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Street Art et Récit en Europe et dans le Monde (Nice)

Street Art et Récit en Europe et dans le Monde (Nice)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Solen Cozic)

Séminaire trandisciplinaire: Street Art et Récit en Europe et dans le Monde

Le Street Art est un mouvement mondial, dans le monde réel et dans le monde virtuel d’internet. Par ailleurs, la plupart des artistes voyagent beaucoup et exercent leur art dans les différents pays qu’ils traversent. Pourtant, les œuvres de Street Art sont génétiquement in situ : ce sont des œuvres en situation, voire des œuvres de situation. Le mouvement s’inscrit donc paradoxalement entre globalité et spécificité.

L’Europe joue un rôle moteur, puisque c’est aussi bien en Europe (avec notamment le Situationnisme, Ernest Pignon-Ernest ou Gérard Zlotykamien) qu’aux États-Unis (avec le mouvement du Style Writing Graffiti, Keith Haring ou Jean-Michel Basquiat) que le mouvement a émergé. Parmi les plus grands street artists figurent d’ailleurs, par exemple, des britanniques comme Banksy ou des français comme C215.

Le séminaire s’intéresse aux racines européennes du mouvement, aux spécificités qu’il présente dans les pays européens en regard des caractéristiques qu’il a ailleurs. Il s’intéresse en outre plus particulièrement aux liens qui se nouent entre Street Art et Récit.

« Le récit se moque de la bonne et de la mauvaise littérature : international, transhistorique, transculturel, le récit est là, comme la vie. » (Roland Barthes, Introduction à l’analyse structurale des récits). L’étude des récits du et sur le Street Art demeure à l’heure actuelle inexplorée dans la recherche mondiale. Or, comme l’écrit à juste titre Fabio La Rocca dans La ville dans tous ses états, le Street Art participe notamment à la mise en récit du paysage urbain. Le Street Art est un mouvement majeur de l’art contemporain aujourd’hui et, comme l’écrit Nathalie Heinich, l’art contemporain impose un « nouveau paradigme artistique » qui se caractérise, entre autres choses, par l’importance des discours, des récits et des médiations : « l’art contemporain est devenu, essentiellement, un art du ‘faire-raconter’ : un art du récit, voire de la légende » (Le paradigme de l’art contemporain. Structures d’une révolution artistique).

Lors du colloque de 2016 « Poets on the Walls. Street Art & Poésie », Ernest Pignon-Ernest a expliqué que le choix d’un lieu où coller ses images dans la ville (comme le double portrait de Pasolini en pietà, par exemple) dépendait de deux critères : un critère plastique (la qualité du mur, sa texture, sa couleur, son emplacement, son ensoleillement, etc.) et un critère qu’il appelle « symbolique » et qui est fait de l’histoire du lieu et de la mémoire. Par ses images, l’artiste fait « remonter à la surface l’histoire du lieu » (interview réalisée le 23/09/2016).

Il s’ensuit que, pour saisir la polysémie de l’œuvre, il est d’abord indispensable de faire le jour sur les sédimentations culturelles, historiques, symboliques et mythiques ou mythologiques du lieu. Il faut ensuite tenir compte de la situation de l’œuvre dans son présent, car l’image entre en résonance non seulement avec ces contenus implicites et fondateurs, mais aussi avec sa situation actuelle. L’œuvre se présente comme la conjugaison dialogique des mémoires et symboliques du lieu et de son contexte social, culturel et politique. Ainsi, lorsqu’Ernest Pignon-Ernest choisit de coller son Pasolini dans le quartier déshérité de Scampia, dans la banlieue de Naples, il entend adresser aux habitants du quartier le message du poète assassiné. De la même façon, lorsque l’artiste portugais Vhils réalise en 2012 le portrait d’un vieil homme à l’hôpital Sainte-Périne, à Paris, il le situe sur un mur qui n’est pas visible aux personnes qui pénètrent dans l’hôpital mais à celles qui en sortent. Or, l’hôpital accueille des malades terminaux et les personnes qui quittent les lieux sont les visiteurs valides. Le fait que le vieil homme ait le regard dirigé vers la sortie leur suggère que celui ou celle qu’ils viennent de quitter ne sortira hélas pas vivant.

