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Événements & colloques
Genres et types littéraires (Séminaire Littéraire des Armes de la Critique, ENS Paris)

Genres et types littéraires (Séminaire Littéraire des Armes de la Critique, ENS Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Laélia Véron)

Séance ouverte à toutes et à tous du séminaire mensuel du SLAC ("Séminaire de Lettres des Armes de la Critique")

24 février — ENS, 45 rue d'Ulm, Salle Celan, 17h-20h

Programme

Laélia Véron (ENS de Lyon/ Paris 3) : Introduction

Luce Roudier (ENS Ulm) : Cape, épée, cheval et botte : Qui suis-je ? Le héros de cape et d’épée : du stéréotype au personnage.

Le Cape et d'Epée est un cas tout à fait emblématique de la fixation à la fois générique, académique, axiologique et idéologique, que suscite le genre littéraire. En effet, toute catégorisation comme « de Cape et d'Epée » équivaut à une chute dans un sous-genre de la littérature populaire, autrement dit à un déni de valeur littéraire, à quelques exceptions que l'on sauve à cause du reste de leur œuvre (Théophile Gautier en étant le meilleur exemple). Après un bref historique de la création non du genre en lui-même, mais de l'étiquette de ce genre, on s'attardera sur le lien entre cette étiquette générique, le contenu qu'elle suppose, et lecontenu réel proposé par les romans. Dans la tension entre ces trois pôles, on pourra confronter ladéfinition générique du Cape et d'Epée aux traditionnelles façons, instituées par la critique, de  définir un genre littéraire. Le cape et d'épée étant le seul genre littéraire à être défini et nommé par un contenu concret, à savoir les attributs de son personnage principal, il entretient a priori des liens intimes avec le stéréotype. Sans jeune homme fougueux, rapière au poing et plume au chapeau, point de roman de cape et d'épée ? On travaillera à la fois sur le contenu de ce stéréotype et sur sa réalité, en se confrontant aux textes : Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Paul Féval, et Michel Zévaco seront conviés, mais aussi, moins connu, Amédée Achard, et, plus contemporain, Arturo Pérez-Reverte, pour voir comment la contemporanéité littéraire s'accommode de ce stéréotype censé être éculé depuis déjà bien longtemps.

Würtz Siegfried (Université de Bourgogne, Franche-Comté) : Du genre du comics au type du super-héros : singularité culturelle ou nécessité historique ?

Il est aisé, dans un contexte de sur-médiatisation et de recontextualisations incessantes d’oublier que le genre du comics super-héroïque, et donc le type du croisé extraordinaire qu’il mobilise, est à sa création le fruit d’une époque, d’une culture personnelle de ses premiers auteurs, de contraintes éditoriales et techniques précises. Nés de l’imagination d’enfants américains d’immigrés juifs, Superman ou Captain America n’apparaissent plus aujourd’hui que comme les symboles d’une Amérique triomphante, bien loin donc de leur fondement culturel dont l’influence se fait ressentir dans leurs histoires, ou d’une réalité économique qui ne permettait qu’à des migrants sans ressources de se satisfaire des médiocres salaires de l’industrie du comics des années 1930 malgré des délais de production toujours plus courts. Bien loin aussi de la dimension d’engagement politique de ces héros qui luttaient contre les fascismes européens quand le gouvernement américain refusait encore l’entrée dans la guerre.  Singularité culturelle, le super-héros était aussi la conséquence logique de l’évolution de l’industrie de la bande-dessinée, ses auteurs devant composer malgré les conditions de travail, la médiocrité du papier et des encres à leur disposition, de manière à transformer ces limites en possibilités pour un nouveau genre associé à un nouveau type.
Il s’agira dès lors de s’intéresser à la manière dont les origines matérielles du super-héros ont pu conditionner un certain type de discours, dont le personnage a été le porteur ou dont les critiques en ont fait le porteur, et l’évolution de cette construction idéologique en lien avec l’évolution des conditions de production et de développement du médium, malgré l’apparente platitude du personnage.

Benoît Berthelier (Inalco) : Types sociaux et genres romanesques durant la révolution nord-coréenne (1945-1950)

En 1945, libérée de la colonisation japonaise et placée sous administration soviétique, la Corée du Nord s’engage dans la construction d’un état socialiste et l’établissement d’une économie planifiée. Chargées de produire les conditions subjectives nécessaires au succès de cette révolution politique et sociale, la culture, et plus particulièrement la littérature, vont devenir un enjeu majeur. Afin de doter la paysannerie et le prolétariat urbain d’une conscience de classe en adéquation avec les projets de développement économique du jeune état nord-coréen, il incombe à la littérature de façonner et de diffuser de nouvelles identités collectives. Cette communication présente et interroge les représentations stéréotypées (la « typicalité » du réalisme socialiste) d’ouvriers et de paysans véhiculées par les deux principaux genres romanesques de l’époque, le roman de production industrielle et le roman paysan. Elle analyse en outre l’efficacité sociale de ces représentations en les reliant au cadre matériel de leur production et de leur consommation : campagne d’alphabétisation à l’échelle nationale, mise en place d’une infrastructure culturelle de masse et contrôle de la réception des textes à travers des séances de lecture supervisées par des agents du Parti.