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Appels à contributions
Les genres oraux (conte, chant, poésie) et la pandémie

Les genres oraux (conte, chant, poésie) et la pandémie

Publié le par Marc Escola (Source : Association Ocadd)

OCADD (Oralité, Conte pour l’Amitié, le Dialogue, le développement)

Appel à contribution pour un ouvrage collectif :

 Les genres oraux (conte, chant, poésie) et la pandémie

 

Ocadd lance  un appel à contribution sous le thème « Genres oraux (conte, chants, poésie) en temps de pandémie» et de confinement pour la publication  d’un ouvrage collectif.

Cette année est celle de la covid19, sans doute la plus spectaculaire, celle qui a figé le monde et confiné plus de la moitié de la population mondiale. Cette pandémie a bouleversé la vie des individus et a remis en cause les relations sociales, familiales, professionnelles,  internationales. Les activités, les relations humaines, le rapport à l’environnement sont impactés et l’ordre des priorités se voit revisité.  La montée en flèche  durant cette pandémie du Covid-19 de la vente de La Peste, roman d’Albert Camus, en Europe, s’explique par l’angoisse et la panique  qui se sont emparées des populations. Il est vrai que cette pandémie, même vaincue, laissera des séquelles dans la vie des populations comme le souligne Albert camus, lui-même :« les habitants, enfin libérés, n'oublieront jamais cette difficile épreuve qui les a confrontés à l'absurdité de leur existence et à la précarité de la condition humaine » [1].

Ainsi, le monde est en train de vivre une situation inédite à cause de cette  pandémie qui lui a assigné une mise en demeure. Pour répondre aux besoins générés par cette crise sanitaire, les gens ont fait preuve de réactivité et de créativité pour rendre leur réclusion moins pesante, voire plus fructueuse. Certains se voient reconvertis dans le télétravail, le téléenseignement,...  Les rencontres virtuelles se sont multipliées que ce soit entre les proches ou entre collègues. Le musée virtuel s’est imposé et même des concerts regroupant des artistes se trouvant dans des pays différents ont pu voir le jour grâce aux nouvelles technologies. Cette situation a remis en cause les acquis, les rapports entre les états, le rapport de l’homme à l’environnement, les représentations qu’on se fait de l’autre et de soi-même.

Il est vrai que le confinement a bouleversé les habitudes et a eu un impact considérable sur les relations humaines en général et familiales en particulier. Au sein des foyers, des occupations nouvelles sont apparues pour meubler le temps, répondre à un besoin ou honorer une vocation négligée. Les hommes et les enfants ont investi les cuisines. Le bricolage, le jardinage se sont imposés. Les parents se sont adonnés à des activités qui répondent à la demande des enfants privés de liberté et sommés de suivre des cours à distance. Aussi se sont-ils improvisés enseignants, conteurs, animateurs.

Outre cela, des expressions artistiques qui s’articulent autour de la pandémie foisonnent. Les chiffres macabres s’élèvent ; les gens se lassent de compter…. Alors plutôt conter, chanter, tourner la situation dramatique en dérision…Qu’il s’agisse du chant, du conte, de l’art dramatique, des blagues, le corona est l’invité d’honneur. La créativité s’est manifestée à tous les niveaux répondant ainsi à un besoin de s’exprimer, d’exorciser la peur, de communiquer, de sortir de l’isolement. C’est ainsi que le patrimoine culturel oral a retrouvé ses lettres de gloire. Il a été exploité comme moyen de sensibilisation, de divertissement, d’éducation.

C’est le cas du conte qui a retrouvé ses lettres de noblesse. Des associations, des particuliers ont mis en ligne des contes, organisé des concours ou des festivals. Le conte renait  de ses cendres. Ainsi, des contenus sont mis à disposition gratuitement par des conteurs aussi bien amateurs que professionnels, des soignants, des maisons d’édition.

Pourquoi  le conte en temps de crise ?[2] Nacer KHEMER,  grand conteur,  spécialiste du conte, explique cette fascination  en écrivant : «  Je crois que l’homme garde au fond de lui une peur ancestrale. Le conte permet de le rassurer, de combattre le désordre du monde, l’angoisse née de l’incertitude, de la mort »[3]. Toutefois, ce conteur ne cache pas son amertume de voir que le conte est souvent détourné de sa fonction : « Très peu de conteurs donnent leur superbe au conte. Pour résumer la situation, je dirai qu’il y a ceux qui se servent du conte et ceux qui le servent.  La première catégorie est la plus nombreuse »[4].

La poésie n’est pas en reste en cette période de pandémie.  De nombreux poètes populaires, poètes reconnus et poètes en herbe  se produisent sur les réseaux sociaux. La chaine France culture propose chaque  jour un poème célèbre, avec ce titre : « Et, avant de se quitter, le poème du jour » durant cette même période.  Des lecteurs partagent des poèmes sur les réseaux sociaux. Sihman Ben Chakroun, comme exemple, médecin de formation et écrivain, enchante un large public par ses contes, par ses lectures de poèmes soufis et récits de vie,  appelés : «  Petites Sagesses à déguster ». Elle écrit en évoquant la patience du prophète Job, Ayyûb : « En ces temps d’épreuves et de contrainte, nous sommes appelés à découvrir une vertu de grande valeur, la patience. » 

La poésie a toujours accompagné l’homme dans  ses moments difficiles. C’est une arme qui l’aide à résister en périodes de guerres, d’épidémies, à combattre les dictatures et les injustices... Pierre SEGHERS, à titre d’exemple, a publié un recueil de poèmes sous la résistance intitulée «  La Résistances et ses poètes 2. France 1944-1945/ Choix de poèmes ». Autre exemple mettant en exergue la force de la poésie durant les épreuves humaines, est la revue Le Courrier de l’UNESCO qui a publié  en 1982 un numéro intitulé  « GUERRE A LA GUERRE, la parole aux poètes ».  « Une vingtaine de poètes, de toutes les régions du monde, sont invités à s’exprimer, par leurs poèmes, contre les forces, toujours agissantes, de l’oppression et de la destruction »[5].

