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La nuance (Kairouan, Tunisie)

La nuance (Kairouan, Tunisie)

Publié le par Pierre Serin (Source : Houcine Bouslahi)

Colloque international et pluridisciplinaire 

LA NUANCE 

Université de Kairouan, les 9 et 10 Mars 2022 



      La nuance nous entoure et nous la vivons bon gré mal gré à des degrés divers. Elle intervient comme l’antidote du dogmatisme idéologique contemporain, et comme « la meilleure munition pour l’humain voyage », pour reprendre les mots de Montaigne. « Nuance », qui n’est autre qu’un dérivé du verbe nuer, avec le suffixe -ance, désigne, d’abord, un référent à la couleur et relève ainsi du domaine de la perception visuelle d’où le sème de l’intensité. Ce fait remonte à la surface surtout lorsqu’il s’agit des degrés que peut prendre une même couleur.

      "Les prairies absorbèrent la rosée qui les blanchissait et se firent voir si fraîches et si vertes que toute autre verdure sembla effacée. Il y eut partout des nuances au lieu de teintes..." (SAND, Lélia, 1839).

Ou un même corps :

      Caractéristique d'un acier de construction exprimée par la limite d'élasticité garantie ou par la résistance à la rupture garantie, dans des conditions d'allongement minimal imposé et parfois de pliage à 180o (FOREST. Métall. 1977).

      Ou un même son lorsqu’il s’agit du domaine musical :

      "Ne négligez pas de mettre avec soin (lorsque vous écrivez pour orchestre) [...] tous les signes indiquant les nuances, les coups d'archet, les accents, les liaisons, les détachés, etc." (E. GUIRAUD, BUSSER, Instrument., 1933).

      Mais les nuances dépassent ce cadre perceptible et sensoriel pour viser le cognitif et souligner ces détails, assez subtiles et difficiles à discerner, qui font la différence :

      "Qu'est-ce que je trouve ici ? De la vanité sèche et hautaine, toutes les nuances de l'amour-propre et rien de plus" (STENDHAL, Le Rouge et le Noir, 1830).

      "Pensez-vous que je serais à même de donner ici la nuance exacte de ce sentiment, si je ne l'avais d'abord éprouvé moi-même ?" (GIDE, Journal, 1928)

    Et la nuance se lit aussi en littérature.

    En continuant d'insister sur la primauté de l'imaginaire, Baudelaire n’a-t-il pas fondé une poésie moderne de la nuance ? Ne parle-t-on pas aussi de "nuance satanique" dans Les Fleurs du mal ?

    "Mais chez Baudelaire, la nuance satanique n'est que le revers de cette aspiration spirituelle qui commande à tous les efforts de sa vie de poète et d'homme" (BÉGUIN, Âme romantique. 1939).

      Et de la nuance politique chez Hugo : "Cet amateur nommé Noilly [...] avait trouvé le moyen d'enfermer la prose et la poésie d'Hugo dans les trois couleurs, avec des différences dans les teintes indiquant la nuance politique de l'auteur dans le moment ?" (GONCOURT, Journal, 1886).

      La nuance est également une pratique langagière, car si nous admettons à la suite de Neveu (2004) que la modalisation consiste à mesurer le degré d’implication de l’énonciateur dans le contenu de son énoncé, elle sera aussi une forme de nuance. La langue met à la disposition de ses locuteurs un grand nombre d’outils discursifs susceptibles de leur permettre de se positionner par rapport au contenu de leurs énoncés, d’où les différents degrés de nuances qui varient entre la « neutralité » et la subjectivité.

      Le marquage énonciatif permet de dévoiler et de repérer, à partir de marques linguistiques explicites ou implicites, la position de l’énonciateur vis-à-vis de son énoncé, bien que cette dernière ne soit pas toujours évidente.

      La généricité de certains discours peut-elle s’inscrire dans la nuance ? D’un point de vue générique, le discours « homogène » existe-t-il réellement ? Et la « neutralité » ne devient-elle pas une forme de subjectivité, d’hybridité, aussitôt qu’un locuteur, qui décrit, raconte ou argumente, s’exprime en littérature. ? C’est pourquoi nous posons « légitimement » la question des frontières entre la poésie et le récit romanesque, pour ne parler que ces deux genres.

    Plusieurs questions méritent examen dans le cadre de cette problématique.

      Les propositions de communications pourraient présenter des réflexions en rapport avec la thématique générale du colloque, avec les questions évoquées précédemment, ainsi qu’avec les axes suivants :

- L’argumentation et la nuance

- Le récit et la nuance

- La poésie et la nuance

- La lexicologie et les nuances de sens

- L’expression de la subjectivité dans le discours

- Les marques de subjectivité dans les discours de spécialité (journalistique, politique, juridique, diplomatique, scientifique, etc.)

