Actualité
Appels à contributions
Mises en scènes, réécritures et adaptations de la tragédie grecque au Maghreb, au Proche-Orient et au Moyen-Orient (Clermont-Ferrand)

Mises en scènes, réécritures et adaptations de la tragédie grecque au Maghreb, au Proche-Orient et au Moyen-Orient (Clermont-Ferrand)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Pauline Donizeau)

APPEL À COMMUNICATIONS

Journée d’études

« Mises en scènes, réécritures et adaptations de la tragédie grecque

au Maghreb, au Proche-Orient et au Moyen-Orient »

Clermont-Ferrand-Maison des Sciences de l'Homme

15 octobre 2021.

 

Dans le cadre d’un travail de recherche cherchant à renouveler l’étude et l’historiographie des esthétiques et formes théâtrales dans les pays du Maghreb, du Moyen-Orient et du Proche-Orient, cette journée d’étude vise tout particulièrement à étudier la place de la tragédie grecque dans les formes scéniques des pays de la région.

La tragédie ne fait a priori pas partie du patrimoine culturel et théâtral des sociétés arabo-musulmanes. Des études académiques ont cherché à expliquer cette absence, alors même que les cultures grecques et arabes possèdent un socle mythologique mésopotamien commun – si l’on entend ici les « mythes » non comme des récits constitués mais comme des associations symboliques à la suite du travail de J. Scheid et J. Svenbro (Scheid et Svenbro, 2014). Mohamed Aziza évoque une incompatibilité structurelle des sociétés arabo-musulmanes achoppant sur la notion de « conflit dramatique », permettant d’expliquer l’absence de traduction des textes tragiques antiques par les Arabes à l’époque médiévale, alors même qu’ils ont introduit la philosophie grecque – et notamment la Poétique d’Aristote – en occident (Aziza, 1970). Si l’héritage grec a ainsi pénétré très tôt la pensée musulmane, cela ne semble pas avoir été le cas pour le patrimoine théâtral et spectaculaire.

Dès lors, les adaptations de tragédie en Orient les mieux documentées sont tardives, et datent du tournant du XXème siècle, notamment les tentatives de l’Égyptien Jurjī Abyad qui se sont soldées par un relatif échec auprès du public populaire peu habitué au genre tragique et au théâtre joué en Arabe littéraire. Suivant cette lecture, l’introduction de la tragédie au Moyen-Orient s’inscrirait comme une conséquence de la pénétration des Européens au Proche-Orient et ce développement d’une interculturalité difficile à démêler d’une situation coloniale (Fischer-Lichte, 1990) et d’un impérialisme culturel.

Pourtant, il nous revient de nous interroger sur l’usage du matériau tragique dans les formes spectaculaires et scéniques au Moyen-Orient.

La structure tragique et la dimension rituelle et religieuse ne semble pas étrangère à certaines formes traditionnelles de théâtre religieux comme le Ta’zieh en Iran.

Par ailleurs, au sortir de la période coloniale, on constate l’importance du matériau antique chez de nombreux dramaturges, et en particulier chez Tawfiq El-Hakim, comme l’ont montré les travaux de Laurence Denooz (Denooz, 2002 ; 2003, 2004) ou de Luc-Willy Deheuvels (Deheuvels, 1995). Plus largement sur le sujet, nous pouvons aussi citer la thèse de Raphael Christian Cormack, Oedipus on the Nile: Translations and Adaptations of Sophocles’ Oedipus Tyrannos in Egypt, 1900-1970, présentée en 2017 à l’université d’Edimbourg (Islamic and Middle Eastern Studies).

L’étude du sujet devra donc dans un premier temps s’ancrer dans une perspective historique et anthropologique : quelle est la place des mythes grecs dans la culture orientale (et inversement) ? Quelles sont les sources communes et comment peut-on les appréhender ? Quand et comment la tragédie grecque a-t-elle été intégrée au patrimoine théâtral dans les pays arabo-musulmans ?

