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La circulation des idées dans les mondes de l'art (INHA Paris)

La circulation des idées dans les mondes de l'art (INHA Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Nicolas Heimendinger)

Les années 1960-1970 ont vu se multiplier les références théoriques en art, en lien avec d’importantes transformations sociales et institutionnelles : élévation du niveau de formation des artistes, apparition d’une critique d’art plus universitaire et théoricienne, émergence de la nouvelle figure du curateur comme concepteur d’expositions, politisation du champ artistique, etc. Si cette période très « théoriciste » semble s’être refermée, la place des idées dans l’art contemporain est pourtant loin d’avoir décru. Au contraire, les catalogues et les revues spécialisées, les déclarations d’intention des curateurs ou des artistes foisonnent de références à des intellectuels (Agamben, Butler, Deleuze, Foucault, Haraway, Latour, Rancière, etc.) et à des concepts en vogue – de l’anthropocène à l’object-oriented ontology, en passant par les propositions d’esthétiques accélérationniste, décoloniale ou post-internet, pour citer pêle-mêle quelques exemples récents. Réciproquement, philosophes, scientifiques et essayistes sont régulièrement invités à collaborer à des expositions, des formations, des « workshops », etc.

Le champ de l’art contemporain connaît donc une intense circulation d’idées, dont les provenances comme les finalités sont nombreuses et variées. Ce phénomène peut être regardé avec une certaine condescendance par les universitaires, du fait des confusions et des effets de mode qui tendent à accompagner l’introduction, parfois superficielle ou ostentatoire, de nouvelles idées dans le monde de l’art contemporain. Celles-ci méritent pourtant d’être prises au sérieux et examinées tant pour leur intérêt théorique que dans leurs usages pratiques. Quelles sont leurs origines et comment se diffusent-elles ? Quels rôles jouent-elles dans les activités, les représentations, les stratégies de légitimation des artistes, des professionnels et des institutions du monde de l’art ?

On peut distinguer deux niveaux où observer ces processus de transferts et d’appropriations d’idées dans l’art contemporain. Tout d’abord, entre le champ artistique et d’autres champs spécialisés, notamment scientifique et universitaire : si l’histoire et la philosophie de l’art exercent logiquement une attraction prédominante, d’autres pans de la philosophie, des sciences humaines et même les sciences formelles ou les sciences de la nature peuvent fournir concepts, « labels » et arguments aux acteurs du monde de l’art.

Ensuite, à l’intérieur même du champ artistique, entre ses différents pôles, qui introduisent, diffusent et discutent ces nouvelles idées. Les artistes, les critiques, les curateurs, les enseignants, échangent notions et références théoriques diverses, comme des instruments tout à la fois de travail (de la production d’œuvres à la conception d’expositions) et de positionnement dans le champ (logiques de concurrence ou de connivence).

Ce journée d'étude cherche à examiner les circonstances précises dans lesquels ces échanges intellectuels se produisent ainsi que les agents et les institutions qui les favorisent, en particulier les figures d’intermédiaires qui tirent profit d’être positionnés entre plusieurs champs (entre l’université et le musée ou entre deux espaces nationaux). Identifier les acteurs et les modalités de ces circulations permet en retour d’analyser les stratégies auxquelles elles répondent et les bénéfices (notamment en termes de légitimation) qu’elles peuvent apporter à ceux qui en sont à l’origine.

Divers processus de traduction, de vulgarisation, d’adaptation affectent ces idées lorsqu’elles passent d’un monde social à un autre. C’est d’autant plus le cas dans un champ aussi transnational que celui de l’art contemporain, au sein duquel les idées parcourent, pour ainsi dire, de grandes distances. Il peut en résulter des décalages significatifs (linguistiques, culturels, temporels, etc.), sources d’invention ou de confusion. Ces remarques indiquent bien qu’il ne s’agit pas seulement de considérer les facteurs qui stimulent et facilitent ces circulations, mais aussi ceux qui les perturbent ou les freinent.

Ces questions permettent plus généralement d’engager une réflexion sur la place, à la fois marginale et hautement valorisée, qu’occupe le champ artistique dans l’économie générale du champ intellectuel. L’art contemporain apparaît en effet aujourd’hui comme un lieu propice à la construction de certaines carrières intellectuelles, selon d’autres modalités que celles du champ universitaire ou médiatique. Certaines notoriétés s’y affirment, certaines idées nouvelles y émergent, et peuvent être ensuite exportées vers d’autres champs. Les mondes de l’art sont-ils donc susceptibles, à partir de ces « braconnages » théoriques, de devenir à leur tour des foyers de production et de diffusion d’idées au-delà de leurs frontières ?

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Programme

9h30 Accueil

  • 10h Marie Vicet (Université Paris Ouest-Nanterre / Centre allemand d’histoire de l’art) : « "Les Immatériaux" : l’exposition comme programme de recherche interdisciplinaire »
  • 10h30 Juliette Pym (Université Bordeaux-Montaigne) : « Circulation des idées dans la formation artistique indépendante américaine. Le cas de l’Independent Study Program»

11h Discussion / Pause

  • 11h30 Philippe Le Guern (Université Rennes 2 / Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) : « Art(s) et anthropologie(s) des mondes contemporains : redonner un sens au monde ? »
  • 12h Marine Schütz (Université Rennes 2) : « Les interventions d’artistes autour des objets coloniaux du Mucem et du Bristol Museum. Les musées européens, nouveaux espaces de traduction de la pensée décoloniale ? »

12h30 Discussion / Pause déjeuner

  • 14h Thomas Laval (Université de Lille) : « Au-delà d’une reconnaissance universitaire : la pensée de Donna Haraway après la documenta 13 »
  • 14h30 Claire Salles (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3) : « (Se) débattre avec l’esthétique : l’appropriation par la revue Texte zur Kunst de la philosophie spéculative contemporaine »
  • 15h Laurence Corbel (Université Rennes 2) : « Entre transfert conceptuel et trahison créative en art : circulation des idées et reconfiguration des savoirs au prisme de l’appropriation »

15h30 Discussion / Pause

  • 16h Frederico Lyra de Carvalho (Université de Lille) : « L’actualité de la théorisation et anti-théorisation en musique »
  • 16h30 Lia Giraud (SACRe-Université Paris Sciences et Lettre) : « Dialogiques de l’œuvre-processus. Echanges interdisciplinaires dans un contexte de recherche en art »

17h Conclusion