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Nodier comparatiste (Besançon)

Nodier comparatiste (Besançon)

Publié le par Marc Escola (Source : Virginie Tellier)

Charles Nodier comparatiste

Appel à communication pour une journée d’études

Maison Victor Hugo de Besançon

28 janvier 2022

La journée d’études est organisée conjointement par l’Association des Amis de Charles Nodier et le Centre pluridisciplinaire Textes et Cultures de l’université de Bourgogne, avec le soutien du laboratoire École, mutations, apprentissages de CY Cergy Paris Université, la Société française de littérature générale et comparée (SFLGC) et la Bibliothèque municipale de Besançon.

 

Il est de coutume, en France, de faire de Madame de Staël la marraine de la littérature comparée. Le Cours des belles-lettres que donne le jeune Charles Nodier à Dole, en 1808-1809, peut, à certains égards, paraitre loin des innovations que proposera G. de Staël dans De l’Allemagne, publié en 1813 mais rédigé dès 1810. Charles Nodier enseigne la rhétorique et la poétique selon des catégories qu’on a coutume de considérer comme encore « classiques », comme en témoigne le titre même du Cours, qui privilégie les « belles-lettres » à la « littérature ». Néanmoins, Nodier s’ouvre à un corpus très largement européen et inscrit sa réflexion dans une perspective comparatiste qui interroge la notion de « littérature européenne[1] », sans ériger la littérature française en parangon de toutes les valeurs. De ce point de vue, il nous parait inscrire d’emblée sa réflexion dans le mouvement de pensée qui permet à la littérature comparée de voir le jour, en ce début de xixe siècle, et que Pierre Brunel, Claude Pichois et André-Michel Rousseau résumaient ainsi :

Pour que naquît l’expression de « littérature comparée », il ne suffisait pas que régnât un esprit que l’on pourrait déjà qualifier d’européen, un esprit de cosmopolitisme, de libéralisme, de générosité, niant tout exclusivisme, tout « isolationnisme », cet esprit qui a soufflé en Voltaire, en Rousseau, en Diderot, plus fortement en Goethe, cet esprit qui a réuni à Coppet, autour de Mme de Staël, des Suisses, des Français, des Allemands, des Anglais, attachés à d’incessantes confrontations. Il a fallu aussi que les Français cessassent de proclamer la supériorité du goût classique et d’imposer ce goût à l’Europe ; il a fallu que fût reconnue l’existence des goûts et leur relativité […]. Il a fallu surtout que le siècle des nationalismes, exaltant le sens de l’histoire, les traditions, le folklore, et rappelant à la vie des littératures qui se mouraient, obligeât chaque peuple, chaque groupe ethnique, à prendre conscience de son unicité dans le cadre de l’humaine communauté[2].

La réflexion de Nodier se place d’emblée sous le signe de l’Europe et de ses marges, de ces littératures appelées à renaitre et à se faire entendre dans le cadre de ce « siècle des nationalismes ». L’Europe est un espace qu’il ne cesse d’explorer, au travers de ses lectures et de ses expériences viatiques. Il semble bien qu’on ne puisse séparer, pour comprendre cette évolution, son expérience personnelle, sa pratique de l’écriture fictionnelle et sa réflexion théorique sur la littérature.

La confrontation à l’altérité

 Les voyages tiennent une place essentielle dans l’évolution de l’écriture de Charles Nodier. En 1813, il effectue un séjour de plusieurs mois dans les Provinces Illyriennes. En 1821, il effectue un voyage important en Écosse[3]. Les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France[4] sont l’occasion pour lui de se confronter à un autre art, l’architecture, et de faire un court séjour en Espagne, à l’été 1827[5].

Ces voyages sont l’occasion, pour Nodier, de faire la rencontre d’autres langues, d’autres cultures, d’autres formes littéraires. Tous débouchent sur des créations littéraires, Promenade de Dieppe aux montagnes d’Écosse (1821), Trilby (1822) et La Fée aux miettes (1832) pour le voyage en Écosse, Jean Sbogar (1818) et Smarra (1821) pour le séjour dans les Provinces Illyriennes, Inès de Las Sierras (1837) pour l’échappée catalane.

Entomologiste, bibliophile, linguiste, Charles Nodier est l’héritier de l’humanisme des Lumières, qui pensaient fondre dans un même creuset les sciences et les lettres. Sa pratique de la littérature se nourrit des savoirs qu’il collecte, qu’il collectionne, comme on le fait pour les papillons. La confrontation à l’altérité prend ainsi, dans son œuvre, la forme d’une interdisciplinarité qui n’est pas sans rappeler certains aspects du comparatisme contemporain.

