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Tierslivre.net : François Bon à l'oeuvre

Tierslivre.net : François Bon à l'oeuvre

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Florence Thérond)

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tierslivre.net : François Bon à l'œuvre

 

Colloque : 28 et 29 novembre 2013

Université Montpellier III, RIRRA 21


 

Comité d'organisation: Pierre-Marie Héron et Florence Thérond


 

Dans son dernier ouvrage imprimé, Autobiographie des objets, François Bon parle d'un monde disparu (« le temps des objets a fini ») et d'une société qui a basculé : l'objet-livre lui-même tend à perdre sa raison d'être dans notre monde ouvert, où les productions se dématérialisent. Mais le constat est dénué de nostalgie. Car il est aussi le pionnier (mais il n'apprécie pas beaucoup ce terme...) d'une littérature à venir, celle qui s'invente sur le web et dont il explore depuis l'origine le potentiel.

Comme un certain nombre de ses livres depuis Tumulte (2005-2006) jusqu'à la série en cours Proust est une fiction, Autobiographie des objets a d'abord été écrit en ligne sur son site Le Tiers livre, où le lecteur a pu le découvrir jour après jour sous une forme séquencée. D'autres œuvres nativement numériques, explorant diverses possibilités de l'écriture web (hyperliens, intégration d'images, de sons, de vidéos, programmation aléatoire), donnent lieu depuis 2008 à des éditions numériques adaptées de l'original : Société des amis de l'ancienne littérature, Habakuk, Recherche d'un nouveau monde, Une traversée de Buffalo D'autres encore, comme l'expérience de web-roman Description du plateau de Saclay, ne sont visibles que sur le site. François Bon, « grand lecteur cerné par des machines », « écrivain du troisième type » comme le désignait en 2011 Pierre Assouline sur son blog La République des livres, fait de Tiers livre, où cohabitent textes achevés, textes en cours et textes de rodage, « mis en ligne avant maturation », le creuset d'une démarche de création arrimée au numérique.

 

C'est que, depuis 2009, Le Tiers livre est devenu le centre de son activité d’auteur, à la fois bibliothèque et laboratoire de son œuvre, « son arborescence, mais aussi sa finalité » : « les livres en sont un des éléments, mais le livre c’est définitivement le site web lui-même » (tierslivre.net, article 1996). Tout en acceptant l'idée de publications séparées, vues comme « dépôts du travail de blog et site », François Bon en est ainsi venu, en novembre dernier, à formuler le projet d'une œuvre-somme ouverte, unique et mosaïque : « enfin travailler à une seule arborescence infiniment remodelable ».

 


 Aujourd'hui, lire l'œuvre de François Bon, c'est donc explorer son site Le Tiers livre. De nombreuses pistes d'étude se présentent :


 

1/ On pourra réfléchir à la transformation de la notion d'œuvre dans ce contexte et aux images convoquées par l'auteur ou la critique pour tenter de la définir : l'arbre, le réseau, la ville, le labyrinthe (Dominique Viart), « l'œuvre-archive mosaïquée » (René Audet et Simon Brousseau, revue Protée, vol. 39)… Le site Web, véritable atelier de l'auteur, est un portail ouvert sur le monde et les mondes de François Bon : émissions de radio, ateliers d'écriture, essais, critiques, entretiens, billets quotidiens, commentaires de lecteurs. Peut-on dire dès lors que cet univers pluriel, où s'imbriquent les démarches du site d'auteur et du blog, fait œuvre ? Le terme même d' œuvre  est-il encore pertinent pour désigner cette ouverture de l'espace littéraire, ce «  mouvement de diffraction des contenus et d'accumulation archivistique, estompant l'identité propre de chacun des projets esthétiques » (René Audet et Simon Brousseau) ?


 

2/ Dans le prolongement de travaux actuels sur les formes de l'auctorialité sur internet, on pourra analyser aussi quel statut symbolique de l'écrivain se défait, quel autre, de François Bon comme écrivain, se construit, dans Le Tiers livre. Celui du « résistant » poussé par ses convictions ? : « à nous de contaminer Internet de l'intérieur, ne pas le laisser aux démolisseurs du monde »  (article 929) ? Celui du « moi en perdu, de l'écriture », qui écrit « un monde en bascule » (Gilles Bonnet) comme on « marche à tâtons », « contraint d'aller où il ne sait pas » (Tumulte, fragment 110) ? Si le champ numérique opère un déplacement en profondeur du statut de l'écrivain, bousculé dans ses rites, ses rythmes et ses réseaux, l'identité numérique ne va pas sans une forme de marginalisation et de solitude nouvelle. Comment François Bon, tout en refusant l'étiquette de « militant du numérique », assume-t-il cette posture de l'auteur internet ?

 

3/ L'espace-temps du Tiers livre n'est ni lisse ni clos, son passé et son présent, son dedans et son dehors s'y mêlent en des strates et des gestes d'écriture distincts, dont demeurent des traces parfois bien visibles. Il serait important d'en étudier l'arborescence (actuelle et passée) ; les strates et niveaux d'accessibilité (zones tout public, recoins discrets, zones réservées) ; le travail d'éditorialisation et les modes de lecture / navigation induits par le web et par l'auteur (sommaires, rubriques, commentaires, liens, recherche générale et par mots clés, flux rss …) ; les interactions avec d'autres circuits d'écriture, de communication et d'édition (éditions papier et numérique, sites secondaires, lectures performances, page Facebook, chaîne vidéo sur Youtube, fil Twitter, collective writing, etc.).


 

4/ Après le congé donné il y a quinze ans au roman papier, genre devenu à ses yeux insuffisant pour « coïncider avec notre propre réflexion sur nous-mêmes et le monde » (voir Impatience, 1999), François Bon semble avoir trouvé dans l'écriture web les moyens de faire des « mises en expérience qui donnent un point de vue sur le réel ». Or ce qui frappe, c'est la diversité des options d'écriture, d'une zone à l'autre du Tiers livre, d'un projet à l'autre. Une écriture tantôt spécifiquement web, multimédia et hyperliée, tantôt conventionnelle. Et une écriture multimédia plus « photo » que « audio », intégrant les images du monde plus que ses musiques et ses bruits. Si l'enjeu est une certaine adéquation du texte et du monde, cette diversité pose donc la question des choix opérés François Bon pour la réaliser. Plusieurs facteurs semblent jouer, qu'on pourra tenter de préciser et démêler : étapes d'une prise de conscience des atouts du web par rapport au livre imprimé pour dire le monde d'aujourd'hui (l'année au Québec, en 2009-2010 est à cet égard décisive) ; étapes d'apprentissage de l'écriture web ; évolution des outils technologiques ; règles d'écriture propres à un projet ; « négociation entre le texte et sa technique » (René Audet) liée à une réflexion sur la « validation symbolique » des œuvres aujourd'hui et la complémentarité du papier et du numérique
 

Les propositions de communication, accompagnées d'une notice biographique, sont à adresser jusqu'au 30 juin 2013 à spm.heron@gmail.com et à therond.florence@wanadoo.fr