- La généricité et l’hybridité

- La modalisation comme marquage énonciatif

- La polarité énonciative

- Le rôle des déictiques et des embrayeurs dans le discours

- Les adverbes d’intensité et la nuance discursive.

- Les nuances en arts plastiques

- Les nuances des sons dans la phrase musicale

- La nuance et l’évidence dans le discours philosophique

Les communications peuvent également proposer des sujets en rapport avec la problématique du colloque, selon un angle de vue non cité dans les axes de recherche mentionnés ci-dessus.

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Bibliographie : 

BENVENISTE E. [1966], « De la subjectivité dans le langage » in Problèmes de linguistique générale 1, Paris, Gallimard.

BAYLON Ch. et FABRE P. [1973], Grammaire systématique de la langue française, Paris, Fernand Nathan.

BRES J., « Temps verbal, aspect et point de vue : de la langue au discours », in Cahiers de Praxématique, Montpellier, 2003, numéro 41.

CHARAUDEAU P. [1992], Grammaire du sens et de l’expression, Paris, Hachette.

CHARAUDEAU P., « La situation de communication comme lieu de conditionnement du surgissement interdiscursif », in Tranel, Neuchâtel, 2006, numéro 44.

COURTES J. [1993], Sémiotique narrative et discursive, Paris, Hachette.

DENDALE P. et COLTIER D., « Point de vue et évidentialité », in Cahiers de Praxématique, Montpellier 2003, numéro 41.

ECO U. [1965], L’Œuvre ouverte, traduit de l’italien par ROUX DE BEZIEUX Chantal avec le concours de BOUCOURECHLIEV André, Paris, Seuil.

GENETTE G. [1972], Figures III, Paris, Seuil, collection Poétique.

KERBRAT-ORECCHIONI C. [1980], L'Enonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris, Colin.

KLEIBER G. et RIEGEL M. [1997], Les Formes du sens, étude de linguistique française, médiévale et générale, Paris 1997, Duculot.

MAINGUENEAU D. [1987], Nouvelles tendances en analyse du discours, Paris, Hachette, collection Langue, linguistique, communication.

NEVEU F. [2004], Dictionnaire des sciences du langage, Armand Colin.

NOLKE H. [2001], Le regard du locuteur 2 : Pour une linguistique des traces énonciatives, Paris, Kimé.

RABATEL A. [1998], La construction textuelle du point de vue, Lausanne - Paris, Delachaux et Niestlé.

RABATEL A. [2000], Un, deux, trois points de vue ? Pour une approche unifiante des points de vue narratifs et discursif, La Lecture Littéraire.

RABATEL A. [2008], Homo Narrans, Limoges, Lambert-Lucas.

RIEGEL M, PELLAT J. et RIOUL R. [1994], Grammaire méthodique du français, Paris 1994, PUF.

RIVARA R. [2000], La Langue du récit, Paris, L’Harmattan.

SIVANE W. [2004], « L’inscription de la subjectivité dans le discours diplomatique », Semen [En ligne], mis en ligne le 29 avril 2007, consulté le 13 août 2021. URL : http://journals.openedition.org/semen/2310 ; DOI : https://doi.org/10.4000/semen.2310

VALETTE B. [1993], Esthétique du roman moderne, Paris, Nathan université (2ème édition).

Genres littéraires et peinture, études réunies et présentées par Charest N. et Gomez A., Clermont-Ferrand, 2015, Presses Universitaires Blaise Pascal.

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Contact :

Les propositions de communications sont à envoyer avant le 31/12/2021 à l’adresse électronique suivante :

colloquenuances2022@gmail.com

Lieu :

Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Kairouan

Dates à retenir :

• 31/12/2021 : dernier délai d’envoi des propositions (Nom, prénom, affiliation, statut, adresse électronique, titre de la communication, résumé de 300 mots et bibliographie sommaire).

• 15/01/2022 : notification d’acceptabilité.

• 20/01/2022 : confirmation de la participation.

• 09 et 10 Mars 2022 : tenue du colloque.

Organisateurs :

Groupe de recherche Interdisciplinarité et pensée complexe.

Partenaires :

Département de français

Université de Kairouan.

Laboratoire de recherche : Innovation des méthodes de recherche et de la pédagogie dans les Sciences humaines.

Ecole doctorale FLSHK.

Institut Français de Tunisie.

Adresse postale :

Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Kairouan. Rakada, 3100, Kairouan – Tunisie.