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Médecine et positivisme :  une troublante fascination

Médecine et positivisme : une troublante fascination

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Traverses19-21/E.CRI.RE)

Séminaire de l'équipe TRAVERSES 19-21 (2007-2008)
Coordonné par L. Dumasy

Dans le cadre de son programme de recherches : Sciences, techniques, pouvoirs, fictions :discours et représentations, XIXe-XXe siècles, l'équipe Traverses 19-21 (Grenoble 3) organise un séminaire de recherche, ouvert à toute personne intéressée, sur : Positivisme, scientisme, darwinisme dans la littérature et les sciences sociales depuis la seconde moitié du XIXe siècle : triomphe et contestations

La conférence de
Madame Annie Petit,
Professeur émérite, université Paul Valéry Montpellier 3
« Médecine et positivisme : une troublante fascination »
aura lieu
mercredi 23 janvier 2008 de 17h30 à 19h00
à la Maison des Langues et des Cultures,
salle des Conseils, au 2e étage, salle 218
(1141, avenue centrale - Saint Martin d'Hères)

On rappellera d’abord la place qu’accorde Auguste Comte à la médecine dans son système des sciences : place ambivalente, car si pour Comte la biologie est une science que l’on peut dire pivot du système, la médecine en est fort clairement distinguée et renvoyée plutôt parmi les sciences concrètes secondaires et techniques.
Cependant, les propos que tient Comte sur la science qu’il entreprend de fonder, la sociologie, semblent donner à la médecine une tout autre importance. La société y est souvent considérée comme un grand organisme, et les métaphores du passage de l’enfance à l’adolescence et à la maturité, avec crises de croissance et maladies scandent les exposés de l’histoire sociale et politique, et impliquent que les positivistes doivent se sentir investis d’une mission médicale envers le collectif. A cette médecine publique, à laquelle tous doivent participer, s’ajoute une médecine privée, dont Comte a voulu donner l’exemple en pratiquant une sorte d’auto-médication sévère.

Par ailleurs, le mouvement positiviste a largement recruté parmi les médecins. Celui qui a assuré la promotion et la publicité du positivisme, Emile Littré, a fait des études de médecine et une grande partie de son œuvre concerne la médecine . Son ami Charles Robin, personnage de premier plan dans le monde médical, et co-fondateur, en 1848 avec Claude Bernard, de la Société de Biologie, a aussi laissé une œuvre où le positivisme transpire largement. De très nombreux autres médecins ont été des adeptes enthousiastes et le sont restés alors même que Littré, Robin et quelques autres avaient pris quelque distance sur les développements politico-sociaux que Comte donnait au positivisme. Jean François Eugène Robinet, L-A. Segond et Georges Audiffrent, Paul Dubuisson, Eugène Delbet sont parmi les plus connus et les plus influents ; mais il faut citer aussi E. Sémerie, E. Bourdet, A. Jabely, Constant Hillemand, A. A Cancalon, Clavel, Clément qui, à côté de leur travail médical s’engagent dans des publications de propagande positiviste. Par ailleurs bien des médecins ont jugé bon de prendre précisément parti sur les rapports de la philosophie positive avec la médecine — par exemple le Dr Paul-Emile Chaufard — ou comme le Dr Georges Dumas de s’engager dans l’évaluation du comportement du fondateur du positivisme et des appréciations psychologiques et c’est le Dr. Georges Clémenceau qui s’est empressé de traduire l’ouvrage de J. S. Mill sur Auguste Comte et le positivisme.

Il y a donc un certain paradoxe a voir des médecins parmi les propagandistes les plus militants du positivisme, alors que leur activité professionnelle n’est pas dans le système comtien reconnue comme l’une des sciences fondamentales. Cela s’explique sans doute, comme le montre si clairement l’historien Jacques Leonard, que tout au cours du XIXe siècle, la médecine et les médecins se sont taillés une place prépondérante entre les savoirs et les pouvoirs, qu’ils forment une élite au dynamisme incontournable et qu’ils sont décidément entrés dans « l’arêne publique » en s’autorisant toutes les curiosités. C’est aussi parce que, pour bien de ces médecins, se sentant investis d’une mission, et participant à la bascule du temps des prophètes plutôt littéraires, en un temps des savants et politiques plutôt technocrates, le positivisme, et ses développements socio-politico-moraux, était une excellente référence – ne fut-ce que pour le condamner.

Annie Petit, agrégée de philosophie, est Professeur de philosophie à l'Université Paul-Valéry de Montpellier. Sa thèse de Doctorat d'État a été consacrée aux Heurs et malheurs du positivisme comtien, Philosophie des sciences et politique scientifique chez Auguste Comte et ses premiers disciples 1825-1890. Ses recherches et publications portent sur l'histoire de la philosophie, la philosophie et l'histoire des sciences, et sur l'histoire des idées au XIXe siècle ; surtout sur les mouvements positivistes et les importants débats qu'ils ont entraînés.

Contact tel : 04 76 82 68 80