Actualité
Appels à contributions
Auteur-traductrices autour de 1800. Statut d’auteur, pratique de traduction et genre au carrefour des débats esthétiques et sociaux (Padoue & Lausanne)

Auteur-traductrices autour de 1800. Statut d’auteur, pratique de traduction et genre au carrefour des débats esthétiques et sociaux (Padoue & Lausanne)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Angela Sanmann)

Auteur-traductrices autour de 1800.

Statut d’auteur, pratique de traduction et genre au carrefour des débats esthétiques et sociaux 

Università degli Studi di Padova, 07.–08.03.2024

en coopération avec l’Université de Lausanne 

Organisation : Daniele Vecchiato (Padua) et Angela Sanmann (Lausanne)

Les femmes écrivent et traduisent depuis toujours. Qu’elles publient leurs œuvres (de façon anonyme, orthonyme ou sous pseudonyme), qu’elles les fassent circuler en privé ou qu’elles les gardent sous clé, cela dépend du contexte historique de l’époque, des conditions sociales et de leur situation individuelle. La question du rôle joué par le sexe en tant que facteur déterminant sur le statut d’auteur préoccupe les études littéraires depuis les années 1980 au moins. Ce n’est que peu après que l’on a commencé à s’intéresser aux œuvres et aux pratiques culturelles des traductrices, et là aussi, ces dernières années, l’attention s’est de plus en plus dirigée sur l’interaction entre le genre, l’âge, l’origine (sociale) et le niveau de formation. Des nombreux colloques, volumes collectifs et publications individuelles mettent en lumière les activités d’écriture, de traduction et de médiation des femmes sous différentes perspectives et tirent de l’oubli des œuvres des femmes méconnues (p.ex. Dow 2007; Wehinger/Brown 2008; Lerousseau 2013; Leyh/Müller/Viehöver 2018; Sanmann/Hennard/Cossy 2018; Krimmer/Nossett 2020, Brown 2022, Wernli 2022 etc.).

Jusqu’à présent, les points de contact entre la recherche littéraire et la traductologie sur les femmes de lettres sont plutôt rares. La plupart du temps, l’accent est mis soit sur l’œuvre traduite (par ex. Hannemann 2005 sur Sophie Mereau, Brown 2012 sur Luise Gottsched), soit en premier lieu sur la production littéraire (par ex. Hammerstein/Horn 2008 à nouveau sur Mereau, Pailer 2009 sur Charlotte Schiller, également Holmgren 2007), souvent aussi sur la contribution des femmes au développement de certains genres littéraires (par ex. Fleig 1999 sur le drame, Balmer 2011 et Gallas/Meuser 2013 sur le roman). Cette approche est compréhensible, car les études citées représentent des travaux pionniers qui créent tout d’abord une base pour des études scientifiques plus approfondies des œuvres en question.

L’analyse de l’interaction entre traduction et écriture dans l’œuvre des femmes de lettres se révèle cependant fondamentale. Car même autour de 1800, et peut-être surtout à cette époque, lorsque le potentiel artistique de la traduction s’épanouit dans la théorie et dans la pratique, les deux activités forment souvent un continuum (Nebrig/Vecchiato 2018, toutes époques confondues chez Bassnett/Bush 2006, Buffagni 2011). La pratique de la traduction influence l’écriture et vice versa, et cela aussi bien du point de vue du contenu que du style.

Alors que la co-existence entre écriture et traduction chez les auteurs masculins du 18e au 20e siècle a déjà fait l’objet de réflexions - sous les termes « translator-author » (Bernofsky 2005), « Autor-Übersetzer » (Telge 2017/2022) ou « poète-traducteur » (Lombez 2003/2016, Sanmann 2013) -, cela ne vaut pas dans la même mesure pour les autrices. Le lien entre écriture et traduction dans l’œuvre des « auteur-traductrices » (« Autor-Übersetzerinnen ») n’a jusqu’à présent fait l’objet que de recherches isolées (comme par ex. chez Nebrig in Sanmann/Hennard/Cossy 2018, Sanmann 2021 et Middelhoff 2022). Pourtant, il n’est pas nécessaire de chercher longtemps des exemples de cas : Il est plutôt difficile de trouver des femmes de lettres qui n’ont pas été actives dans les deux domaines au cours de leur carrière littéraire.