Ce qui nous intéresse tout particulièrement ici se fonde sur nos études respectives préalables des scènes contemporaines de la région. Ces dernières années, on constate un nombre important d’adaptations, mises en scène et réécritures des tragédies grecques antiques et de la mobilisation des mythes antiques : de l’Oedipus al-ra’is d’Ahmed El-Attar d’après Sophocle en Égypte en 1993 à la convocation de la figure de Médée par la Libanaise Hanane Hajj-Ali dans son seule-en-scène Jogging en 2016, en passant par la référence à Antigone, dans Kan Ya Ma Kan (Égypte, 2000) de Effat Yehia et Amel Fadgy. Médée et Antigone sont également très connues sur la scène contemporaine iranienne, on observe presque chaque année une nouvelle apparition de ces personnages.

Dans ces spectacles, le matériau tragique antique est adapté, mais il sert surtout à aborder l’actualité socio-politique du pays dans lequel le spectacle est créé. Ce phénomène mérite d’être étudié, en conjuguant une approche esthétique et une approche politique.

Dans une perspective esthétique, plusieurs questions seront amenées à être posées : Comment le matériau antique est-il travaillé et adapté ? Dans quels dispositifs ces mythes et récits sont-ils intégrés et présentés ? En quoi ces propositions mobilisent-elles des enjeux liés à l’interculturalité, à l’hybridation, aux circulations des esthétiques et des modèles ?

Enfin, l’inscription dans une perspective politique semble primordiale. Évoquant un « temps lointain » et une « terre étrangère » tout en abordant les questions liées à la politique et au pouvoir, la tragédie grecque semble proposer un lieu sécure aux artistes pour parler de leurs propres pays et leurs propres époques tout en détournant les contraintes et les limites. Dans des sociétés où la situation sociale est souvent politisée et où les revendications portant sur les droits sociaux et politiques sont perçues comme un tabou ou une mode occidentale importée – considérée comme un problème envahissant – la narration théâtrale peut devenir une échappatoire pour présenter certaines préoccupations sociopolitiques (révoltes, contestations, résistance, place de la femme, etc.) dans la société. L’espace théâtral sécurise davantage s’il s’agit d’un texte étranger, illustrant une société hors de notre temps et notre espace. Cette distance protège à la fois les artistes, qui pointent vers l’ailleurs, et l’œuvre, à l’abri de toute interprétation de premier degré. Elle crée ainsi un langage artistique évoquant ces problématiques.

La journée d’études tendra donc à combiner ces approches.

La première partie de la journée sera ainsi consacrée à des interventions proposant des approches globales, historiques, anthropologiques et esthétiques, prises en charge par des intervenant.es issues de disciplines diverses.

Les séances de l’après-midi seront organisées par tables rondes. À partir d’études de cas portant sur des performances spécifiques, il s’agira de laisser une large place à la discussion et aux échanges entre les participant.es, et à la mise en perspective répondant aux interventions de la matinée.

*

Dans le cadre de cet appel à communications, les contributeurs et contributrices sont donc invité.es à proposer des études de cas d’adaptations et mises en scènes contemporaines de la tragédie dans les pays du Maghreb, du Moyen-Orient et du Proche-Orient. Chaque proposition devra porter sur un cas précis, qui sera décrit et contextualisé.

*

Soumission des propositions :

Les propositions, d’une longueur maximale de 3000 signes (en anglais ou en français) accompagnées par une brève bio-bibliographie, précisant la performance étudiée et le contexte envisagé, sont à envoyer avant le 1er juin 2021 aux adresses suivantes :

Pauline.donizeau@univ-lyon2.fr

Yassaman.khajehi@uca.fr

dpotenza@unior.it

Après évaluation des propositions, les participant.es recevront une notification le 20 juin 2021.

En fonction du budget attribué, le comité d’organisation participera aux frais de déplacement et/ou de logement.

*

Journée organisée par :

Pauline Donizeau – Université Lumière Lyon 2

Yassaman Khajehi – Université Clermont Auvergne

Daniela Potenza – Università degli Studi di Napoli "L'Orientale"

Sobhi Boustani – INALCO

La journée d’étude est organisée dans le cadre du projet PERMO financé par la MSH de Clermont Ferrand.