Depuis Sport et civilisation de Norbert Elias, chacun est peu ou prou tenu de se poser une question relative aux vertus pacificatrices du sport et à ses rapports avec les antagonismes sociaux, laquelle question peut s’étager en trois temps : le sport participe-t-il d’un large mouvement civilisationnel consistant à déplacer sur un terrain symbolique et ludique des affrontements qui avaient jadis lieu sur le terrain physique, que ce soit au niveau des individus, des groupes nombrables ou des collectivités larges? ou bien, contrairement à ce qu’avançait Elias, le sport fabrique-t-il et encourage-t-il les discordes, les chauvinismes, les nationalismes, les sexismes, les exclusivismes, les ressentiments, les refoulements et les agressivités de toutes sortes, physiques, sociales, politiques et culturelles? ou encore, plus ambigument, fait-il à la fois l’un et l’autre, en un curieux mélange à ciel ouvert de neutralisation et d’exacerbation des pulsions qui agitent autant l’individu que le corps social?
Faisant fond sur le Mundial que le Brésil a hébergé en 2014, cette journée d’études déplacera cette question sur le terrain des textes, des peintures, des films, des sites, des articles de presse, des images. Chaque intervenant travaillera sur l’objet de son choix qu’il aura déterminé de façon très libre (aucun siècle, aucune origine géographique ou géopolitique ne sont écartés). Mais, se préservant de «l’illusion qu’un objet, quel qu’il soit, constitue une preuve de ce que l’on avance sur lui» (Jean-Marie Klinkenberg, Précis de sémiotique générale, p. 14), on fera de la sociocritique. Il s’agira par conséquent de proposer des lectures décidées à saisir l’historicité et la socialité des dispositifs sémiotiques qui donnent forme au «foot» (et au «soccer»), en gardant à l’esprit — et comme base de l’analyse interne qu’on pratiquera — l’idée qu’aucun dispositif sémiotique n’est clos sur lui-même et qu’il est toujours en interaction avec la façon dont le monde qui l’entoure est dit, chanté, imagé, connu, théâtralisé.
La Journée sera ouverte à tous les praticiens de la sociocritique. Elle accueillera également des communications relevant de l’ethnocritique des textes, de manière à poursuivre les échanges fructueux qui ont lieu depuis deux ans entre ethnocriticiens et sociocriticiens. Le football soulève en effet une interrogation de nature à satisfaire le bakhtinisme des uns et des autres, puisque, à l’instar de nombreux sports populaires, ses mises en textes et en œuvres agrègent de multiples voix, marchent à l’hétérogénéité des styles et des formes, et provoque des rencontres à vif de la culture orale et de la culture écrite.
Les propositions de communication doivent être envoyée pour le 31 octobre 2014 au plus tard à Bernabé Wesley (bernabe.wesley@yahoo.fr) et à Pierre Popovic (pierre.popovic@sympatico.ca). On visera des présentations de 20 minutes en sorte de favoriser la multiplicité des points de vue et la discussion.