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Appels à contributions
antiAtlas des épistémicides

antiAtlas des épistémicides

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Anna Guilló)

antiAtlas des épistémicides 
Une proposition d’Anna Guilló / Collectif antiAtlas des frontières

Présentation générale

antiAtlas des épistémicides est un projet artistique et scientifique collaboratif dont l’objectif est de réunir dans un ouvrage des notices et des articles synthétiques portant sur des épistémicides du passé ou du présent, quel que soit l’endroit de la planète concerné. Les articles seront accompagnés de la reproduction d’une œuvre sous forme de carte pensée expressément pour chaque exemple d’épistémicide donné. 

La question étant aussi singulière qu’insondable, ce projet n’a pas de vocation encyclopédique et vise, au contraire, par les choix opérés, à établir un atlas non exhaustif et subjectif, assumé à la fois comme ouvrage scientifique et catalogue artistique. 

La totalité des champs disciplinaires étant touchée par cette question, c’est à ce titre que antiAtlas des épistémicides ouvre son appel à contributions à une communauté d’auteurs sans distinction d’appartenance disciplinaire.

Modalités de soumission et calendrier 

Étape 1 : 
Les propositions d’articles (3500 caractères environ, espaces non compris), idées, suggestions et intuitions seront envoyées pour le 30 avril 2022, puis, au fur et à mesure du temps que chaque auteur voudra se donner, jusqu’à ce que nous réunissions une cinquantaine de propositions.

Étape 2 : 
Lorsqu’une dizaine de propositions seront recueillies et cartographiées, une prémaquette du projet antiAtlas des épistémicides sera proposée à différents éditeurs (et partenaires pour le financement – labos, organismes publics etc.).

Étape 3 : 
Une fois l’éditeur séduit et le budget trouvé (comprenant la rémunération des auteurs et des artistes), un appel à écriture des articles sera lancé. 

L’article final pourra prendre la forme d’une notice ou, préférablement, d’un article plus détaillé qui ne dépassera cependant pas 15 000 signes. Il sera accompagné d’une carte réalisée en étroite collaboration avec l’auteur, selon la nature de son article. Les propositions pourront également émaner d’un duo artiste/auteur sous couvert que l’œuvre proposée relève du large vocabulaire de la cartographie. Enfin, les contributions d’auteurs-cartographes-artistes sont également les bienvenues.
Les articles seront soumis à un comité de lecture qui, le cas échéant, proposera remarques et corrections. Les informations transmises seront rigoureuses et référencées par une bibliographie précise qui sera mise en commun en fin d’ouvrage. 

Les cartes réalisées ne seront pas conçues comme des illustrations des articles et pourront prendre n’importe quelle forme, du dessin à la photographie en passant par l’installation etc.

 Structure de l’ouvrage et premiers axes de recherche

I
Introduction (Anna Guilló)

1. Si les articles et images de l’ouvrage forment une constellation, cette dernière n’en est pas moins organisée selon différentes catégories et entrées thématiques, historiques, conceptuelles géographiques, etc. Par-delà le titre de l’ouvrage, il s’agira de distinguer les exemples qui relèvent des savoirs détruits, des savoirs confisqués et des savoirs occultés, tout en tenant compte du fait que ces catégories sont souvent poreuses. 
2. Qu’est-ce qu’un atlas ? 
3. Qu’est-ce qu’un épistémicide ?
4. Présentation des parties de l’ouvrage :

a) Savoirs détruits

b) Savoirs confisqués

c) Savoirs occultés

5. Esprit général et méthodologie du projet


Ce projet artistique trouve son origine dans une pratique du dessin cartographique élargi visant à répertorier graphiquement des pratiques invisibles. Le paradoxe un peu éculé de la représentation de l’invisible a très vite fait place à une nécessité de documenter scientifiquement ce projet et à l’ouvrir aux épistémicides ; c’est en cela qu’il se pense sous forme d’atlas. Après un long temps consacré aux lectures concernant cette question, le projet transversal s’est imposé puisque, même si le terme est issu du champ de la sociologie des émergences de Boaventura de Sousa Santos, il est, de fait, travaillé, dans le monde entier, par tous les champs disciplinaires. Le travail collectif s’est alors très simplement organisé autour d’un appel à contributions pour établir une première prévisualisation du projet de façon à ce que de ces articles à venir portant sur des savoirs détruits, confisqués et occultés, émerge non plus un savoir mais une forme de connaissance commune dont seul le résultat final finirait de nous donner la réponse. Un projet comme une bouteille à la mer, en somme, à l’exact opposé de la forme des projets « clé en main » que le monde académique et culturel tente de nous imposer, nous confisquant notre temps de recherche et de création entre le moment où il faudrait « monter un dossier », puis, à peine ce dernier accepté, déjà penser à le « valoriser ». La méthode, ici, est autre et repose sur une dynamique régie par la curiosité et le plaisir de porter à la connaissance du public une autre façon de penser le monde.

