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La nuit à la croisée des arts et des cultures (Sorbonne & INHA)

La nuit à la croisée des arts et des cultures (Sorbonne & INHA)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Marie Laureillard)

Organisées à Paris par Marie Laureillard (Université Lyon 2) et Patrick Otto (Université de Rennes) pour Langarts, équipe de recherche interuniversitaire dirigée par Véronique Alexandre Journeau.

En présentiel et en visioconférence (pour obtenir le lien de connexion, écrire à mlaureillard@free.fr).

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La nuit exerce sur l’être humain une fascination variée allant des peurs engendrées à l’exacerbation des sens pour en percevoir les contours. Les artistes n’y échappent pas et leurs démarches, œuvres et commentaires révèlent des impressions et conceptions visant à saisir ce qui est tout à la fois familier et garant d’un mystère. Quelles que soient les civilisations dont ces derniers sont issus, en Orient comme en Occident, transparaît inévitablement une vision personnelle, intime et révélatrice, qui renvoie dans un premier temps à la perception. « Quand, par exemple, le monde des objets clairs et articulés se trouve aboli, notre être perceptif amputé de son monde dessine une spatialité sans chose. C’est ce qui arrive dans la nuit », écrit Merleau-Ponty (Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 328).

Avec le jour, impressions et interrogations perdurent. Issus de l’observation, les éléments repérés ont-ils un rôle, un lien entre eux ? Faut-il les considérer comme une alchimie dont les secrets sont à découvrir ? L’imagination est-elle, en ce qui concerne cette interrogation, source de connaissance, voire de vérité ? Ainsi, la lune, si ambivalente, tantôt maléfique, tantôt bienveillante, incarnée chez les Romains par la déesse Hécate aux trois visages, et qui en Extrême-Orient suscite une contemplation admirative et inspire les lettrés, ne joue-t-elle qu’un rôle symbolique lorsqu’elle est présente dans une œuvre ?

Dès qu’il est question de la nuit, la frontière entre perception et imaginaire devient ténue. On pense à ces moments d’apparitions et de métamorphoses décrits par le poète Novalis dans ses Hymnes à la nuit : « Plus divins que les étoiles scintillantes nous semblent les yeux infinis que la nuit a ouverts en nous ». L’ambivalence de la nuit apparaît comme étant d’une part libération, moment de lâcher-prise favorable à l’inspiration, et d’autre part synonyme d’ennui, de méditation ou de mort. N’est-ce pas la situation décrite par Guy Debord en 1978 lorsqu’il constate que in girum imus nocte et consumimur igni (Locution latine palindrome faisant référence aux papillons de nuit qui tournent autour de la chandelle avant de s’y brûler : « nous tournons en rond dans la nuit et sommes dévorés par le feu ») dans son film éponyme ?

Au demeurant, l’entrelacs entre perception et imaginaire se densifie dès lors que la représentation de la nuit intervient. Que penser de cette Reine de la nuit dans La Flûte enchantée de W. A. Mozart, dont chacune des apparitions dans l’œuvre sont marquantes, sans appel et terminées par un rire glaçant ? Se rapproche-t-on de ce moment dès lors qu’une œuvre lui est dédiée ? Que signifie composer et jouer un nocturne ? Le renversement du temps à Minuit (comme l’écrit Mallarmé dans Igitur) opère-t-il dans les Noces de Stravinsky ou bien dans une représentation d’une nuit de sabbat, ne serait-ce qu’en songe ? Le noir est-il la couleur de la nuit, ce que contredit la Nuit étoilée de Van Gogh ? « Que devient le regard quand la lumière s’absente ? Que voit-on dans l’ombre ? » (Milner). L’image disparaît-elle au profit de la matière, de l’informe, de la sensation, de l’espace sans repère ? L’esthétique de la nuit au Japon et en Corée, les réalisations du groupe Etoiles dans la Chine de la fin des années 1970 lèvent un voile tout en suggérant un foisonnement de chemins possibles. Enfin, le rêve survenant la nuit, si prégnant en Inde par exemple, relève-t-il seulement du royaume de l’inconscient ?

La nuit passionne et évolue selon nos modes de vie : la nuit urbaine électrique, les divertissements ont été poétisés par les photographies de Brassaï, le film Minuit à Paris de Woody Allen…

La persistance de la nuit en tant que source d’inspiration confine à une question lancinante posée à l’expression artistique. Afin d’apporter des éléments de réponse à ces premières interrogations, non exhaustives, ce séminaire se propose d’aborder la thématique de la nuit par l’entremise de réalisations artistiques et littéraires venues d’horizons divers, en privilégiant le partage des visions entre les arts et les cultures.

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PROGRAMME

Vendredi 17 septembre

Maison de la recherche de la Sorbonne, 28 rue Serpente, 75006 Paris, salle D040

9h30 : accueil des participants

Session n°1 présidée par Christine VIAL KAYSER

10h : Fiat nox, par Baldine SAINT GIRONS

11h : « Le songe d’une nuit d’été » entre Occident (Théâtre du Soleil) et Asie (Yohangza Theatre Company, Corée, par Françoise QUILLET 

11h30 : From In: Choreographing Night Time as Intimacy Scene, par Biliana VASSILEVA

12h : La nuit comme espace d’expérience mystique naturelle dans l’œuvre poétique de Philippe Jaccottet, par Gert VALENTIJN

12h30 discussion et pause

Session n°2 présidée par KIM Hyeonsuk

14h : Mugen-nô夢幻能 (nô onirique ou nô d’apparition) chez Zeami – la nuit, le rêve et le fantôme, par Aya SEKOGUCHI

14h30 : La nuit dans la poésie de Zhai Yongming, par JIN Siyan

15h : Le thème de la nuit à travers des sources littéraires sanskrites : la nuit comme moment de la rencontre charnelle, par Iran FARKONDEH 

15h45 : discussion et pause

Session n°3 présidée par Isabelle CHARRIER

16h30 : Nuit et obscurité à partir du film La Vie sur mille cordes de Chen Kaige, par Yolaine ESCANDE (par Zoom)

17h : Le « Rituel de la lune » de Kamo no Chōmei (1216), Fujiwara no Noire, Myōe et Dōgen », par Frédéric GIRARD (par Zoom)

17h30 : Visions lunaires dans l’imagerie populaire chinoise, par Marie LAUREILLARD

18h : discussion

18h15 : Projection du court métrage Alas de tiniebla (Ailes des ténèbres) de Gonzalo Suarez (10 minutes) d’après un conte d’Anne-Hélène Suarez inspiré de la mythologie chinoise, suivi d’une discussion avec les auteurs

Samedi 18 septembre

INHA, 2 rue Vivienne, 75002 Paris, salle Perrot

9h30 : accueil des participants

Session n°4 présidée par Zelia CHUEKE

10h : De la nuit de fête à la nuit mystique : ombre et lumière dans les miniatures mogholes et râjpoutes du XVIIIème siècle, par Edith PARLIER-RENAULT (par Zoom)

10h30 : « Quand l’œil voit noir » : origine et mécanismes de l’épouvante nocturne chez Victor Hugo, par Hélène KUCHMANN

11h : Rainer Maria Rilke et les puissances créatrices de la Nuit, par Georges BLOESS

11h30 : Aux flambeaux de la nuit libertine : à la croisée de la littérature et du cinéma, par Laurence SIEUZAC

12h : La nuit chinoise mise en musique en Occident, par Patrick OTTO, avec Danièle PISTONE et Véronique ALEXANDRE JOURNEAU (table ronde)

13h :  discussion et conclusion