D’autres grands artistes de Street Art, comme Banksy ou Niels Shoe Meulman, le fondateur du calligraffiti, ont par ailleurs recours aux mots dans leurs œuvres. Là aussi, une mise en récit s’impose, comme on peut en juger aux nombreuses pages que consacre par exemple Ulrich Blanché à chacune des œuvres de Banksy qu’il analyse dans Banksy. Urban Art in a Material World : récits qui restituent par exemple à Keep it Spotless (Defaced Hirst) ses multiples sous-entendus et son dialogue ambigu avec les Pharmaceutical (Spot) Paintings de l’artiste Danien Hirst.

Comment, sans exégèse, appréhender une œuvre comme le « Non au sandalisme » que Niels Shoe Meulman a exécutée sur un mur du campus Carlone, à la Faculté des Lettres de l’Université Nice Sophia Antipolis ? Il faut narrer comment le mot-valise « sandalisme » est formé à partir de « sandale » et « vandalisme », qu’il fait allusion au fait que certains étudiants se rendent à l’université en sandales, que cette attitude porte une connotation, car selon les codes vestimentaires en vigueur de nos jours, les sandales appartiennent au registre décontracté, négligé, casual, et non au registre plus strict que devrait imposer un temple du savoir. Il faut encore narrer que, comme toute bonne pièce de Street Art, l’œuvre de Shoe est un oxymore : en effet, l’adverbe « non » et le suffixe -isme de « sandalisme », qui associe cette attitude à du vandalisme, critiquent la décontraction des étudiants qui viennent en cours en sandales, c’est-à-dire qui prennent leurs études avec peu de sérieux ; mais toute la démarche du Street Art, issu en partie du Style Graffiti Writing, procède précisément du questionnement des règles, voire de leur transgression, ce qui lui vaut d’être parfois taxé de vandalisme, justement. On peut alors interpréter la phrase implicite « Non au vandalisme » à la lettre, ce qui suppose la revendication de la légitimité du Street Art (légitimité n’étant pas nécessairement légalité), ou, au contraire, de façon ironique, comme un pastiche du discours de ceux qui taxent le Street Art de vandalisme. Mais si c’est cette dernière option qu’on veut retenir, il faut alors aussi sans doute interpréter l’injonction faite aux étudiants de s’habiller correctement à l’université et de traiter leurs études avec sérieux sur le même mode ironique…

Disciplines concernées (liste non exhaustive) : Philosophie, Lettres, Information et Communication, Histoire de l’Art, Esthétique, Anthropologie, Sociologie, Géographie, Visual Studies, Cultural Studies. Une approche transdisciplinaire est néanmoins souhaitable.

Laboratoire porteur : Laboratoire Interdisciplinaire Récits, Cultures Et Sociétés (LIRCES)

 

Contexte 

Le Séminaire s’inscrit dans les travaux et projets du Nice Street Art Project, fondé en 2015 dans le but d’initier une recherche transdisciplinaire et de portée internationale sur le Street Art :

Le séminaire a pour but de fédérer les jeunes chercheurs de l’UNS travaillant sur le Street Art et des questions afférentes mais qui sont isolés les uns des autres. Il a aussi pour objectif de susciter des vocations de futurs mémoires de master et de futures thèses de doctorat.

 

Programme 

Vendredi 10 février 2017, 14h30-16h30:

Liliane Louvel (Université de Poitiers)

Florence Salanouve (Université Nice Sophia Antipolis)

Vendredi 10 mars 2017, 14h30-16h30:

Nathalie Heinich (CNRS)

Vittorio Parisi (Université Panthéon-Sorbonne Paris 1)

Vendredi 28 avril 2017, 14h30-16h30:

Marie-Joseph Bertini (Université Nice Sophia Antipolis)

Carole Talon-Hugon (Université Nice Sophia Antipolis | Institut Universitaire de France)