C’est dans ce même esprit, que nous voudrions réaliser ce premier tome de l’antiAtlas des épistémicides comme un objet à partir duquel pourront émerger différentes formes : expositions, séminaires, rencontres, programmations etc. Ainsi, là où généralement les livres viennent restituer les expériences et parcours de recherche (publications de thèses, actes de colloque, catalogue d’exposition, etc.), celui-ci viendrait plutôt les provoquer puisque ses contenus, non figés, nécessiteront un prolongement dans le débat public et sans doute l’avènement d’autre tomes.


II
Savoirs détruits (épistémicides)


Étymologiquement, un épistémicide est le meurtre d’une science entendue dans son sens propre de « connaissance ». On attribue ce terme au sociologue portugais Boaventura de Sousa Santos qui a publié en 2014 son ouvrage Epistemologies of the South. Justice against Epistemicide[1], traduit en français par Épistémologies du Sud. Mouvements citoyens et polémique sur les sciences[2], sous-titre dans lequel le terme « épistémicide » a disparu. Le terme se trouve depuis 1994 dans son œuvre, ainsi défini : 

Le nouveau paradigme constitue une alternative à chacun de ces traits. En premier lieu, il n’y a pas une forme unique de connaissance valide. Il y a beaucoup de formes de connaissances, autant que les pratiques sociales qui les génèrent et les soutiennent. La science moderne s’appuie sur une pratique de division technique professionnelle et sociale du travail et sur le développement technologique infini des forces productives dont le capitalisme est aujourd’hui l’unique exemple. Les pratiques sociales alternatives génèrent des formes alternatives de connaissance. Ne pas reconnaître ces formes de connaissance, implique de délégitimer les pratiques sociales qui les appuient et, dans ce sens, de promouvoir l’exclusion sociale de ceux qui les promeuvent. Le génocide qui caractérise tant de fois l’expansion européenne fut également un épistémicide : on a éliminé des peuples étranges parce qu’ils avaient également des formes de connaissances étranges et l’on a éliminé ces formes de connaissances étranges parce qu’elle se fondaient sur des pratiques sociales et des peuples étranges. Mais l’épistémicide a été beaucoup plus étendu que le génocide parce qu’il a toujours prétendu subalterniser, subordonner, marginaliser ou illégaliser des pratiques et des groupes sociaux qui pourraient constituer une menace pour l’expansion capitaliste, ou durant une bonne partie de notre siècle pour l’expansion communiste (sur ce point aussi moderne que le capitalisme), et aussi parce que cela est arrivé aussi bien dans l’espace périphérique et extra- nord-américain du système monde que dans l’espace central européen et nord-américain, contre les travailleurs, les indigènes, les noirs, les femmes et les minorités en général (ethniques, religieuses, sexuelles). 

Le nouveau paradigme considère l’épistémicide comme un des grands crimes contre l’humanité[3].  


Cette première partie réunira des articles sur des pratiques et des savoirs définitivement détruits, perdus à tout jamais. 

On pourra par exemple penser au contexte des 4 grands épistémicides du XVIe siècle répertoriés par Ramón Grosfoguel : 


1) La conquête d’Al Andalus et son génocide/épistémicide des Juifs et Musulmans. 

(Incendie de la bibliothèque de Cordoue ainsi que celles de Séville et Grenade (1 million de livres détruits en tout)

2) La conquête de l’Amérique et l’assassinat des Amérindiens

3) La mise en esclavage des Africains

4) Les femmes (sorcellerie)

Mais on ne résumera pas cette partie aux seuls effets de la colonisation au XVIe siècle. Elle s’ouvrira également sur tout épistémicide répertorié de la préhistoire à nos jours selon l’entrée thématique choisie par les auteurs. On pourra, par exemple, penser à la disparition des langues et, avec elles, des noms propres et communs, tout comme les toponymes. La question de la traduction au sens large du terme se pose également ici.
Ces destructions sont liées à l’annulation des panthéons et cultes religieux de toutes sortes, les épistémicides sont également des spiriticides. On pourra encore penser à toutes sortes de savoirs vernaculaires « remplacés » par d’autres jugés plus efficaces (la cartographie et, plus généralement, les pratique de l’orientation, en sont un bon exemple).
D’une manière générale, c’est l’ensemble des épistémicides à travers l’histoire et le monde qui est ici interrogée, bien au-delà de ce que l’on nomme les épistémologies du Sud. 


À compléter selon les bonnes idées de auteurs !


III Savoirs confisqués


Les savoirs confisqués sont souvent associés aux savoirs détruits puisqu’ils sont le fait de l’action d’un dominant sur un dominé ce qui signifie, d’une certaine manière, de déposséder ce dernier d’un savoir lorsqu’il ne s’agit pas tout simplement de l’éliminer. C’est en cela que tout génocide implique aussi un épistémicide.