C'est là qu’intervient notre colloque. Il met l’accent sur l’interaction entre les activités d’écriture et de traduction des femmes autour de 1800 et met délibérément au féminin le concept bien établi d’«auteur-traducteur ». Par « auteur-traductrice », on entend donc des traductrices qui sont elles-mêmes autrices. L’objectif est d’illustrer et de discuter la diversité des positions et des stratégies littéraires et traductives.

Souvent, les auteur-traductrices autour de 1800 - tout comme leurs collègues masculins d’ailleurs -, n’aspirent justement pas à une reproduction philologiquement exacte de l’original en langue étrangère, mais interprètent et transforment le texte source d’une manière qui lui confère une empreinte individuelle dans la langue cible. Leurs traductions détachent l’original de son contexte initial et le renégocient dans le contexte littéraire, politique et social de la culture cible. Des thèmes sociopolitiques controversés tels que les rôles attribués aux sexes, l’éducation des femmes et le statut d’auteur trouvent un écho dans leur réflexion et leur pratique traductive. On constate ici des recoupements avec les questions que les autrices abordent dans leurs propres œuvres et péritextes. Ceux-ci se trouvent non seulement au niveau du contenu (par ex. sous forme de reprise - parfois modifiée - de constellations de personnages ou d’analogies structurelles frappantes dans le déroulement de l’intrigue), mais aussi au niveau du style, dans des lignes de jonction entre les textes personnels et les textes traduits. La question qui se pose ici est de savoir si et dans quelle mesure les auteur-traductrices, qui transforment les textes dans la langue cible, considèrent la traduction comme une pratique créative et intellectuelle équivalente à l’écriture ou plutôt comme un métier, un service ou tout simplement un travail rémunéré. Car la co-existence de l’écriture et de la traduction peut aussi avoir des raisons pratiques : Les femmes qui tentent de s’établir comme autrices professionnelles combinent souvent les deux activités, en fonction des commandes, des options de publication et de la conjoncture dans le secteur de l’édition.

Notre colloque offre l’occasion d’approfondir et de différencier la réflexion sur le concept d’« auteur-traductrice ». Les contributions théoriques à ce sujet sont les bienvenues. En complément, les conditions historiques de la double activité d’écriture et de traduction des auteur-traductrices seront mises en perspective à l’aide d'études de cas. L’accent sera mis sur les femmes de lettres de la période 1770-1830 qui traduisent du français, de l’italien et de l’anglais vers l’allemand ou de l’allemand vers l’une de ces langues et qui se distinguent en même temps par leurs propres œuvres littéraires. Des aperçus ponctuels d’époques antérieures peuvent compléter le panorama.

Nous invitons toutes les personnes intéressées à soumettre des propositions sur les thématiques suivantes :

Réflexion et positionnement en tant qu’auteur-traductrice

·       Comment les auteur-traductrices articulent-elles leur perception d’elles-mêmes par rapport aux activités d’écriture et de traduction ?

o   Comment reflètent-elles les activités d’écriture, de traduction, de rédaction et d’édition et les défis qu’elles représentent dans les ego-documents (lettres, journaux intimes, autobiographies) ?

o   Quelle est la fonction des péritextes pour l’auto-positionnement et la mise en scène de son propre rôle d’autrice ou de traductrice ? Dans quelle mesure les dédicaces, préfaces, postfaces, notes, etc. orientent-elles la réception de ses propres textes ou des textes traduits ? Quel est le rapport entre les péritextes et la pratique littéraire ou de traduction ?

