoire d’encrier.
HERNANDEZ, Catherine, (2018). Scarborough, traduit de l’anglais par Christophe Bernard,
Montréal, XYZ.
KELLOUGH, Kaie (2023). Équateur magnétique, traduit de l’anglais par Stéphane Martelly, Triptyque, coll. « poèmes ».
KING, Thomas (2022). Seuil de tolérance, traduit de l’anglais par Daniel Grenier, Montréal, Mémoire d’encrier.
LAVIGNE, Mishka (2023). Shorelines, Toronto, Playwrights Canada Press.
LAVIGNE, Mishka (2023). Murs, Ottawa, Interligne.
MARTELLY, Stéphane, et Kaie KELLOUGH (2020). « Poems by Stéphane Martelly », traduit de l’anglais par Kaie Kellough, sx salon, février, [https://smallaxe.net/sxsalon/poetry-prose/poems-stephane-martelly] (consulté le 16 janvier 2024).
MCWATT, Tessa (2021). Anatomie de ma honte, traduit de l’anglais par Chloé Savoie Bernard, Montréal, Mémoire d’encrier, 2021.
MICHAEL, Shayne (2020). Fif et sauvage, Moncton, Perce-neige.
NASRALLAH, Dimitri (2019). La littérature anglo-québécoise en évolution, traduit de l’anglais par Daniel Grenier, Lettres québécoises, « Écrire en anglais au Québec », nº173, printemps, p. 18-20.
O’REILLY, Amber (2020). Boussole franche, Winnipeg, Éditions du Blé.
PERKINS, Félix (2020). Boîteur des bois, Moncton, Perce-neige.
SARR, Felwine (2013). Habiter le monde : essai de politique relationnelle, Montréal, Mémoire d’encrier.
Verboczy, Akos (2016). Rhapsodie québécoise : itinéraire d'un enfant de la loi 101, Montréal, Boréal.