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Séminaire Houellebecq (Nanterre)

Séminaire Houellebecq (Nanterre)

Publié le par Marc Escola (Source : Agathe Novak-Lechevalier)

Le séminaire Houellebecq, créé en 2021, poursuit ses activités. Pour les deux années 2023-2024 et 2024-2025, le séminaire sera centré sur la figure de l'auteur, et tentera, en multipliant les angles d'approche, à la fois de cerner la nouvelle figure de l’écrivain (médiatique et transmédiatique) qu’impose Houellebecq sur la scène littéraire, et de mieux comprendre les interactions complexes entre l’œuvre, les interventions de l’auteur, la réception médiatique, les interprétations académiques et la lecture réelle.

Trois séances sont programmées pour l'année 2023-2024. Pour y participer, il suffit d'écrire à cette adresse : agathe.novak-lechevalier(at)parisnanterre.fr, et vous recevrez toutes les informations nécessaires (comment venir à Nanterre / lien pour participer en visio). 

Première séance : mercredi 17 janvier 2024 – bâtiment Ricœur, salle 12

Raphaël Baroni (Professeur associé à l’Université de Lausanne) : « Quand un auteur divise : Houellebecq et la polyphonie romanesque »

 Comment des auteurs peuvent-ils diviser la critique et le public au point d’engendrer un désaccord total sur la valeur éthique et esthétique de leur œuvre ? Tenter de répondre à cette question conduit à aborder les récits sous l’angle d’une critique polyphonique. Quand certains mettent en cause l’écrivain parce que le texte se fait provocateur, d’autres estiment qu’il faut tenir compte de l’autonomie des discours des personnages ou estiment que ces derniers ne font que refléter les travers de la société dans laquelle ils vivent, voire qu’ils incarnent un aspect dérangeant de la nature humaine. Aussi dérangeant que le récit puisse paraître, il devient alors acceptable, et même utile, l’auteur révélant des vérités sociologiques ou anthropologiques qui le dépassent.

Mais est-on bien sûr de cela ? L’écrivain ne se dissimule-t-il pas derrière chacun de ses mots ? Les auteurs nous importent, parce que se pencher sur l’origine du texte, c’est suivre un cordon ombilical qui rattache la fiction au monde, à une expérience incarnée de la réalité dans laquelle nous vivons. Et à l’autre bout du processus, il faut aussi envisager la responsabilité d’un geste d’écriture qui contribue à façonner la réalité des lecteurs.

Il faut cependant reconnaître la complexité de cette enquête sur l’origine des discours en régime fictionnel et l’incertitude de son résultat. Car les écrivains ne parlent jamais seuls : ils sont parlés autant qu’ils font parler leurs personnages. Il s’agit alors de procéder à la manière d’un archéologue, par stratigraphie de couches sédimentées. Si l’origine nous importe, cela ne signifie pas qu’elle soit précisément situable. Rien ne nous oblige à trancher ce nœud gordien de la polyphonie romanesque. La littérature vit des désaccords qu’elle engendre. Au-delà du cas singulier qu’il incarne, Houellebecq sera considéré comme un révélateur de la manière dont nous interprétons des œuvres qui nous bousculent.

Cette conférence présentera dans ses grandes lignes le propos d’un ouvrage publié en 2022 :

Raphaël Baroni (en collaboration avec Samuel Estier et Gaspard Turin), Lire Houellebecq. Essais de critique polyphonique, Genève, Slatkine, 2022. 

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Deuxième séance : jeudi 15 février 2024, bâtiment Ricœur, salle des conseil

Francesca Lorandini (maîtresse de conférences à l’Université de Modène et Reggio Emilia) :

« Devenir Houellebecq mode d’emploi »

 Empruntant l’expression à Philippe Lançon, Emmanuel Carrère définit Houellebecq comme un « Droopy cannibale » venu chambouler le milieu littéraire des années 1990, en incarnant une forme de célébrité « qui n’existait plus depuis au moins Sartre ». En effet, le succès de Houellebecq a progressivement atteint des proportions inédites, notamment à partir de la publication des Particules élémentaires en 1998. Mais les bases de ce succès sont jetées pendant les années précédentes, lorsque Houellebecq fait ses premiers pas d’écrivain dans le monde de l’édition. En se penchant sur les débuts de sa carrière, on a l’impression qu’il s’est construit une image d’auteur-star, s’accommodant et sachant tirer parti des conventions de chaque milieu qu’il a traversé. Dans cette intervention, je vais revenir sur les différents circuits littéraires dans lesquels Houellebecq s’est inséré au cours des années 1990, ainsi que sur les revues auxquelles il a collaboré, notamment Les Inrockuptibles, afin de retracer une trajectoire que, avec la facilité de l’après-coup, on peut qualifier de stratégie.

Elisabetta Abignente (maîtresse de conférences à l’université de Naples, Federico II).  

« Métalepse, autoportrait, conception de l'art dans La Carte et le Territoire »

Dans La Carte et le Territoire (2010), Michel Houellebecq traverse les pages du roman et fait effraction dans le monde raconté en tant que personnage, avec son vrai nom et prénom, ainsi qu'une biographie et une description physique très proches des vrais. Il s’agit d’une métalepse, c’est-à-dire d’une transgression des niveaux narratifs, et d'un autoportrait, narcissique et ironique à la fois, qui ne se limite cependant pas à se présenter comme un simple caméo. Deux éléments de cette forme d'auto-représentation seront analysés en particulier : la fonction « curatoriale » et « essayiste » confiée au personnage de Houellebecq, similaire à certains égards à celle occupée par Orhan Pamuk dans la dernière partie de son Musée de l'innocence (2008), avec les considérations qui en découlent sur le monde de l'art et sur ses relations avec le marché ; et la tournure narrative au centre de laquelle se trouve le personnage-écrivain, ce qui fait basculer brusquement le roman des territoires high-brow du Künstlerroman aux territoires low-brow du roman policier.

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Troisième séance : jeudi 21 mars 2024, bâtiment Ricœur, salle des conseils

Sébastien de Gasquet (enseignant spécialiste des industries créatives, École du Management de Sciences Po Paris) :

« Michel Houellebecq en entretien : un espace pour la pensée »

 L’exercice de l'interview, habituellement cantonné aux marges de l'œuvre d'un écrivain, occupe une place à part chez Michel Houellebecq, tant par son volume exceptionnel - près de 250 entretiens sur 30 années - que par la richesse de son contenu. Un espace dans lequel il peut déployer sa pensée en toute liberté, hors du champ romanesque où règne une certaine confusion entre les réflexions des personnages et celles de leur créateur. 

Philippe Matsas (photographe indépendant) : « Portraits photographiques de Michel Houellebecq 1997-2021 »

 Le récit en images d’une rencontre et d’une longue collaboration : il s'agira d'analyser les conditions de prises de vues, de la diffusion et de l'utilisation des portraits de Michel Houellebecq dans les médias et dans l’édition ; et de s'interroger sur le rapport que ces images peuvent avoir avec l’œuvre de l’auteur, ainsi qu'avec d’autres photos d’écrivains ou de personnalités.