·       Dans quelles conditions les auteur-traductrices optent-elles pour l’une ou l’autre activité ?

Stratégies d’écriture et de traduction : la pratique esthétique

·       Quelles interactions entre les activités d’écriture et de traduction peuvent apparaître au niveau du contenu (thèmes et motifs) ?

·       Dans quelle mesure la traduction sert-elle d’inspiration et de point de départ pour la création littéraire personnelle ou d’exercice de style ?

·       Dans quels cas les femmes de lettres considèrent-elles la traduction comme un acte créatif à part entière ?

·       Quelles stratégies d’écriture et de traduction créatives permettent aux auteur-traductrices d’aborder des questions socio-politiques dans leurs propres textes ou dans les textes traduits (rôles des sexes, droits des femmes, éducation féminine, institution du mariage, etc.)

·       Dans quelle mesure les auteur-traductrices associent-elles des objectifs socio-politiques divergents à l’écriture ou à la traduction ? Comment reflètent-elles ces objectifs ?

·       Quelles sont les formes hybrides entre écriture et traduction (traductions libres, adaptations, œuvres personnelles analogues à la structure, emprunts de personnages, etc.) 

·       Quel rôle joue le droit d’auteur naissant dans l’activité d’écriture et de traduction des femmes ?

Les auteur-traductrices dans les réseaux et les coopérations

·       Quelles sont les formes de collaboration entre les auteur-traductrices et les membres de leur famille ou leurs collègues - dans leur propre pays ou à l’étranger ?

·       Dans quelle mesure les auteur-traductrices profitent-elles des réseaux avec des intellectuels de langue étrangère et comment cela se reflète-t-il dans leurs propres œuvres et dans les œuvres traduites ?

·       Quel rôle jouent les mécènes et les mentors ?

·       Dans quelle mesure les auteur-traductrices sont-elles impliquées dans des projets de traduction de grande envergure (p. ex. dans le cadre d’éditions d’œuvres d’auteurs canonisés de langue étrangère) ?

Les auteur-traductrices sur le marché littéraire

·       Dans quelles conditions les auteur-traductrices publient-elles de manière orthonyme, pseudonyme ou anonyme ? Y a-t-il des différences entre les textes personnels et les textes traduits ou selon le genre littéraire choisi ?

·       Quand les femmes de lettres décident-elles consciemment de ne pas publier leurs textes dans un but commercial et préfèrent les faire circuler dans un circuit privé ?

·       Quels sont les facteurs qui influencent le choix des textes à traduire ? Quelles sont les instances qui décident (maisons d’édition, mécènes, etc.) ?

·       Comment les auteur-traductrices combinent-elles leurs activités d’écriture et de traduction et comment reflètent-elles ces sources de revenus dans leur correspondance privée et professionnelle ? 

·       Comment obtiennent-elles des commandes de traduction ou des options de publication pour leurs propres textes ?

·       Quel est le potentiel de création de réseaux et de promotion ou de publication d’œuvres qui résulte du double ancrage dans la traduction et l’écriture ?

·       Quel rôle jouent les revues dans la pratique de publication des auteur-traductrices? Quelles revues fondent-elles elles-mêmes et avec quel programme ?

·       Comment le travail des auteur-traductrices est-il perçu ? Quelles sont les réactions de leur entourage social ou privé et comment celles-ci influencent-elles la réception ultérieure de leurs œuvres ?

Veuillez trouver la liste des œuvres citées sur le site du colloque: https://tinyurl.com/autoruebersetzerinnen

Langues de travail : allemand, anglais, italien, français. 

Durée des conférences : 25min + 15min de discussion.

Les résumés (max. 500 mots) et une courte bio-bibliographie (max. 100 mots) sont à envoyer jusqu’au 22 novembre 2023 à :

daniele.vecchiato@unipd.it et angela.sanmann@unil.ch.

La sélection sera effectuée avant le 7 décembre 2023.