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Séminaire mensuel

Séminaire mensuel "Recycler les mots" (doctorant.e.s CERC, Sorbonne Nouvelle) - séance 6

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Maéva Boris, Luca Penge)

La séance mensuelle du séminaire de doctorant.e.s "Recycler les mots" aura lieu le jeudi 9 juin.

Elle se tiendra de 17h à 19h, en présence à la Maison de la recherche (Rue des irlandais, 75005, Paris), salle Mezzanine, ainsi qu'à distance au lien suivant : https://meet.google.com/djh-oaja-kbi 

Nous aurons le plaisir de recevoir Samuel Holmertz, doctorant à la New York University et Matilde Manara, docteure en littérature comparée et actuellement ATER à l’Université de Lille. Cette séance sera également l’occasion de clore le semestre par un bilan sur ce premier volet de réflexions lexico-recyclantes.

Programme de la séance :

Samuel Holmertz, “La reprise de l’original : l’énième recyclage de Robbe-Grillet” :

Alain Robbe-Grillet n’a eu de cesse d’esquinter le roman traditionnel et d’inventer de nouvelles formes romanesques qui désarçonnent le lecteur. La Reprise, son dernier roman paru en 2001, est une œuvre qui demeure tout à fait emblématique de l’art robbe-grilletien en tant qu’écriture du piège, des faux-semblants, mais aussi du recyclage. En effet, ce roman peut être lu comme une sorte de supertexte de l’auteur, un sur-roman qui s’offre au lecteur averti comme un jeu autoparodique – dans lequel le romancier joue avec sa propre écriture et s’amuse à faire un remake de son propre roman Les Gommes tout enreprenant le récit éponyme de Kierkegaard. En ce sens, La Reprise est en grande partie un dialogue avec le philosophe danois, ce qui nous offre un cas parfait d’intertextualité. De plus, ce roman est une invitation à s’interroger sur la signification du mot reprise à partir du texte de Kierkegaard. Longtemps publié en France, à tort, sous le titre La répétition, c’est bien le titre La reprise qui retranscrit fidèlement le mot originel tel que conçu par le philosophe scandinave. La traduction de ce mot qui est devenu par la suite un concept phare dans la métaphysique occidentale demeure absolument primordiale, puisque tout l’enjeu de la notion de reprise réside dans le mot même. Effectivement, le terme danois Gjentagelse, formé d’une part avec le préfixe gjen (encore ; de nouveau) et d’autre part avec un substantif dérivé du verbe tage (prendre), renvoie à une prise nouvelle, au fait de prendre à nouveau, de reprendre – ce qui donne donc le terme adéquat de re-prise.

Le texte tout à fait singulier que constitue cet ultime roman de Robbe-Grillet interroge non seulement le sens même du mot de reprise (et par là la différence fondamentale avec le terme de répétition), dont l’ébranlement de l’autorité narrative constitue une de ses variantes – le narrateur étant au sein du roman littéralement repris, corrigé et réprimandé – et livre également une métaréflexion sur l’écriture romanesque, en tant qu’éternel recyclage, copie toujours remâchée mais malgré tout sans cesse renouvelée et remise au goût du jour.

Matilde Manara, “Le poème dans la décharge : recyclages lyriques” :

Lorsqu’on s’essaie à une généalogie du genre lyrique, nous sommes confrontés à un nombre important de glissements sémantiques. Initialement exclu de la Poétique aristotélicienne, ce mode d’écriture est ensuite érigé au rang d’archi-genre, puis se voit transformer en catégorie psychologique et finit par être entièrement rejeté. Avec cette intervention, nous nous pencherons sur une façon particulière d’agencer entre eux la constellation de concepts et de formes laissée en leg par cette tradition générique encombrante et les nouveaux référents qui rentrent dans le discours lyrique au tournant du XXe siècle : celle mise en œuvre par Wallace Stevens, dont le texte L’homme sur la décharge exemplifie le procédés par lesquels la poésie parvient à recycler ses propres matériaux.