Il est vrai que les expressions artistiques, tels que le chant et la poésie, occupent une place importante et constitue l’expression privilégiée pour dire l’état d’âme, pour informer, éduquer, dénoncer, fustiger, meubler la solitude, se donner de la force … M’ririda n’Ait Atiq[6], une poétesse amazighe de l’Atlas Central, qui a vécu au début du 20ème siècle, a souligné dans son poème intitulé : Moi je chante,[7]son besoin de chanter quel que soit le sentiment dont elle est assaillie : la joie, la peur, l’ennui, la condition de la femme de la montagne. La poésie en général est là  pour exprimer notre état d’âme, nos ressentis, nos convictions.

Le conte et la poésie ont ainsi fait  preuve de leur puissance en tant qu’armes de résistance  durant la période de la pandémie de coronavirus que nous  continuons à subir.  Cela n’est pas sans nous interpeller.  Cette nouvelle publication d’OCADD invite à s’interroger sur l’interaction entre la pandémie et les formes d’expressions orales. Ce numéro, qui se veut  pluridisciplinaire, s’articule autour de la pandémie comme thématique transversale et  fait appel à différentes approches d’analyse.

Les axes proposés, sans être limitatifs 

La place et le rôle du patrimoine oral pendant la crise sanitaire ;

 Les genres oraux,  les plus présents,  et leurs caractéristiques ;

L’homme face à ses multiples fragilités ;

La créativité en matière de l’oralité en relation avec la pandémie ;

Les représentations de la pandémie dans les deux genres (conte, poésie…)

La représentation de la religion et de la science en cette période de pandémie ;

La relation au temps et à l’espace en cette période de pandémie ;

Le rôle des réseaux sociaux dans l’essor qu’ont connu ces expressions artistiques et la revitalisation du patrimoine oral.

Une annexe sera consacrée aux contes, réflexions, poèmes, blagues sur la pandémie Coronavirus 

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Modalités de soumission des articles

  • Langues de rédaction : le français, l’arabe
  • Langues pour annexes : contes, chants, blagues… : arabe, français, amazigh
  • Les articles avec un résumé  doivent être envoyés  avant le 30 décembre 2020 à l’adresse mail : ass.ocadd@gmail.com  en version Word, contenant le prénom et le nom, l'affiliation, l'adresse électronique de l'auteur, un résumé et 5 mots-clés 
  • Fin février 2021 : Notification aux auteurs de l'acceptation ou du refus de leur proposition suite à la sélection par le comité scientifique. .

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Comité de rédaction

Aïcha Aitberri, Ouafae Nciri, Bibt Abdelghni,  Mohamed Bahi

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Comité scientifique 

Hoda Matar, Carmen Boustani, Badia Mezboudi, Mohamed Loraibi (Liban), Candice Cornet, Carlos Bergeron, (Canada), Nezha Cheve, Muriel Bloch, Jean-Pierre Mathias, Michel Galaret, Daniela Merolla (France)  Mohamed Ben Hamouda (Tunisie), Latifa Sari (Algérie), Ahmed Hafdi, Khadija Hassala, Naïma Bouftila, Elmostafa Chadli, Abdellah Mdarhri Alaoui, Abdelmajid Mekayssi, Ali Barkate,  Houssa Yakoubi, Antoine Bouillon (Maroc).

 

 

 

[1]. La Peste d’Albert Camus : pourquoi il faut relire le roman ? par  CLAIRE BEGHIN,19 mars 2020.

[2]. Pourquoi  Bidpaï a-t-il écrit ses fables animalières tirées d’une épopée indienne à l’attention du roi de l’Inde ? Pourquoi   Ibn al-Muqaffa‘ les adapta-t-il et leur donna-t-il comme titre Kalila et Dimna ? Pourquoi Jean de La Fontaine s’inspira-t-il des fables de ce dernier et de celles d’Esope,  écrivain grec? Pourquoi Schéhérazade  raconta-t-elle  des contes à Shahryar? Pourquoi Charles Perrault écrivit-il des contes ? Pourquoi les frères Grimm ont-ils procédé à la collecte des contes germaniques après la défaite de leur pays face à la France ? Nous pouvons continuer indéfiniment ces pourquoi.

[3]. Nacer KHEMIR, « L’Orient fabuleux des Milles et Une Nuits », Supplément du Figaro, 28 novembre 2012).

[4]. Nacer KHEMIR, le Monde de l’éducation, de la culture et de la formation, juin1997.

[5]Ibid

[6].  René Euloge, Les Chants de la Tassaout, Published by Marrakech, Youssef Impression, 2005.

2005.

[7]. Moi, je chante 

Moi, je chante, car j’ai eu de bons restes du festin,

Au mariage de mon Maître, un homme avare et dur…

Moi, je chante parce que je tremble de peur,

Toute seule, dans la nuit noire, sur le sentier,

Moi, je chante, parce que je m’ennuie

Avec mes moutons sur les grands pacages

Où il n’y a ni bruit ni âme qui vive

Moi, je chante, le cœur gros, pour oublier

Celui qui m’avait promis mariage.

La chanson chasse un moment le chagrin,

Mais je ne pourrai jamais l’oublier.

Moi, je chante, comme une jeune mère heureuse.