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Qu’est-ce que résister aujourd’hui dans les Arts et dans La Littérature ? (Université de Caen Normandie, Caen)

Qu’est-ce que résister aujourd’hui dans les Arts et dans La Littérature ? (Université de Caen Normandie, Caen)

Publié le par Mihai Duma (Source : Faouzia Righi et Jihane Haddouchi)

Qu’est-ce que résister aujourd’hui dans les arts et dans la littérature ?  Séminaire doctoral organisé avec le soutien LASLAR (MRSH) : le 2 mars 25, le 6 mars 26 et le 20 avril 26 : Université de Caen Normandie  

 

Le philosophe Jacques Bouveresse écrit à propos de la littérature qu’elle est « une voie d’accès qui ne pourrait être remplacée par aucune autre, à la connaissance et à la vérité » (Bouveresse, 2008). 

Nous proposons dans ce séminaire de lire et d’explorer la notion de résistance dans les littératures francophones (au sens large du terme) et étrangères (européennes et extra-européennes) ainsi que dans les autres formes d’art, en tant que cheminement qui mène à une connaissance transformatrice et une conscience réformatrice du monde, sans négliger le fait que cette connaissance puisse être produite par des œuvres qui se détournent volontairement du monde. 

Dans Qu’est-ce que la littérature ? Jean-Paul Sartre conçoit l’acte d’écrire comme « une certaine façon de vouloir la liberté ». Il écrit en effet : « si vous avez commencé, de gré ou de force vous êtes engagé » (Sartre, 1948, p. 72). Ainsi, l’acte d’écrire est un acte de liberté à travers la projection de représentations et le dévoilement de voix multiples pour dire le monde. Il s’agit d’un engagement littéraire, envers le lecteur comme envers la société car il consiste à prendre la plume pour libérer non seulement la parole, mais aussi les réalités sociales et politiques tues, que le silence contribue à maintenir dans l’ombre. Là où Jean-Paul Sartre affirme que la littérature est inséparable d’un engagement de l’écrivain en faveur de la liberté, Michel Foucault préfère déplacer la question vers le discours lui-même : « le discours n'est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pourquoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s'emparer » (Foucault, L’ordre du discours, 1971, p. 11). De ce fait, le texte littéraire constitue un lieu où s’affrontent domination et résistance. 

C’est dans cette perspective que, dans un esprit d’interdisciplinarité et de pluridisciplinarité, nous examinerons la manière dont le verbe « résister » se décline dans la littérature (y compris la littérature de jeunesse) et dans les autres productions artistiques de l’extrême contemporain. À quoi résiste-t-on ? Pourquoi et par quels dispositifs ? Comment cette ou ces résistances redéfinit/ssent-elle(s) les poétiques fictionnelles et les techniques d’art, c’est-à-dire le « poéïn » (ποιεῖν) de l’artiste et de l’auteur ? En quoi la résistance en question pourrait-elle être considérée parfois comme révolutionnaire ou pas, autrement dit, peut-on dire résister quand on résiste aux valeurs de la modernité (en tant que valeurs émancipatrices) ? Si c’est le cas, selon quelles modalités et pour quelles raisons ? Pourquoi assiste-t-on parfois dans certaines œuvres à une résistance interne de la littérature qui, par nombrilisme ou pur formalisme, choisissent de demeurer sourdes aux bruits du monde ? Ce pourquoi, William Marx a déclaré non sans provocation : « la mort de la littérature ».  

L’interrogation de la notion de résistance nous place au cœur d’une problématique universelle et en même temps « topoïque » assez ancienne : celle de la fonction de l’art, mais au-delà de cela, il s’agit de sonder dans la trace littéraire, plastique et visuelle contemporaine la contestation de différentes formes d’oppression (socio-culturelle, liée à l’invisibilisation et à la minoration de genre et de groupes sociaux - politique, liée à l’éclipse démocratique et à la montée de populismes ouvertement suprémacistes -esthétique, liée à une quête autre que celle qui questionne les remous et les travers du monde). Dans ces configurations, le genre devient un opérateur de tri politique dans les régimes populistes qui instrumentalisent par exemple les normes de virilité ou de maternité pour définir le « peuple » légitime et ce que doit être l’ordre moral. Dans cette perspective, les questions liées au genre et aux subjectivités minorées, contribuent dans la littérature et les arts à subvertir les normes, en dévoilant notamment les rapports de domination liés au sexe et à la sexualité. Ainsi, les poétiques et les esthétiques de « dé-sassignation » deviennent un espace de contestation ou de détournement. 

