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Migrations et résilience. Le pari du Liban

Migrations et résilience. Le pari du Liban

Publié le par Marc Escola (Source : Bernadette REY MIMOSO-RUIZ)

Migrations et résilience : le pari du Liban

Colloque international 24 & 25 mars 2022

Chaire Francophonies et Migrations

Ceres, Institut catholique de Toulouse

 

Le pays des cèdres où Gilgamesh s’aventure marque l’entrée du Liban dans le patrimoine universel littéraire que confortera son histoire liée depuis l’Antiquité à la migration si l’on songe aux Phéniciens créateurs de comptoirs sur le pourtour méditerranéen, puis aux temps médiévaux, lorsque les croisés y virent le pays de lait et de miel sur le chemin du Tombeau du Christ.

Mais c’est à l’époque contemporaine que les migrations ont été les plus nombreuses, marquées par les tourments inhérents à un territoire convoité. La chute de l’empire ottoman a redessiné les frontières du Moyen-Orient et entraîné une présence européenne qui marquera la culture libanaise. D’un accident de l’histoire a résulté une profonde et sincère amitié entre le Liban et la France, qu’avait déjà initié la présence du christianisme et les établissements religieux où le français fut et demeure la langue d’enseignement. Plus tard, le drame palestinien, la guerre intestine, la mainmise d’Israël, puis les ravages des combats en Syrie de ces dernières années ont fait du Liban d’une part, une terre d’accueil et d’autre part, ont entraîné une émigration importante vers la France et les États-Unis.

La tragédie succédant à la folie du califat de Daesh, a suscité l’immigration massive de Syriens qui composent actuellement 30% de la population libanaise, ce qui n’est pas sans conséquences car elle s’accompagne d’une instabilité politique et d’une corruption qui ont contribué à ruiner le pays. En effet, un sondage révèle que plus de 93% des personnes interrogées estiment le gouvernement profondément corrompu. Elles soulignent l’opacité du système bancaire, le détournement de fonds et, entre autres, le passage obligé par des membres influents de sa communauté pour obtenir ce qui est dû comme l’est par exemple la distribution nationale du courant électrique, désormais en concurrence avec des entreprises privées. Les manifestations de l’été 2020 ont dénoncé au monde entier les conditions catastrophiques du quotidien, la banqueroute nationale et l’absence de responsabilité des gouvernants…

Le 4 août a tout fait basculer. L’inconscience des pouvoirs publics a anéanti Beyrouth et obligé les pays alliés à prendre une position radicale envers les gouvernants : une lueur dans un océan de détresse. Cette tragédie pourrait laisser croire que le peuple libanais a définitivement perdu l’espoir. Or, en dépit de tout, comme il l’a fait depuis des décennies, il conserve assez d’énergie pour croire en l’avenir, quitte à fuir le pays pour un temps afin d’y mieux revenir et l’aider à se relever. Une résilience que soulignent de nombreux écrivains et artistes dans un ouvrage collectif Pour l’amour de Beyrouth[1].Boris Cyrulnik, lui-même, dont on connait l’apport sur la notion de résilience qu’il définit comme la reprise d’un nouveau développement après un fracas traumatique, l’applique au Liban après les années de conflits avec Israël : « Les vainqueurs d’une guerre sont-ils vraiment vainqueurs quand le prix de la victoire est exorbitant ? Pendant ce temps, les Libanais travaillaient, étudiaient, construisaient, ce qui caractérisa la résilience d’un peuple […][2]» Alexandre Najjar ne dit rien d’autre dans son introduction au Dictionnaire amoureux du Liban quand il parle de « cette capacité des Libanais à surmonter les épreuves et à rebondir[3]. » La question demeure quant à la possible résilience après ce 4 août sinistre qui sonne comme un coup de grâce et dont l’essai Beyrouth 2020 de Charif Majdalani exprime toute la détresse[4].

