14ème Colloque International ISOLA (4 au 8 juillet 2023 - Paris). Humains et non-humains dans les littératures orales africaines : narrativités et poétiques environnementales à l’aube de la crise climatique
14ème colloque international ISOLA
Humains et non-humains dans les littératures orales africaines :
narrativités et poétiques environnementales à l’aube de la crise climatique
4 au 8 juillet 2023
INALCO - Institut National des Langues et Civilisations Orientales
65 rue des grands moulins
75013 Paris
Les derniers rapports sur les conséquences du réchauffement planétaire par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous placent une fois de plus devant l’urgence de changer la relation au vivant des sociétés industrielles. Parus en même temps que la propagation de la pandémie de la Covid‑19, ces rapports[1] ont conforté les appels à la responsabilité adressés de longue date aux pouvoirs politiques et économiques, tant par des chercheuses et chercheurs que par des activistes écologistes. Le slogan « il n’y a pas de planète B » attire l’attention sur les modifications climatiques extrêmes et les risques pour la survie des humains, des animaux et de l’environnement. Les données scientifiques impliquent l’urgence d’agir pour orienter les économies contemporaines vers une reconversion éco-climatique et sociale incluant la diminution drastique de l’exploitation du monde et des personnes, dans le respect des écosystèmes. Les litiges portant sur la relation entre les intérêts économiques, environnementaux et sociaux prennent de l’ampleur et les responsables des désastres écologiques sont mis en cause. Il semble que l’on soit à un tournant avec la condamnation en mai 2021 de Shell pour la pollution au Nigeria et celle de l’État français en février 2021 pour son inactivité en matière de changement climatique. Pour utiliser une métaphore animalière, il faut retenir qu’« un loup reste un loup » et que la reconversion vers la durabilité des industries et des États peut se révéler éphémère et peu incisive, d’autant plus dans une situation de guerre comme celle ayant éclaté en Europe de l’Est en 2022.
Cependant, la relation au monde que l’on peut qualifier de « colonialiste », du fait d’hommes qui se pensent « maîtres et possesseurs de la nature » selon les mots de Descartes, menant à l’épuisement de ressources perçues comme illimitées, n’est ni partagée par tous ni de tous temps. Les chants du rituel lamal chez les Samburu du Kenya[2] comme le conte bien connu en Afrique de l’Ouest du chasseur trop adroit orientent par exemple la pensée vers une relation aux êtres vivants et aux forces/objets géophysiques moins prédatrice du monde. Comment des productions orales de ce type peuvent-elles prendre sens dans les préoccupations environnementales actuelles ? Faut-il repenser les analyses du passé, souvent allégoriques (Iheka 2018), sur les éléments géo/zoo/étho/biologiques des littératures orales ? Quelle inspiration peuvent fournir les productions orales pour le renouveau des études africaines sur la relation entre l’art de la parole et l’environnement naturel ? Et quelle inspiration pour la pensée et les pratiques des sociétés industrielles en Afrique et ailleurs face à la crise climatique à laquelle nous sommes confronté•e•s ?
Depuis les années 1990, les études en écocritique (ecocriticism) puis le courant écopoétique, mettant en avant l’esthétique littéraire liée aux discours sur le vivant, se sont penchés sur la problématique environnementale. Ces nouvelles approches littéraires accordent une attention accrue aux récits qui remettent en question une pensée trop anthropocentrique et déconstruisent la relation nature/culture et les notions d’altérité et de nature « sauvage », trop fermement posées, notamment par les approches structuralistes (par exemple Barry 2009, Descola 2011, Garnier 2022, Ijeka 2018, Iovino et Oppermann 2012, Schoentjes 2015, Posthumus 2013). Encore très ancrée dans les productions écrites, l’écopoétique commence à s’ouvrir à ce que représente l’oralité dans l’expérience vécue des environnements : les sons, les couleurs et les mouvements, l’attention sensible portée aux lieux et aux relations, et les connaissances s’y construisant (Bourlet, Lorin et Morand 2020)[3].
__
Le 14ème colloque d’ISOLA « Humains et non-humains dans les arts de la parole en Afrique. Narrativités et poétiques environnementales à l’aube de la crise climatique » se propose d’investiguer les littératures orales en Afrique et dans la diaspora par la perspective de plusieurs approches qui posent au centre de la recherche les rapports entre les arts de la parole et l’environnement.
Les propositions de communications et de panels pourront s’inscrire dans les sous-thèmes suivants :
1. Les relations entre humains et non-humains dans les littératures orales africaines
2. Sons, mouvements, couleurs : sensorialités de l’environnement dans les littératures orales
3. Sida, Ébola, Corona… quand les virus s’invitent dans la création littéraire et artistique
4. Narrativité et création poétique face au réchauffement climatique
5. Créativité féminine et poétique du monde
6. Les enfants face à la crise climatique : poétique et inventivité
7. Le conjoint animal et autres motifs « transhumanistes » dans les arts de la parole
8. Leçons animalières et comportements écoresponsables
9. L’eau comme source de vie et de mort
10. Écopoétique et catastrophes naturelles et surnaturelles
11. Nouvelles technologies de la communication et environnement : entre continuité et transformations.
__
Notes
[1] Accessibles sur le site : https://www.ipcc.ch/
[2] Wachira, James Maina. 2021. Non*human Matter[ing]s: NarRating Conservation in Selected Kenyan Eco-Texts. Thèse sous la dir. de Susan Arndt. Université de Bayreuth.
