Perspectives transculturelles en langue, littérature et culture au XXIe siècle
Le Mans Université
19-20 mai 2022
Le concept de transculturalité, qui a beaucoup évolué depuis sa création par Fernando Ortiz en 1940, et sa théorisation par Wolfgang Welsch, puis Mikhail Epstein à la fin des années 1990, s'est progressivement imposé comme un nouveau champ d'études dans les sciences humaines et sociales. Il permet en effet de repenser à nouveaux frais l'idée de mondialisation culturelle, moins sous l'angle de l'uniformisation que, au contraire, des croisements multiples et d'un développement exponentiel des diversités. « L'ère transculturelle est à nos portes », a proclamé Richard Slimbach en 2005, alors qu'il définissait le « transculturalisme » comme une « quête pour définir des intérêts partagés et des valeurs communes au-delà des frontières culturelles et nationales ». La transculturalité implique la déconstruction de concepts tels que « société », « classe », « nation », « culture » ou « civilisation » et l'analyse des phénomènes sous divers angles insistant « sur la multipolarité, les perspectives multiples et les dynamiques transformatrices inhérentes au sujet de recherche » (König et Rakow). Des centres d'études transculturelles ont été créés à l'échelle internationale, et notamment en Europe et aux États-Unis, comme à l'Université de Heidelberg, à l'Université de Lancaster, à l'Université Jean Moulin Lyon 3 ou à l'Université de Pennsylvanie, chacun ayant une orientation particulière et/ou offrant des diplômes. La filière d'études transculturelles est proposée en option dans les programmes de licence (par exemple, à l'Université américaine de Washington), tandis que l'Université du Michigan propose un programme de Master accéléré en études transculturelles. Cette montée en puissance de la transculturalité nous incite à nous demander comment la perspective transculturelle a transformé les études anglophones et en particulier, les études américaines car cette perspective a été adoptée avec empressement non seulement dans l'étude de la littérature mais aussi en linguistique et traductologie. Les œuvres des écrivains exilés, (im)migrants, colonisés ou issus d'unions mixtes, ont souvent incarné, dans leur rapport à la langue, ce phénomène de passerelles d'une ère culturelle et linguistique à une autre – propice à l'élaboration d'une langue absolument singulière, expression neuve et propre à chaque auteur.
Peut-on, alors, parler d'une littérature transculturelle, ou les processus de recréation linguistiques sont-ils, eux-mêmes, trop personnels pour être abordés sous cet angle ? Comment leur spécificité peut-elle s'intégrer dans les cultural studies ? N'en défie-t-elle pas, d'emblée, les cadres de pensée ? Alors que Steven G. Kellman a théorisé le translinguisme littéraire, « le phénomène des écrivains qui créent des textes dans plus d'une langue ou dans une langue autre que leur langue principale », le changement d'orientation vers la culture a suscité la théorisation de la transculturalité dans les études littéraires. Tandis que l'étude d'Ariana Dagnino sur les écrivains transculturels, dans Transculural Writers and Novels in the Age of Global Mobility, semble reposer sur une sorte d'élitisme individuel, Elke Sturm-Trigonakis utilise finalement le terme de littérature transculturelle pour désigner les « textes hybrides » des « littératures des minorités » dans un nouveau cadre de référence, à savoir, la nouvelle littérature-monde (NWL). La littérature im(migrante) doit-elle également être abordée dans une perspective transculturelle ? Quels sont les processus qui mènent d'une perspective multiculturelle à une perspective transculturelle ? Et la littérature transculturelle doit-elle être étudiée dans le cadre de la nouvelle littérature-monde, « un sous-système distinct au sein du système littéraire supérieur, littérature-monde » ? Quelles sont les caractéristiques de la littérature transculturelle ? Dans quelle mesure faut-il différencier la première de la littérature translangue ? Quel est l'impact de la littérature translingue/transculturelle sur la société ? La « condition postmonolingue » (Yildiz) avec son accent sur l'interaction créative entre les langues et la littérature transculturelle implique-t-elle une rupture nette avec les dichotomies paradigmatiques « du Nord et du Sud », de « l'Occident et le reste » ou « les colonisés et les colonisateurs » ? Quel cadre théorique l'enseignement de la littérature transculturelle rend-il nécessaire ? Non seulement en études littéraires mais aussi en traductologie, le virage transculturel semble être le successeur du virage culturel qui s'est imposé dans les années 1990 et soulève plusieurs questions, notamment l'expertise transculturelle du traducteur. En linguistique, la transculturalité a été adoptée et une perspective de communication transculturelle a été associée à la recherche sur l'anglais en tant que lingua franca (ELF). De plus, la communication transculturelle, comme l'a noté Andeas Hepp, « fait partie d'une discussion académique continue sur la mondialisation et la médiatisation ». Nous pouvons nous interroger sur des questions telles que le rôle de la linguistique dans l'étude de la communication transculturelle.
Ce colloque en deux langues, anglais et français, qui s'étalera sur deux jours, se penchera sur la transculturalité en mettant l'accent particulièrement sur les États-Unis, invite à explorer des sujets liés à :
Généalogies de la transculturalité et des études transculturelles
Transculturalité et transnationalisme
Théorie transculturelle Littérature translangue/transculturelle
Littérature transculturelle et l'industrie du livre
Transculturalité et traduction Communication transculturelle
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Nous acceptons des propositions de communication individuelle ou des ateliers déjà constitués (3-4 communicants).
Les résumés de 300 mots en anglais et en français accompagnés d'une notice biographique de 100 mots, doivent être envoyées à
Aristi Trendel : Aristie.Trendel@univ-lemans.fr
Indra Karapetjana : indra.karapetjana@lu.lv
François Thirion : francois.thirion@univ-lemans.fr
Date limite : 15 novembre 2021.
Les articles qui auront reçu une évaluation positive seront publiés dans les actes du colloque.