 Cette réflexion entre en résonance avec d’autres luttes, notamment la question écologique et les différentes luttes d’émancipation à l’intérieur des États post-coloniaux (et les autres). Ces thématiques arrêteront également notre intérêt. 

Dans ce sens, la perspective du séminaire n’est pas strictement décoloniale, ce serait en effet beaucoup trop dichotomique comme prisme d’analyse. En effet, de nombreux pays connaissent aujourd’hui un recul dans leurs acquis démocratiques, parfois récents, c’est pourquoi des luttes s’organisent, tant bien que mal, contre les tutelles autocratiques, leur langue de bois, la prédation et toutes les formes de persécution, au nom d’une valeur universelle et inaliénable : la liberté. Comment dès lors, écrivains et artistes vivant dans ces pays ou dans leurs nombreuses diasporas, continuent-ils de créer ? Par quel geste dépassant tout enfermement culturaliste ou identitaire, œuvrent-ils directement ou obliquement pour une pensée critique ?

Nous examinerons aussi avec intérêt, les propositions qui suggéreront une réflexion sur la question de la transmission didactique (dans les manuels scolaires et les choix curriculaires) de cette résistance ou encore de son blocage organisé et délibéré.  

Il s’agit donc d’explorer la place politique au sens grec du terme (gestion et organisation de la cité -πόλις / pólis) que l’on peut donner à une œuvre d’art qui résiste. Quelles tensions révèle-t-elle et quels espoirs soulève-t-elle, voire quelle utopie peut-elle dessiner ? Au-delà de considérer la littérature ou toute autre forme d’expression artistique comme un simple témoignage, un simple document attestant d’une époque ou d’un fait de société, à la manière des sociologues, des historiens ou des « Cultural Studies », nous cherchons dans ce séminaire à comprendre comment l’acte de création esthétique en tant que tel, offre de nouvelles perspectives collectives et redéfinit le sujet. 

Nous proposons les axes suivants, mais ils ne sont bien sûr pas exclusifs :  

1- Les littératures contemporaines au prisme des populismes aujourd’hui 

2- Littérature et droit 

3- Transmettre la contestation, quelle didactique pour une émancipation citoyenne ?  

4- Didactique de la lecture et résistance 

5- Littérature de jeunesse et éducation à la liberté à travers les albums, les romans et le théâtre. 

6- Éthique de la résistance et nouvelles poétiques de la fiction. 

7- Littérature et philosophie 

8- Genre, sexualité et corps : résistances esthétiques et politiques

Bibliographie indicative 

·      Bouveresse, Jacques, La connaissance de l’écrivain, Sur la littérature, la vérité et la vie, Coll. Banc d’essais, Marseille, Agone, 2008.

·      Butler, Judith. Défaire le genre. Traduit de l’anglais par Maxime Cervulle, postface traduite par Joëlle Marelli, Paris, Éditions Amsterdam, 2016.

·      Compagnon, Antoine, La littérature, pourquoi faire ? Paris, Fayard, 2013.  DOI :10.4000/books.cdf.522 

·      Compagnon, Antoine, Les anti-modernes, Paris, Gallimard, 2005.

·      Fanon, Frantz, Les damnés de la terre, Paris, François Maspero / La Découverte,1961. 

·      Foucault, Michel. , Surveiller et punir : Naissance de la prison. Paris, Gallimard, 1975.

·      Gaussens, Pierre (et alii), Critique de la raison décoloniale - Sur une contre-révolution intellectuelle, Collectif, Traduit de l'espagnol par Mikaël Faujour et Pierre Madelin, Paris, L’Échappée, 2024. 

·      Haraway, Donna, Manifeste cyborg et autres essais : Sciences, fictions, féminismes. Anthologie établie et traduite par Laurence Allard, Delphine Gardey et Nathalie Magnan, Paris, Exils, 2007.

·      Heinich, Nathalie, Le paradigme de l’art contemporain, Structures d’une révolution artistique, Paris, Gallimard, 2014. 

·      Saïd, Edouard, L’Orientalisme, L’Orient créé par l’Occident, Paris, Points Essais, 2015. Todorov, Zvetan, Insoumis, Paris, Robert Laffont - Versilio, 2015. 

·      Todorov, Zvetan, Poétique de la prose, Paris, Le Seuil, 1971. 

·      Todorov, Zvetan, Littérature et Signification, Paris, Larousse, 1967.

Modalités pratiques 

Les propositions seront rédigées en langue française. 

Titre + Résumé de la communication (300 à 500 mots) + notice biographique

Date limite d’envoi des propositions de communication : le 15 janvier 2026 

Retour des réponses d’acceptation : le 02 février 2026 

Propositions à envoyer à : faouzia.righi@icloud.com, jihane.haddouchi@unicaen.fr