Un premier axe de travail pourrait ainsi s’intéresser à la manière dont l’étranger, tant culturel que discursif, est représenté dans les œuvres de Charles Nodier.

Comparatisme et écriture

La confrontation biographique à l’altérité se double, chez Nodier, d’une confrontation littéraire. Nodier traduit Le Vicaire de Wakefield d’Olivier Goldsmith[6]. Dans ses romans, il lui arrive de feindre de traduire telle « chanson morlaque » ou tel terme écossais : sa passion pour les langues vivantes fait de son œuvre un véritable laboratoire de traduction, tant linguistique que culturelle. Outre la pratique de la traduction, il faudrait ajouter celle de l’adaptation, de l’imitation, du pastiche, de l’écriture « à la manière de ». Son admiration pour Cervantes, Shakespeare, Sterne, Schiller, Hoffmann, Radcliffe, Maturin ou Scott l’amène à acclimater dans les lettres françaises des thèmes, des genres, des motifs, des styles également empruntés à d’autres cultures.

Ce sont donc les questions de l’appropriation par Nodier des références littéraires étrangères qui pourraient occuper un second axe de travail.

Théorie littéraire

Ces influences littéraires conduisent Charles Nodier à élaborer une théorie de la littérature spécifique, entre classicisme et romantisme, qui doit son originalité, dès le Cours des belles-lettres de Dole, à l’intégration du corpus européen. Les deux genres qu’il a contribué à définir, le frénétique et le fantastique, sa théorie du romantisme doivent beaucoup à sa lecture, à sa compréhension et à son analyse des littératures, notamment anglaise et allemande, qui lui sont contemporaines. Il contribue ainsi à définir une littérature « européenne »[7], dont il trace même l’histoire dans son article « Du fantastique en littérature ».

La sensibilité de Nodier l’amène ainsi à s’ouvrir aux littératures étrangères, majeures et mineures, pour proposer une vision de la littérature qui, en s'éloignant de la conception classique française, se nourrit de la comparaison. C’est en ceci qu’il mérite certainement de figurer, au côté de Madame de Staël, parmi les premiers comparatistes français.

*

Les actes de la journée d’études seront publiés dans le n° 12 des Cahiers d’études nodiéristes (Paris, Classiques Garnier).

En savoir plus : http://cahiers-nodieristes.fr/

Modalités de soumission :

Les propositions de communication sont à envoyer avant le 30 septembre 2021 à Georges Zaragoza (georges.zaragoza@wanadoo.fr) et Virginie Tellier (virginie.tellier@cyu.fr).

Comité scientifique :

Laurence Gaida, Université de Franche-Comté

Jean-Louis Haquette, Université de Reims Champagne-Ardenne

Virginie Tellier, CY Cergy Paris Université

Laurence M. Porter, Oberlin College

Sébastien Vacelet, Université de Bourgogne

Georges Zaragoza, Université de Bourgogne

 

 

[1] Voir Jean-Jouis Backès, La Littérature européenne, Paris, Belin, 1996.

[2] Pierre Brunel, Claude Pichois, André-Michel Rousseau, Qu’est-ce que la littérature comparée ?, Paris, Armand Colin, 2009 [1e éd. 1983], p. 17.

[3] Voir Sébastien Vacelet, « Caledoniam ! Caledoniam ! », introduction aux Cahiers d’études nodiéristes n° 3 : L’Écosse des Romantiques, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 11-22.

[4] Voir Sébastien Vacelet, « Les analogies entre la Franche-Comté et l’Écosse dans les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France et d’autres récits de Ch. Nodier » Cahiers d’études nodiéristes n° 5 : Voyages pittoresques et romantiques : littérature et patrimoine dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 69-86 et Georges Zaragoza, Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France. L’apport de Nodier », Ibid., p. 57-68.

[5] Le 10e volume des Cahiers d’études nodiéristes (2021) est consacré à la réception de Charles Nodier en Espagne, et notamment à sa nouvelle « espagnole », Inès de Las Sierras.

[6] Voir Cahiers d’études nodiéristes n° 6 : Charles Nodier et le roman gothique dir. Emilie Pézard, Paris, Classiques Garnier, 2018.

[7] Voir Caroline Raulet-Marcel, « Les Contes de Charles Nodier. Enfance et fantaisie dans une "Europe vivante", Cahiers d’études nodiéristes n° 8 : Littérature de jeunesse et Europe Romantique, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 35-53.