Le regard porté sur le Liban justifie, si besoin en était, que l’exil soit une thématique récurrente qui accompagne la littérature, miroir de l’identité libanaise, métissée par excellence. De même, la présence de peuples voisins sur son territoire est-elle également un sujet propice à l’écriture. Par ailleurs, le Liban représente pour des écrivains soumis à la censure un refuge comme ce fut le cas pour Naguib Mahfouz qui pu y éditer Les fils de la médina (Awlad hartena), toujours interdit en Égypte.

Ainsi le Liban s’avère-t-il à la fois terre d’émigration et d’immigration dans une proportion quasi identique. Terre multiculturelle où l’arabe est, comme pour les pays limitrophes, la langue officielle, elle accueille aussi le français qui occupe un large espace linguistique tant dans le quotidien que dans la littérature. À l’instar de la Tunisie, langue française et langue arabe se partagent le panorama des publications, mais le Liban, ouvert sur le monde, comprend également des écrivains anglophones. Parmi eux il faut se souvenir de Khalil Gibran qui usa de l’arabe et de l’anglais une fois installé aux États-Unis[5] et, plus récemment, de Rabih Alameddine[6]  qui reçut le prix Femina étranger en 2016.

De facto, la littérature libanaise en français qui nous occupe a depuis ses origines trouvé sa voie et une reconnaissance d’indépendance en exprimant la singularité du Liban, ce qui la distingue parmi les littératures francophones. L’excellent article de Sonia El Fakhri, bien que datant de 2004, établit un bilan de l’expression française des écrivains libanais dont elle démontre à la fois la variété, l’autonomie envers le modèle français et le rôle que l’arabe tient dans l’écriture, par l’usage de certaines expressions ou syntaxes, comme l’exprime Vénus Khoury qui parle de « franbanais »[7]. L’Anthologie de la littérature libanaise d’expression française de Georges Labaki[8] dresse un bilan actuel qui démontre la vivacité de la littérature francophone et fait état de nouveaux auteurs et souligne une reconnaissance internationale.

Par ailleurs, l’attribution à Amin Maalouf du prix Goncourt en 1993 pour Le rocher de Tanios, puis son élection à l’Académie française en 2011, marquent l’importance accordée à l’écriture migrante libanaise, que partage d’autres écrivains réfugiés en France tels que Andrée Chedid, libanaise d’adoption, Venus Khoury-Ghata, Amin Maalouf, pour les plus célèbres. Pour autant, d’autres auteurs vivent au Liban, poursuivent leur cheminement littéraire en se faisant témoins des aléas de leur patrie, dont Alexandre Najjar, Charif Majdalani, entre autres.

L’étude de cette littérature laisse percevoir des thématiques principales qui se partagent entre l’évocation parfois nostalgique du Liban « suisse » des jours heureux (Dominique Eddé) et les récits traumatiques des années de guerre (Gérard Khoury), avant que l’explosion n’éloigne la fiction au profit de récits-témoignages. Si les textes antérieurs aux conflits résonnaient de manière classique, les guerres entre 1975 et 1990 ont libéré la parole et ouvert la voie à une écriture libérée (Ramy Zein). Plus réaliste, plus concrète et détachée autour des exils consécutifs aux conflits et l’observation de la société contemporaine dans ses répercussions sur les âmes. Le très récent roman, Les mauvaises herbes, de Dima Abdallah[9] en confirme encore la vivacité.

L'instabilité politique de ces dernières années, la crise économique qui paralyse le pays et les soulèvements de la population et, plus encore l’explosion d’un stock de nitrate d'ammonium dans la zone portuaire de la capitale le 4 août 2020 ont conduit le Liban sur le devant de la scène internationale. Des voix multiples se sont élevées pour apporter soutien et réconfort aux Beyrouthins et, plus largement, à tout le peuple libanais ; ce que matérialise le recueil Nouvelles du Liban, réédité aux éditions Magellan qui rassemble écrivains francophones et arabophones, comme l’expression concrète d’une société multiculturelle[10].

