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Vénus dans tous ses états (Séminaire TIGRE, «Mythes et Illustration», séance 7, en ligne)

Vénus dans tous ses états (Séminaire TIGRE, «Mythes et Illustration», séance 7, en ligne)

Publié le par Marc Escola (Source : Evanghelia Stead)

Béatrice Joyeux-Prunel (Chaire Humanités numériques, Université de Genève), Vénus et l'art des modernes, du mythe au lieu commun.

Vénus est peut-être la figure mythique la plus représentée dans l'histoire de l'art. Une fois qu'on appréhende la circulation de cette image à travers les espaces et le temps en termes de Nachleben warburgien, a-t-on tout dit cependant ? On peut chercher derrière les œuvres ces angoisses et cette cruauté qui fascinaient Aby Warburg, comme le fait si bien Georges Didi-Huberman dans Ouvrir Vénus (Gallimard, 1999). On peut aussi choisir l'autre pan de la démarche warburgienne, qui quoique moins prisée dans la discipline n'en reste pas moins fructueux : celui du panorama comparatif, donc de l'atlas, et des formes analytiques qui lui correspondent (carte, chronologie, graphique). Sur la longue période, un inconscient collectif se laissera peut-être cerner, du moins si les hypothèses suggérées par l'approche distante (pour citer Franco Moretti) se laissent confirmer par d'autres échelles d'analyse.

Partant des images de Vénus si nombreuses assemblées par un autre chercheur, K. Bender, croisées à une approche socio-historique qui les contextualise, l'enquête nous mène plus à l'inconscient collectif d'une profession – les artistes –, que celui d'époques ou de cultures.  Peindre, sculpter Vénus, ou en faire le cœur d'une performance, est en effet une démarche artistique consciente dans les modernités multiples qui suivent la Renaissance. L'iconologie vénusienne offre ainsi un prisme pour observer les stratégies esthétiques et plastiques des artistes. La persistance du nu féminin et plus spécifiquement du thème de Vénus au-delà des périodes académiques, et notamment au XXe siècle, doit alors nous interroger. Plus qu'un moyen de se mesurer à l'héritage académique européen, davantage encore qu'un thème simplement vendeur pour un public amateur de nus féminins, Vénus est peut-être l'allégorie la plus parlante, pour des artistes en majorité masculins, de leur relation ambiguë à la pratique artistique, donc à eux-mêmes. Entre désir et violence, mépris et convoitise, cruauté et fascination, culte et iconoclasme, Vénus est moins restée un mythe qu'elle est devenue lieu commun : une évidence détestée, mais aussi un lieu au sens d'espace symbolique partagé car disputé, où se jouent aussi bien des concurrences artistiques fructueuses que des conflits intérieurs inévitables ce qu'est, et doit être l'art.

Adrien Jeanrenaud (doctorant, Visual Contagions), Vénus à l'ère des nouveaux médias : mondialisation d'une déesse, ou presque.

À notre époque, une partie importante de la culture visuelle se diffuse sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux. Instagram, par exemple, est une plateforme centrée sur les images rassemblant une communauté qui publie, échange et s'inspire de ce contenu. Les images y sont contraintes par les modalités d'Instagram et du smartphone, influant dès lors dans la création du contenu visuel. Un contenu dans lequel Vénus est un thème récurrent et dont l'étude nous permet d'étudier autant la diffusion, que la réappropriation des images issues de ce mythe. 

Malgré des disparités technologiques à travers le monde, aujourd'hui, une partie de la population a la possibilité, entre ces mains, de créer, d'éditer et de partager des images qui participent au renouvellement de Vénus. Afin de comprendre ces images, il faut d'abord mettre à jour leurs conditions d'apparition ainsi que les implications d'Instagram et du smartphone sur leur contenu. Nous verrons ensuite en quoi le médium influe sur les représentations du mythe vénusien, et comment leur diffusion est caractéristique d'une mondialisation visuelle polymorphe à l'ère des réseaux sociaux, dont l'analyse nous permet de repérer autant la diversité culturelle, que les déséquilibres géopolitiques.