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"Éthique et littérature : lire et écrire face au scandale du mal". Avec Frédérique Leichter-Flack (séminaire "L'écriture de la pensée", Bruno Clément & François Noudelmann, en Sorbonne & en ligne)

Publié le par Marc Escola (Source : Bruno Clement)

La prochaine séance du séminaire "L'écriture de la pensée" se tiendra en Sorbonne

(14 rue Cujuas, escalier I, 2e étage, bibliothèque du CELLF)

le vendredi 24 novembre

de 14h à 16h (pour entrer dans l'enceinte de la Sorbonne, demander une invitaiton à bpe.clement@gmail.com)

en même temps qu'en ligne (https://nyu.zoom.us/j/97322109528)

Notre invitée sera Frrédérique LEICHTER-FLACK, qui présente ainsi son intervention :

Éthique et littérature : lire et écrire face au scandale du mal

Eprouver des formes de vie qui ne seront jamais les nôtres ; faire des expériences morales protégées ; se découvrir de nouveaux dilemmes en explorant ceux de nos personnages préférés : voilà ce que nous offre la lecture de fictions. La littérature peut être une école de la réflexion éthique, qui enseigne à discerner de plus fines nuances, fait émerger des objections inaperçues, élargit notre gamme d’émotions morales. Démarrée dans Le Laboratoire des cas de conscience, ma réflexion sur la fabrique des dilemmes s’est prolongée et resserrée, dans Qui vivra qui mourra. Quand on ne peut pas sauver tout le monde, autour d’un questionnement sur les choix tragiques et la priorisation des vies. Puis la réalité a rattrapé mes recherches : parallèlement au retour de l’aléa, avec la pandémie, la responsabilité du triage nous imposait de nouvelles interrogations. Comment répartir le sacrifice pour le rendre moins tragique et que faire de l’irréparable ? Quelle place reconnaître à la tyrannie de la contingence ? Où tracer la ligne de démarcation entre l’infortune, contre laquelle on ne peut rien, et l’injustice, contre laquelle on peut tout ? Y a-t-il donc des morts plus scandaleuses que d’autres – et corrélativement, des victimes plus acceptables que d’autres ? C’est cette question du scandale du mal, familière à l’histoire de la philosophie, que je suis allée poser à la littérature dans mon dernier essai, Pourquoi le mal frappe les gens bien ? La littérature face au scandale du mal. Il me semblait en effet que les grandes fictions, en comptant avec l’émotion, avaient quelque chose à nous dire à ce sujet. Quelque chose qui supposait, pour être recueilli, de transformer l’écriture de la pensée en une sorte de bagarre. Comme s’il s’agissait d’attraper au collet un Dieu sur lequel on ne comptait plus et de le secouer, de le secouer sinon jusqu’à ce qu’il nous répondre, du moins jusqu’à ce qu’il cesse d’ignorer le problème.

Frédérique Leichter-Flack est professeure des universités en littérature et humanités politiques au Centre d’Histoire de Sciences Po. Ses recherches se situent au croisement de la littérature, de l’histoire et de la philosophie, et portent en particulier sur les questions éthiques. Elle a notamment écrit sur la fabrique des dilemmes moraux dans le laboratoire de la fiction (Le Laboratoire des cas de conscience, Alma, 2012 / rééd. Champs Flammarion, 2023), sur les choix tragiques en situation extrême et les enjeux de triage et de rationnement dans le champ des humanités médicales (Qui vivra qui mourra. Quand on ne peut pas sauver tout le monde, Albin Michel, 2015), sur la mémoire des violences de masse et sur le scandale du mal tel que la littérature l’affronte (Pourquoi le mal frappe les gens bien? La littérature face au scandale du mal, Flammarion, 2023)