Mais un savoir confisqué n’est pas à proprement parler détruit sinon déplacé, réutilisé, interprété (même s’il peut parfois, aussi être détruit par omission ou manque de maîtrise des savoir-faire). 

À ce titre, l’histoire de la connaissance des plantes médicinales est particulièrement éloquente. 

Voir, par exemple, Samir Boumediene, La Colonisation du Savoir : Une histoire des plantes médicinales du « Nouveau Monde » (1492-1750). 

Dans la droite lignée des questions liées à l’herboristerie, il y a celle de la médecine et de ses pratiques et de diverses pensées qui s’opposent, entre prévention, guérison, soin etc.

Aujourd’hui, on peut penser à la suprématie de l’industrie agroalimentaire soutenue par les gouvernements et qui empêche, par exemple, les paysans de resemer leurs propres récoltes ou encore interdit la culture de certains fruits et légumes, tout comme elle impose l’administration d’antibiotiques au bétail. (Voir le manifeste des 1052 éleveurs et éleveuses hors-la-loi).

De ces différentes confiscations naissent des pratiques clandestines, hors-la-loi dont il pourrait être question dans la conclusion.


À compléter selon les bonnes idées de auteurs !


IV Savoirs occultés


Si les savoirs peuvent être détruits ou confisqués, ils sont également occultés (ce qui peut, à terme, les précipiter vers l’oubli donc vers leur destruction s’ils ne sont pas conservés).
Les manuels scolaires et, plus généralement, les pédagogies opérées dans les différents pays du monde sont éloquentes. Comme dans cet atlas, les manuels scolaires toutes disciplines confondues sont concernés entre pans de l’histoire non enseignés ou carrément niés, organes non représentés (voir l’exemple récent de la réhabilitation de la représentation du clitoris), auteurs censurés etc. On pensera ici particulièrement aux femmes occultées, non mentionnées ou tout simplement dépossédées de leurs propres découvertes ou inventions dans l’histoire de l’art, des sciences, de la politique. 
Plus généralement, on pensera à la censure qui, parfois, a donné lieu à la perte réelle de connaissances lorsque les œuvres et les documents occultés n’ont pas été conservés. 

À compléter selon les bonnes idées de auteurs !

V Post-face en guise de conclusion ? Vers des savoir mutants. 

Samir Boumediene conclut son ouvrage en montrant que certains savoirs sont des savoirs résistants (il prend notamment l’exemple des plantes abortives utilisées en situation d’esclavage pour ne pas fournir de main d’œuvre supplémentaire aux maîtres). antiAtlas des épistémicides échappera à la dualité dominant/dominé pour montrer, aussi, comment les savoirs ne sont pas nécessairement conservés ou détruits mais aussi « mutants », osmotiques. 

À compléter selon les bonnes idées de auteurs !


Comité scientifique :

 Denis Chartier, PR en géographie environnementale, Université de Paris, (LADYSS)
Jean Cristofol, philosophe, ancien enseignant à l’ESA-Aix Félix Ciccolini, membre fondateur de l’antiAtlas des frontières
Jean-Michel Durafour, PR en Esthétique et théorie du cinéma, AMU (LESA)
Aurélia Dusserre, MCF en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université, (IREMAM)
Thierry Fournier, artiste, commissaire d’exposition indépendant, directeur artistique de l’antiAtlas des frontières.
Anna Guilló, artiste, PR en arts plastiques et sciences de l’art, Aix-Marseille Université (LESA), membre de l’antiAtlas des frontières
Magali Nachtergael, PR en littérature française et arts, Université de Bordeaux Montaigne (Plurielles). 
Cedric Parizot, anthropologue, CNRS, Aix-Marseille Université (IREMAM), membre fondateur de l’antiAtlas des frontières
Emilia Sanabria, anthropologue, chercheure au CNRS (Laboratoire CERMES3, Université Paris Cité, EHESS, INSERM)  

 

***
 
[1] Boulder/Londres, Paradigm Publishers, 2014
[2] Desclée de Brouwer, coll. « Solidarité et société », trad. de l’anglais au français par Alain Montalvão Lantoine, Séverine Laffon et Alexis-Michel Gauvrit. Traduction remaniée et adaptée par Aline Chabot et Jean-Louis Laville, 2016.
[3] Pela Mão de Alice: O Social e o Político na Pós-Modernidade, Porto: Afrontamento, (8e édition), 1994. Également publié au Brésil, São Paulo: Editora Cortez, 1995 (12e édition). De la mano de Alicia. Lo Social y lo político en la postmodernidad. Bogotá: Siglo del Hombre Editores e Universidad de los Andes, 1998, p. 431). 

Traduction (auteur non spécifié) trouvée sur le site de l’Institut de Recherche sur les mouvements sociaux (IRESMO) 

https://iresmo.jimdofree.com/2018/04/13/quelle-est-la-vraie-origine-de-la-notion-d-%C3%A9pist%C3%A9micide/