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Surréalisme et écologie dans le domaine francophone - APFUCC 2024

Surréalisme et écologie dans le domaine francophone - APFUCC 2024

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Brianna Mullin)

Surréalisme et écologie dans le domaine francophone

Du 15 au 19 juin 2024 à l'Université McGill, Montréal (Canada)

Argumentaire

« La faune et la flore du surréalisme sont inavouables », écrit André Breton dans le premier Manifeste du surréalisme (1924). Marquant la naissance officielle du mouvement surréaliste, ce texte révèle l’inclination écologique présente à son origine et témoigne du rejet du progrès industriel et technologique ainsi que de l’idée comtienne de l’ascension de l’homme scientifique (Roberts, 2016). Privilégiant les forces égalitaires de l’inconscient, les surréalistes ont déstabilisé la notion cartésienne du soi cohérent et du pouvoir incontestable de l’humain sur la nature (Noheden, 2022). Cet atelier, célébrant le centenaire du mouvement surréaliste en 2024, propose donc d’examiner la question de l’écologie dans le surréalisme dans une perspective à la fois historique et contemporaine. 

En tant que substantif, « écologie » comporte deux significations principales. Dans un premier temps, il a renvoyé à cette science qui a « pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes) avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants » (Larousse). Dans un sens plus récent, l’écologie, comme synonyme d’écologisme, signifie une « position dominée par le souci de protéger la nature et l’homme lui-même contre les pollutions, altérations et destructions diverses issues de l’activité des sociétés industrielles » (Larousse). Tout à la fois science et prise de position politique, l’écologie, d’abord éclipsée par le progrès technologique et victime des impératifs capitalistes depuis la révolution industrielle, se retrouve au centre des discours politiques, philosophiques et artistiques actuels. En témoigne le dynamisme de l’écocritique dans les études littéraires et culturelles contemporaines. En tant que « zone d’échange » (Penot-Lacassagne, 2022), cette dernière a le potentiel de soulever une pluralité de perspectives et de modes d’expression en retravaillant les hiérarchies héritées de l’humanisme. De cette façon, l’écocritique exige que nous revenions aux récits « écartés » du passé, c’est-à-dire ceux qu’ont rejetés et dont se sont méfiés les discours dominants, pour mieux comprendre les mécanismes de la critique de l’humanisme moderne (Penot-Lacassagne, 2022). Revenir au surréalisme dans cette série d’enjeux, c’est ainsi révéler, au sein du mouvement luimême, une évolution décisive du rapport entre l’humain et la nature marquée par les catastrophes du XXe siècle. En effet, la nature prend une place centrale mais différente dans le surréalisme d’après-guerre, les désastres d’Hiroshima et de Nagasaki obligeant les surréalistes « à sortir du bois, le passage de la catastrophe imaginaire à la catastrophe réelle périmant définitivement la rhétorique révolutionnaire de l’entre-deux guerres » (Frémond, p. 2.). En critiquant le christianisme et l’imaginaire de l’antiquité classique dans leur tentative de « défaire » l’humanisme (Slavkova, 2009), les surréalistes ont rejeté la catégorie universelle et exclusive de l’humain, celle qui a aussi historiquement exclu les femmes, les personnes racisées, les personnes queer et d’autres sujets non-hégémoniques, pour la réorienter vers d’autres possibilités d’être. Comme le note Breton en 1942 : « L’homme n’est peut-être pas le centre, le point de mire de l’univers » (Prolégomènes, p. 14). De cette manière, l’étude de l’écologie dans le surréalisme a la capacité d’ouvrir la voie à une pluralité de perspectives qui déconstruisent les discours dominants en révélant le rôle qu’y jouent la race, le genre et la sexualité. En témoignent les écrits postcoloniaux d’Aimé et Suzanne Césaire, ou bien les oeuvres de différentes femmes peintres du surréalisme qui soulèvent des perspectives que l’on peut considérer comme féministes ou queer, comme celles de Leonora Carrington, Leonor Fini et Bona de Mandiargues. Des paysages déroutants des tableaux de Magritte, Ernst, et Dalí, à l’éblouissement de la nature dont l’homme n’est plus le maître dans Le Paysan de Paris (1926) de Louis Aragon et Arcane 17 (1945) d’André Breton, en passant par les écrits contemporains d’Annie Le Brun, l’écologie du surréalisme dévoile des enjeux à la fois poétiques et politiques qui s’avèrent être très actuels.

Il est ainsi question pour nous de dévoiler le pouvoir transgressif et transformatif de la nature dans toutes les formes du surréalisme—littérature, art, cinéma, revues, théories, etc.— son lien à l’inconscient et au désir, et son rôle comme porteuse de connaissances et force révolutionnaire. Nous analyserons les divers mécanismes employés par les surréalistes pour surmonter les catégories de l’humanisme et tisser de nouveaux liens aussi bien avec le monde naturel qu’avec le soi et l’autre.

Nous invitons les chercheur.e.s à proposer des communications inspirées par les axes suivants (liste non-exhaustive) en lien avec le surréalisme:

- La faune et la flore

- L’hybridité

- La science naturelle

- Le surréalisme et le romantisme

- L’écocritique

- Les écoféminismes

- Le postcolonialisme, la décolonisation

- Écologies / animalités queer

- Nature/culture

- Biologie

- Posthumanismes / postanthropocentrismes

- Environnements et Éros

Modalités de participation

Date limite pour l’envoi des propositions (titre, résumé de 250-300 mots, adresse, affiliation et notice bio-bibliographique de 150 mots) à brianna.mullin@mail.utoronto.ca et à james.cahill@utoronto.ca : le 15 janvier 2024.

Le colloque annuel 2024 de l’APFUCC sera en personne. Il se tiendra dans le cadre du Congrès annuel de la Fédération des sciences humaines du Canada et la Fédération n’offre pas de soutien pour des interventions en ligne cette année.

Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message des personnes responsables de l’atelier avant le 30 janvier 2024 les informant de leur décision. L’adhésion à l’APFUCC est requise pour participer au colloque. Il faut également régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. De plus amples informations vous seront envoyées à ce sujet. Vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication, présentée en français (la langue officielle de l’APFUCC), pour le colloque 2024.

Ouvrages cités

BRETON, André:  Manifeste du surréalisme [1924] dans Oeuvres complètes, vol.1, Marguerite Bonnet et al (dir.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, p. 309-346; Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non [1942] dans Oeuvres complètes, vol. 3, Marguerite Bonnet et al (dir.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1999, p. 3-15.

FREMOND, Émilie. « Appels d’airs. Annie Le Brun ou l’invention de l’écologie passionnelle », Elfe XX-XXI, n. 11, Ruptures écocritiques, à l’avant-garde, 2022, 24p.

NOHEDEN, Kristoffer. « Toward a Total Animism. Surrealism and Nature » dans The Routledge Companion to Surrealism, Kirsten Strom (dir.), Londres-New York, Routledge, 2022.

PENOT-LACASSAGNE, Olivier. « Écocritique : ligne de front », Elfe XX-XXI, n. 11, Ruptures écocritiques, à l’avant-garde, 2022, 27p.

ROBERTS, Donna. « The ecological imperative » dans Surrealism, Krzysztof Fijalkowski et Michael Richardson (dir.), Londres-New York, Routledge, 2016, p. 217-227.

SLAVKOVA, Iveta. « La révolution surréaliste : un travail collectif pour défaire le discours humaniste » dans La fabrique surréaliste, Françoise Py et Maryse Vassevière (dir.), Paris, 2009, p. 187-207.