Les périphrases verbales en français – (In)Stabilité catégorielle et plasticité des usages
Ce colloque s’inscrit dans le cadre de la 10e édition des rencontres scientifiques Montpellier-Sherbrooke, qui se tiendront à l’Université de Montpellier du 3 au 5 juin 2026.
Dans la réflexion sur le changement linguistique, le cas des périphrases verbales fait figure d’exemple prototypique. Meillet fait ainsi de la formation du futur en français par la périphrase infinitif + habeo l’illustration par excellence de la « grammaticalisation », « changement d’un mot en élément grammatical » ([1912] 1921, 133 et 139). Traditionnellement définies comme des « locutions formées d’un verbe, en général à un mode personnel, dont le sens propre est plus ou moins effacé, et d'une forme nominale, participe ou infinitif, d'un autre verbe qui, lui, a gardé tout son sens » (Gougenheim, 1929, I), les périphrases verbales occupent une place importante dans l’étude de la langue française, à la croisée de la morphosyntaxe, de la sémantique et de la diachronie. Comme le montrent Gosselin (2021) et Gosselin et Bertin (2022), ces constructions posent des questions fondamentales sur la frontière entre lexique et grammaire, ainsi que sur les mécanismes de structuration du temps, de l’aspect, de la modalité et de la diathèse. La délimitation de ce domaine pose un certain nombre d’enjeux, qui invitent à repenser la classification des constructions verbales et à interroger la stabilité même des catégories grammaticales.
Longtemps menée dans une perspective philologique, fondée, en linguistique française, par Gougenheim, la recherche sur les périphrases verbales bénéficie aujourd’hui largement des apports des théories de la grammaticalisation (Heine 1993 ; Hopper & Traugott 2003 ; Kronning 2003) ou de la constructionnalisation (Traugott & Trousdale 2013), et des approches relevant des grammaires fonctionnelles (François 2003 ; Gosselin 2021, 98 et sq.). Ces travaux fournissent un cadre d’analyse pour cerner la transition progressive de verbes dits « pleins » vers des marqueurs grammaticaux, ainsi que la variation des degrés d’auxiliarité.
Au-delà des questions théoriques ayant trait à la catégorisation des périphrases et leur place au sein du système verbal, le colloque sera l’occasion d’aborder plusieurs axes thématiques, dont l’étude des phénomènes diachroniques aussi bien en termes d’innovation que d’obsolescence, l’analyse de la variation diatopique et diastratique dans les usages, le croisement de ces perspectives (Dostie 2021, 2025), ainsi que la caractérisation des constructions périphrastiques du français dans une perspective typologique et contrastive. Seront également à l’étude les problématiques relatives aux contraintes lexico-grammaticales (Mooney 2020) et aux variations inter-linguales qui pèsent sur l’acquisition des périphrases verbales en français dans les contextes multilingues (Bassano et al. 2004).
Les communications proposées pourront concerner en particulier :
· la catégorisation des périphrases verbales ;
· la variation diachronique et diatopique dans leur usage ;
· l’acquisition/apprentissage, morphologique et sémantique, des périphrases verbales ;
· le transfert inter-linguistique et le contact linguistique impliquant les périphrases verbales ;
· les apports et impacts de l’Intelligence Artificielle sur la connaissance et la standardisation des périphrases verbales.
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Références
Bassano, D., Maillochon, I., Korecky-Kröll, K., Van Dijk, M., Laaha, S., Dressler, W. U., & Van Geert, P. (2011). A comparative and dynamic approach to the development of determiner use in three children acquiring different languages. First Language, 31(3), 253-279.
Dostie, G. (2021), « Être à INF et l’expression de l’aspect progressif en français québécois au fil du temps (XIXe siècle-XXIe siècle) », Linx, 82 [En ligne].
Dostie, G. (2025). « La périphrase à visée prospective être pour INFINITIF en français (québécois) parlé dans le temps et l’espace. C’est ce que j’étais pour dire », Études diachroniques, vol. 3, p. 145-169.
Gosselin, L. (2021). Aspect et formes verbales en français. Paris, Classiques Garnier.
Gosselin, L. et Bertin, T. (2022). Les périphrases verbales : de la morphosyntaxe à la sémantique. Présentation. Langue française, 213(1), 9-22.
Gougenheim, G. (1929). Étude sur les périphrases verbales de la langue française. Paris: Les Belles Lettres.
François, J. (2003). La prédication verbale et les cadres prédicatifs. Louvain: Peeters.
Heine, B. (ed.) (1993). Auxiliaries: cognitive forces and grammaticalization. New York: Oxford University Press.
Hopper, P. J. & Traugott, E. C. (2003). Grammaticalization. 2e édition. Cambridge University Press.
Kronning, H. (2003). Auxiliarité, énonciation et rhématicité. Cahiers Chronos, 11, 231–249.
Meillet, A. (1921 [1912]). L’évolution des formes grammaticales. Linguistique historique et linguistique française, vol. 1. Paris : Champion. 130-148.
Mooney, D. (2020). Future temporal reference in French and Gascon: aller/anar+ infinitive periphrasis and structural transfer in the bilingual grammar. dans: Variation and Change in Gallo-Romance Grammar. Oxford University Press, 341-365.
Traugott, E. C. & Trousdale, G. (2013). Constructionalization and constructional changes. Oxford: Oxford University Press.
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Modalité de soumission d’une proposition de communication
Les propositions, de 1000 signes au plus (bibliographie comprise), sont à adresser aux adresses suivantes :
sascha.diwersy@univ-montp3.fr ; agnes.steuckardt@univ-montp3.fr
gaetane.dostie@usherbrooke.ca ; erin.nora.quirk@usherbrooke.ca
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Calendrier
Date butoir pour soumettre une proposition de communication : 30 janvier 2026
Notification des résultats d’acceptation ou de refus : 20 février 2026.
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Comité d’organisation
Université de Montpellier Paul-Valéry : Agnès Steuckardt et Sascha Diwersy, Praxiling
Université de Sherbrooke : Gaétane Dostie et Erin Quirk, CRIFUQ et Département des arts, langues et littératures
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Comité scientifique
Anahi Alba de la Fuente (Université de Montréal)
Anne-Sophie Bally (Université du Québec à Trois-Rivières)
Thomas Bertin (Université de Rouen)
Jacques Bres (Université de Montpellier Paul-Valéry)
Viviane Deprez, CNRS
Sascha Diwersy (Université de Montpellier Paul-Valéry)
Gaétane Dostie (Université de Sherbrooke)
Patrick Duffley (Université Laval)
Julie Glikman (Université de Lorraine)
Laurent Gosselin (Université de Rouen)
Daniel Jacob (Université de Fribourg-en-Brisgau)
Christel Le Bellec (Université de Montpellier Paul-Valéry)
Florence Lefeuvre (Université Sorbonne nouvelle)
Marine Le Mene Guigoures (Université du Québec à Montréal)
Erin Nora Quirk (Université de Sherbrooke)
Agnès Steuckardt (Université de Montpellier Paul-Valéry)
Agnès Tutin (Université Grenoble Alpes)
Alexandra Tsedryk (Dalhousie University)
Hélène Vassiliadou (Université de Strasbourg).