[3] Sur le modèle de l’« acoustémologie », connaissance de et par le son, développée par Steven Feld (1996).
__
Bibliographie indicative
Barry, Peter. 2009. Ecocriticism. Beginning Theory: An Introduction to Literary and Cultural Theory. Manchester : Manchester UP, pp. 239-261.
Blanc, Guillaume. 2020. L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Eden africain. Paris : Flammarion.
Bourlet, Mélanie, Lorin, Marie et Morand, Katell (dir.). 2020. Ec(h)opoétiques. Cahiers de littérature orale n°87.
Chaudet, Chloé, Garrait-Bourrier, Anne, Lamrous, Lila et Loisel, Gaëlle (textes réunis par). 2022. « Écocritique(s) et catastrophes naturelles : perspectives transdisciplinaires ». https://www.fabula.org/colloques/sommaire7756.php
Descola, Philippe. 2011. L’écologie des autres. L’anthropologie et la question de la nature. Versailles : Quæ.
Feld, Steven. 1996. “Waterfalls of Song: An Acoustemology of Place Resounding in Bosavi, New Guinea” in Feld Steven & Basso Keith (eds.), Senses of Place. Sante Fe: School of American Research Press, pp. 91‐135.
Garnier, Xavier. 2022. Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux. Paris : Karthala.
Gugg, Giovanni. 2015. « The risk selection around the Mount Vesuvius. Between volcanic threats and ecological dangers » in Ayan Hazra (ed.). Environment and society. Hidayatullah National Law University (New Raipur, India): Lambert Academic Publishing, pp. 150-180.
Iheka, Cajetan. 2018. Naturalizing Africa: Ecological Violence, Agency, and Postcolonial Resistance in African Literature. Cambridge : Cambridge University Press.
Iovino, Serenella et Oppermann, Serpil. 2012. « Material ecocriticism: materiality, agency, and models of narrativity ». Ecozona, 3 (1), pp. 75-91.
Schoentjes, Pierre. 2015. Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique. Marseille: Wildproject.
Posthumus, Stéphanie. 2013. « Penser l’imagination environnementale française sous le signe de la différence ». Raison Publique, 17, pp. 15-21.
__
Modalités de soumission
ISOLA s’engage à la promotion de l’excellence académique. Les communications et panels proposés devront défendre une thèse bien définie, montrer leur familiarité avec les axes de recherches en cours, traiter du thème de la conférence et porter sur l’Afrique ou la diaspora africaine. Les langues de travail sont l’anglais et le français.
Les résumés, comptant 500 mots maximum, complétés du nom de l’auteur(e), de l’institution à laquelle il/elle est affilié(e), d’une adresse email et d’une brève biographie, devront être déposés dans les deux langues sur le site du colloque : https://isola-14.sciencesconf.org
Date limite de réception des résumés : 15 décembre 2022.
Les notifications d’acceptation seront envoyées à partir de mi-janvier 2023.
__
Comité scientifique
Akintunde Akinyemi (University of Florida, États-Unis)
Elara Bertho (LAM, CNRS, France)
Julien Bondaz (Université Lumière Lyon 2, France)
Sandra Bornand (LLACAN, CNRS, France)
Alice Degorce (IMAF, IRD, France)
Xavier Garnier (Université Sorbonne Nouvelle & Institut universitaire de France)
Giovanni Gugg (Université « Federico II », Naples, Italie)
Benoît Hazard (IIAC, CNRS, France)
Éric Jolly (IMAF, CNRS, France)
Maëline Le Lay (THALIM, CNRS, France)
Cécile Leguy (Université Sorbonne Nouvelle, France)
Christine Le Quellec-Cottier (Université de Lausanne, Suisse)
Tendai Mangena (Great Zimbabwe University, Zimbabwe)
Daniela Merolla (LACNAD, INALCO, France)
Katell Morand (Université Paris Nanterre/CREM-LESC, France)
Ghirmai Negash (Ohio University, Etats-Unis)
Rose Opondo (Moi University, Eldoret, Kenya)
Annachiara Raia (Leiden University, Netherlands)
Paulette Roulon-Doko (LLACAN, CNRS, France)
Mohand Akli Salhi (Université Mouloud Mammeri, Tizi-Ouzou, Algérie)
Alain Sanou (Université Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina Faso)
Antoinette Tidjani Alou (Université Abdou Moumouni, Niger)
Jacomien van Niekerk (University of Pretoria, Afrique du Sud)
Felicity Wood (University of Fort Hare, Alice, Afrique du Sud)
__
Comité d'organisation
Sandra Bornand, chargée de recherche (LLACAN, CNRS-INALCO)
Philippe Glâtre, doctorant (LACITO, CNRS-Sorbonne Nouvelle)
Hermelind Le Doeuff, doctorante (LACITO, CNRS-Sorbonne Nouvelle)
Cécile Leguy, professeure (LACITO, CNRS-Sorbonne Nouvelle-INALCO)
Daniela Merolla, professeure (LACNAD, INALCO)
Katell Morand, maîtresse de conférences (Université Paris Nanterre)
Responsable du colloque pour ISOLA : Akintunde Akinyemi, University of Florida, Gainesville (USA), Vice-Président.
__
Photographie : Djéliba Badjé (1941-2018), jasare zarma (griot généalogiste et historien) - Niamey, Niger.
© Gustave Deghilage (2015)