
Mythe et Illustration à la Renaissance. Avec Christiane Deloince-Louette, Catherine Vermorel (Séminaire TIGRE, Guyancourt & en ligne)
Mythe et Illustration à la Renaissance
Christiane Deloince-Louette (UMR 5316-Litt&Arts), Illustrer Homère à la Renaissance : décors et objets au défi du texte
Les premières traductions françaises de l’Iliade, celle de Jehan Samxon (1530) et celle d’Hugues Salel (1545), offrent une illustration à l’ouverture de chaque chant. Parallèlement, c’est en 1537 que s’ouvre le chantier de la galerie d’Ulysse à Fontainebleau confié à Primatice, chantier qui se poursuivra au-delà de la mort de son concepteur en 1570 et dont il ne nous reste que les cinquante-huit gravures réalisées par Theodoor van Thulden (Les Travaux d’Ulysse, 1633) d’après les fresques originales. Autre exemple de l’illustration des poèmes homériques : le Speculum heroicum Principium omnium temporum Poetarum Homeri, qui présente chaque chant de l’Iliade par une gravure de Crespin de Passe accompagnée d’un argument ou sommaire en vers latins et français de Jacques Hilaire de La Rivière (1613). Ces divers ouvrages témoignent de trois types de relation illustrative entre le texte et l’image, qu’on se propose de développer. L’illustration illustre en effet l’ambiguïté de la réception du texte homérique, entre substrat mythique (légende de la guerre de Troie) et particularisation (scènes du poème d’Homère). Elle reflète, de plus, une double lecture du poème, d’une part historique, voire archéologique (dont témoignent certains objets), d’autre part anachronique (à travers costumes et décors contemporains). Enfin, elle assume un rôle rhétorique, dans la mesure où elle oriente la compréhension du spectateur en présentant une « réduction » du texte qui peut même se substituer au récit original – en ce sens, elle entretient des rapports étroits avec les « arguments » des chants et confère une dimension emblématique aux objets et décors.
Catherine Vermorel (Historienne de l’art), Les cycles homériques dans les palais de la Renaissance au XVIe siècle (France, Italie).
Grâce à la diffusion de l’étude du grec à partir de la fin du XVe siècle et à ses traductions latines, Homère devient une source d’inspiration pour le décor monumental, un phénomène qui s’intensifie à partir de 1545. L’Odyssée est choisie comme thème de plusieurs cycles picturaux décorant des palais italiens, tout particulièrement à Gênes ou à Bologne. En France, les poèmes homériques ornent plutôt des galeries, après l’exemple prestigieux de Fontainebleau, pionnier en France, initié sous la direction de Primatice, peintre d’origine bolonaise.
Ce texte antique redécouvert est diversement interprété : le chant 22 (La victoire d’Ulysse sur les prétendants) est fréquemment choisi par les peintres et leur commanditaires ; au contraire, il n’y a qu’un seul exemple des chants 17 (Le jeu des cailloux/jetons des prétendants) ou 23 (Les retrouvailles d’Ulysse et Pénélope) ; la Télémachie est généralement ignorée. Certaines illustrations empruntent aux Métamorphoses d’Ovide ou à l’Énéide de Virgile. Au-delà de ces choix, nous nous intéresserons à la façon dont sont représentés, à partir du retour à Ithaque, les architectures et le décor des scènes représentées au sein de ces différents programmes.