C’est dans cette perspective, la Chaire Francophonies et Migrations organise un colloque autour de thématiques représentatives du Liban : les migrations et la résilience, dans l’esprit de la Prière de Amin Maalouf 

Pour que le Liban puisse,

Cette fois encore, se remettre debout,

Relever ses murs, et panser ses blessures.

Qu’il sache surmonter sa détresse,

Sa douleur et son abattement.

Qu’il sache triompher

De la férocité du monde,

Et aussi de ses propres démons[11].

*

Dans cette rencontre franco-libanaise, plusieurs axes sont proposés autour de ces deux thématiques porteuses, sans toutefois qu’ils soient réducteurs :

-Beyrouth entre mythe et tragédie

-Histoire, diaspora et identité

-Écritures féminines

-Le Liban toujours recommencé

-Vers une littérature « engagée »

*

Le calendrier fixé est le suivant :

15 septembre 2021 date limite pour l’envoi des propositions

Merci d’adresser conjointement votre proposition de communication de 5000 signes maximum ainsi qu’une brève notice biobibliographique (en fichier séparé) avant le 15 septembre 2021 à l’adresse suivante :

colloqueliban22@gmail.com

15 octobre 2021

Résultats de l’évaluation scientifique des propositions et notification aux participants.

24 & 25 mars 2022

Colloque au sein de l’Institut catholique de Toulouse.

Les articles retenus par le comité scientifique feront l’objet d’une publication aux Presses universitaires de l’ICT, collection « Humanités ».

*

Coordinatrice

Bernadette Rey Mimoso-Ruiz (Chaire Francophonies et Migrations, Institut catholique de Toulouse)

bmr.toulouse@gmail.com

Comité scientifique

Carmen Boustani (Université de Beyrouth, Liban)

Mickaëlle Cedergren (Université de Stockholm, Suède)

Isaac David Cremades Cano (Université de Murcia, Espagne)

Charles-Edgard Mombo (Université de Libreville, Gabon)

Mounir Oussikoum (Université de Beni Mellal, Maroc)

*

Responsable

Chaire Francophonies et Migrations, CERES, Institut catholique de Toulouse

31, rue de la Fonderie, 31000 Toulouse

URL www.ict-toulouse.fr

 

 

[1] Collectif, Pour l’amour de Beyrouth, Paris, Fayard, 2020. L’éditeur s’est engagé à reverser deux euros par ouvrage à l’association OffreJoie.

[2] Boris Cyrulnik, « Pourquoi le Liban ? », in Pour l’amour de Beyrouth, op.cit., p. 43.

[3] Alexandre Najjar, « Diaspora », in Dictionnaire amoureux du Liban, Paris, Plon, 2014, p. 8.

[4] Charif Majdalani, Beyrouth 2020. Journal d’un effondrement, Arles, Actes Sud, 2020. Prix Fémina spécial.

[5] Khalil Gibran, The Prophet, New York, Alfred Knopf, 1928.

[6] Rabih Alameddine, An Unnecessary Woman (2014), Les Vies de papier, trad. Nicolas Richard, Les Escales, 2016.

[7] Sonia El Fakhri, « Le Liban et un siècle de littérature francophone » Cahiers de l'AIEF, 2004, n°56, p. 46.

[8] Georges Labaki, Anthologie de la littérature libanaise d’expression française, Université Notre Dame de Louaizé, 2019.

[9] Dima Abdallah, Les mauvaises herbes, Paris, Sabine Wespieser, 2020.

[10] Nouvelles du Liban, Paris, Magellan et Cie, [2007] 2020. Ont participé à ce recueil : Georgia Makhlouf, Alexandre Najjar, Etel Adman, Rabee Jaber, Vénus Khoury-Ghata, Mohamed Abi-Samra et Yasmina Traboulsi.

[11] Amin Maalouf, « Une prière », in Pour l’amour de Beyrouth, op. cit., p.98.